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Gerardo Gil, de San Salvador à Montreuil

Le jeune chercheur, originaire du Salvador, en Amérique centrale, participe à la recherche internationale sur les dimensions et les nouvelles mesures de la pauvreté menée par ATD Quart Monde et l’université d’Oxford. Un projet qui l’enthousiasme.

Gerardo Gil est arrivé dans la Maison Quart Monde de Montreuil, le siège du Mouvement en France, en janvier 2018. Discrètement, sans tambour ni trompettes. Gerardo, 33 ans, est une personne discrète. Lorsqu’on l’interviewe, il s’excuse même d’être réservé – « Je n’ai pas l’habitude de parler de moi »…

Gerardo a rejoint pour trois ans l’équipe de la recherche sur les dimensions de la pauvreté, menée par ATD Quart Monde et l’université d’Oxford. Parallèlement, il fait sa thèse de doctorat sur la démarche du Croisement des savoirs appliquée aux personnes en situation de pauvreté.

Avec cette recherche, il est aux premières loges. L’idée est que la définition actuelle de la pauvreté, qui retient des critères essentiellement monétaires, est très imparfaite. Pour une compréhension fine, les personnes concernées doivent être associées. D’où le fait que dans ce projet mené selon la démarche du Croisement des savoirs mise au point par ATD Quart Monde, elles sont co-chercheuses aux côtés des universitaires et des praticiens.

Monde

La rencontre de Gerardo avec ATD Quart Monde s’est faite presque fortuitement. Il vient de décrocher son master en Économie sociale et solidaire à l’Institut catholique de Paris et veut se lancer dans une thèse. Elena Lasida, sa directrice de master, lui parle de la recherche sur la pauvreté à laquelle elle participe.

Gerardo est tout de suite conquis. « Ce qui est important pour moi, explique-t-il, c’est de travailler pour un monde meilleur y compris avec les personnes exclues, stigmatisées, que la société juge tout en bas. »

À l’époque, il ne connaît pas bien le Mouvement mais il en a une bonne image. En 2014, il a fait un voyage d’études à Montréal, au Canada, où figurait une rencontre avec une personne d’ATD Quart Monde : « Elle a expliqué que plutôt que de donner, il faut co-construire avec les personnes si l’on veut que le projet soit durable. »

Avant d’être recruté, Gerardo a travaillé deux ans dans une association sur les partenariats dans les projets sociaux innovants. « J’étais en contact avec les associations, entreprises, collectivités, partenaires dans des projets. J’avais envie de voir sur le terrain les personnes concernées. »

Chemin

Pour arriver à Montreuil, Gerardo Gil a parcouru un long chemin. Il est né à San Salvador, la capitale du Salvador, dans une famille de la classe moyenne. Son père, aujourd’hui retraité, dirigeait une entreprise de technologie dans le café, sa mère était assistante sociale.

Francophone, son père a fait son doctorat à Montpellier à la Cirad, un centre de recherche agronomique. Gerardo et son frère effectueront, eux, toute leur scolarité au Lycée français de San Salvador, de la maternelle au bac.

Gerardo part poursuivre ses études supérieures en France. Une licence et une maîtrise de droit international et européen à l’université Paris 1, puis un master en droit économique international et européen à Paris 13.

Traités

Frais diplômé, il regagne son pays et est embauché au ministère de l’Économie comme négociateur de traités de libre-échange. Entre 2010, et 2012, il est responsable de la négociation du chapitre sur la concurrence et de celui sur la défense commerciale.

Une expérience qui lui a beaucoup appris. « C’était de l’économie pure et dure où l’on considère que la concurrence est parfaite. Or tous les pays ne sont pas égaux, il y a des déséquilibres mais on n’en tient pas compte. Dans cette économie, l’homme est au service de l’économie et non pas l’économie au service de l’homme ».

Gerardo repart en France, décidé à se tourner vers l’Économie sociale et solidaire, plus conforme à ses valeurs. Avant de faire son master, il sera bénévole au Secours populaire et assistant d’éducation dans un collège du 20è arrondissement de Paris .

Racines

Aujourd’hui, il a fait sa vie en France. Ayant épousé une Française, il a acquis la nationalité. Sa femme est pâtissière dans la restauration collective. Ils ont un fils de seize mois qui sera bientôt bilingue – son père lui parle en espagnol.

Gerardo rentre tous les deux ans au Salvador voir ses parents et son frère. Un pays où il mesure « l’étendue de la pauvreté et les inégalités criantes » et où ATD Quart Monde, présent au Guatemala voisin, aurait fort à faire.

Ses racines salvadoriennes ont certainement pesé dans son itinéraire. Pendant douze ans, de 1980 à 1992, le pays a été ensanglanté par une guerre civile qui a fait plus de 100 000 morts. Une tragédie qui marque même si, enfant, on ne réalise pas toujours.

« Ma recherche, explique Gerardo, c’est comment on apprend les uns des autres et comment on construit des savoirs ensemble. »  « Ce qui m’intéresse dans le Croisement des savoirs et des pratiques, ajoute-t-il, c’est communiquer, construire la confiance, se respecter. » Tout l’inverse des guerres.

 

Véronique Soulé