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« Il aimait bien les livres et les histoires »

Quand j’ai connu Yannick, il avait 7 ou 8 ans et venait assez souvent à la bibliothèque de rue, le samedi. Il aimait bien les livres et les histoires. A l’école, il se débrouillait plutôt bien. Sa maman, qui avait été en classe jusqu’en 3° et regrettait de ne pas avoir pu poursuivre davantage d’études, l’aidait beaucoup et surveillait de très près les devoirs à la maison. Son père, malheureusement, n’avait qu’un bagage très léger, suivait des cours d’alphabétisation et avait bien du mal à trouver du travail.

C’est au niveau 4° que sa maman m’a demandé de l’aider en anglais et un peu en français. Je l’ai suivi un peu plus de 2 ans. Il était régulier dans son travail, peut-être plus par devoir que par intérêt, mais se maintenait dans une très honnête moyenne. Je me souviens l’avoir aidé, en 3°, à faire un rapport de stage sur lequel il a passé beaucoup de temps et qu’il a rédigé avec le plus grand soin, fier de ce qu’il avait fait. Il faisait aussi partie du club de théâtre du collège et m’avait paru très intéressé, mais il n’y est resté que deux ans. C’est je crois à cette époque que son père a eu de gros ennuis de santé, avec une longue période d’arrêt. Madame D. sa maman, a dû chercher du travail. Elle avait des journées longues et fatigantes. Elle continuait néanmoins à aider les deux sœurs de Yannick, plus jeunes que lui, dans leur travail scolaire, mais moins que lui, bien sûr.

Yannick a passé sans problèmes le brevet des collèges et est entré au lycée, qui se trouve à une certaine distance de chez lui. Il échappait donc bien plus au contrôle familial, passait de longs moments avec ses copains ou sur l’ordinateur. Il ne m’a plus demandé d’aide, mais quand je le rencontrais nous parlions de ses études et il m’a semblé que tout allait bien. Aussi ai-je été très étonnée quand j’ai su par sa maman, que dès le 2nd trimestre de sa classe de 1ère, il avait commencé à manquer des cours… Pour tout arrêter au 3ème trimestre. Pas question de se présenter au bac de français. Madame D. ne comprenait pas ce qui se passait, et n’avait pas vu venir cette désaffection, tout en sachant tout de même que les copains tenaient une très grande place dans la vie de son fils. C’était l’année dernière, en 2010. C’est aussi à la fin de l’été que cette famille a vécu un gros problème et que Monsieur et Madame D. se sont séparés.

Fin août, je l’ai rencontré. Il m’a dit clairement ne plus vouloir aller en classe. Le bac ne l’intéresse pas. Il voulait s’engager dans l’armée, si possible les chasseurs alpins et attendait d’être convoqué pour savoir s’il serait pris. Il m’a raconté qu’au cours de l’été, il avait travaillé 3 semaines dans les services de nettoyage de la ville, se levant à 5h du matin pour un travail dur. Il semblait fier de cette expérience. C’est seulement en novembre qu’il a été convoqué par l’armée, pour une période de 5 jours. Il en est revenu content semble-t-il, mais ayant renoncé aux chasseurs alpins, qui « ne lui disaient plus rien ». Je ne sais plus trop dans quelle arme il souhaitait être pris. Il devait commencer « pour de bon » en février.

Mais maintenant, il a même renoncé à l’armée. Il a une copine dont il ne veut pas se séparer. Il cherche du travail et fait les boîtes d’intérim. Il vit toujours avec sa mère et ses deux sœurs. Il a 19 ans.