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Gurinder, Dimitry et Rémi : la fierté d’être diplômés

Ils ont décroché un CAP à l’école de production Juralternance, qui est un projet pilote associé d’ATD Quart Monde.

Gurinder, 19 ans, Dimitry et Rémi, 20 ans, se sont mis sur leurs trente-et un. Ce 11 novembre 2016, ils sont les héros du jour à Juralternance. Laurent Gaudin, leur  » maître professionnel « , leur remet publiquement leur diplôme de CAP (Certificat d’aptitude professionnelle) en Métallerie Serrurerie qu’ils ont décroché dans cette école pas comme les autres.

La mère de Dimitry ne cache pas sa fierté de voir son fils ainsi réussir après avoir tâtonné. Les parents de Rémi sont venus aussi. Ceux de Gurinder vivent dans son village natal du Pendjab, en Inde.

C’est une journée Portes ouvertes à Juralternance qui veut mieux se faire connaître à Dole (Jura) et dans la région. Pour l’occasion, dans le vaste atelier où trônent d’imposantes machines, l’école présente une exposition d’oeuvres, en métal ou en tôle, d’artistes contemporains de la région, ainsi que des pièces réalisées par les élèves eux-mêmes.

Banc

Les écoles de production accueillent des jeunes dont personne ne veut – décrocheurs, non francophones,  » allergiques  » aux études… Elles les forment à un métier qui recrute – ici la métallerie et aussi le pneu dans un autre atelier -, selon un principe simple : faire d’abord, apprendre ensuite. Les jeunes travaillent ainsi les deux tiers du temps en atelier et le tiers restant, ils suivent des cours.

 » C’est là que j’ai eu mes premiers cours de français et que j’ai commencé à vraiment apprendre la langue, se souvient Gurinder, avant j’écoutais la télé, je repérais des mots et je cherchais leur traduction sur internet.  »

Gurinder est arrivé à Paris à 15 ans venant du Pendjab. Rêvant d’une vie meilleure, il voulait rejoindre de la famille en Angleterre.  » Mais ça n’a pas marché, je me suis retrouvé seul gare de Lyon, raconte-t-il. J’ai dormi sur un banc la première nuit. Puis j’ai rejoint le temple sikh de Bobigny (Seine-Saint-Denis) et ma communauté m’a pris en charge.  » Après six mois, il atterrit dans un centre pour mineurs isolés étrangers, près de Lyon.

Au Pendjab, Gurinder allait à l’école. Outre l’hindi et le pendjabi, il parlait bien l’anglais. En France, il rêvait de poursuivre des études. Mais ne connaissant pas un mot de français, il n’a pas trouvé de place. C’est dans son foyer qu’il a entendu parler de Juralternance.

De g. à dr. : Annie, Dimitry, Rémi, Gurinder, Laurent, Jean-Yves. @FP, ATDQM

Entraide

 » J’avais déjà loupé un CAP, je ne voulais pas en louper un deuxième  » : Dimitry parle d’un ton soulagé. Il a fait deux ans de CAP Menuiserie en apprentissage.  » J’aimais bien mais ça n’allait pas avec mon patron, il voulait que je sache déjà tout.  » Dimitry a alors tout plaqué, découragé, ne sachant plus que faire.

A Juralternance, Dimitry a repris pied. Ici, on travaille aussi la confiance des jeunes qui arrivent souvent abattus, convaincus d’être nuls, après des parcours de vie et des histoire scolaires difficiles.  » J’ai bien aimé qu’on s’entraide, le fort en maths explique à celui qui a des difficultés « , ajoute-t-il

Il y a aussi les ateliers philo du vendredi animés par Annie Millot, prof à temps partiel. Une occasion pour les jeunes de prendre la parole, de réaliser qu’elle compte et aussi d’apprendre à s’écouter.

 » Le CAP, je ne pensais lpas ‘avoir  » : issu de la communauté des gens du voyage, Rémi semble encore étonné. Il a quitté les bancs de l’école à 12 ans. Il n’a jamais été au collège. Il suivait les cours par correspondance et fréquentait le camion-école d’Annie, qui s’arrête sur les aires où les gens du voyage installent leurs caravanes.

Timide, Rémi parle peu et lentement avec un accent jurassien.  » Cette école a été une chance, confie-t-il, et je me suis fait des amis.  »

Avenir

Dans un coin de l’atelier, derrière un mur vitré, c’est la salle de cours. C’est là qu’enseignent Annie et une dizaine de profs bénévoles, ainsi que Jean-Yves Millot, instituteur en maternelle détaché qui dirige l’école.

Annie et Jean-Yves en sont parmi les fondateurs. Avec Claude Chevassu, gérant d’une entreprise de pneus, ils ont créé il y a cinq ans l’association Eccofor (Ecouter, Comprendre, Former), à l’origine de Juralternance.

Aujourd’hui, l’école, dont l’équilibre financier reste fragile, accueille 18 jeunes. Des jeunes qui, en sortant, s’imaginent un avenir.

Rémi est en passe de décrocher un contrat de professionnalisation pour devenir soudeur.

En bac pro Chaudronnerie, Dimitry envisage de pousser jusqu’au BTS (Brevet de technicien supérieur).

Gurindei, lui, est en bac pro Ouvrages Bâtiments métalliques. Il se verrait bien un jour créer sa petite entreprise et rêve d’une maison avec un garage où il fabriquerait des objets. A ses heures perdues, il dessine  » avec ses émotions « .

Véronique Soulé

Le saviez-vous ?

Les écoles de production figurent parmi les lauréats 2016 du concours « La France s’engage » qui « récompense les projets innovants en faveur de la société ».

20

C’est le nombre d’écoles de production dont près de la moitié en Rhône-Alpes, leur berceau – la première fut fondée à Lyon en 1882. Il est prévu d’en ouvrir 8 à la rentrée 2017.

Photo : Gurinder, Dimitry et Rémi à Juralternance le 11 novembre 2016 à Dole (F. Phliponeau)