
À TAE à Noisy-le-Grand, des «fiches innovation» pour réinventer l’entreprise
Avec ses branches Informatique, Ménage et Bâtiment, l’entreprise solidaire TAE (Travailler et Apprendre Ensemble) d’ATD Quart Monde, créée en 2001 à Noisy-le-Grand, est un véritable laboratoire d’innovation économique et sociale.
Ce matin du 3 juin 2015, l’équipe est au salon « Open bidouille » à Noisy-le-Grand (Seins-Saint-Denis), dans le cadre de la Semaine du développement durable. Gilles, Dominique, Emmanuel, Timothée et Jehida accueillent les visiteurs qui souhaitent apprendre à réparer ou recycler leur ordinateur.
Gilles est arrivé à TAE en 2007. «Auparavant, j’avais travaillé dans la grande distribution six jours sur sept, raconte-t-il. C’était très dur. À TAE, on est plus libre dans notre travail et c’est plus varié. Chacun va jusqu’au bout de ce qu’il commence.» Gilles apprécie de pouvoir contribuer à la formation des nouveaux : « chez nous, les plus anciens forment les nouveaux, en leur apprenant, par exemple, à tester les ordinateurs qui arrivent.» À TAE, chacun finit par devenir un ancien, donc un formateur.
Respecter le rythme de chacun
Dominique a été embauché en 2012. Ce qu’il trouve original à TAE ? La capacité de l’entreprise à respecter le rythme de chacun sans pour autant mettre en péril sa viabilité économique. «On a toujours réussi à livrer une commande !», précise Gilles.
Jehida, elle, apprécie la possibilité de travailler en binôme. «J’aime ça, même si je ne le fais pas tous les jours. Ça aide les personnes, ça fait avancer le travail, ça fait bouger.»
La polyvalence est une qualité demandée et en général appréciée par les salariés. «En ce moment, explique Dominique, je fais des remplacements dans l’équipe ménage, à côté de ma participation à l’atelier informatique.» Il insiste sur un autre point fort de TAE : «permettre aux gens de garder leur emploi, même s’ils ne peuvent pas venir tous les jours. Ailleurs, ce serait la mise à pied rapide. Ici, si l’absence dure très longtemps, le contrat est rompu, mais on garde la place et le contrat peut repartir quand la personne revient.»
Une attention aux absents
C’est aussi un atout de TAE aux yeux de Timothée qui, après avoir commencé par travailler trois ans à SFR, a voulu rejoindre cette entreprise atypique. «Une collègue est revenue après une interruption de six mois, explique-t-il. Ça n’a pas été facile pour elle, mais ça va mieux maintenant.» Cette attention aux absents est portée par toute l’équipe. Chaque lundi matin, la réunion hebdomadaire commence par un point sur les absences, et on cherche des moyens d’aider les gens à retrouver leur poste de travail. «TAE, c’est à taille humaine», conclut Timothée.
Ces manières de se former, de s’adapter au rythme de chacun, de faire face à l’absentéisme, de miser sur les savoir-faire et sur la polyvalence, de faire le pari de la mixité sociale, de veiller aux ambiances de travail, sont des pratiques qui suscitent un grand intérêt chez les entreprises et les délégations qui visitent régulièrement TAE.
Co responsabiliser les membres de l’équipe
«Cette entreprise a un côté expérimental, pilote, analyse Philippe Jauffret, de Tefal(2). Tirons-en les meilleures idées, les meilleures pratiques pour les adapter ailleurs. Les innovations proposées par TAE ne sont pas transposables telles quelles dans les grands groupes. Elles restent cependant pertinentes au niveau de leurs services, de leurs ateliers. Dans la façon de co responsabiliser le personnel, de tirer le meilleur parti de chaque salarié, nous avons beaucoup à apprendre de TAE. »
Pour instaurer ce dialogue avec le monde du travail, TAE a décidé il y a plusieurs mois de mettre des mots sur ces pratiques et ces savoir-faire. Ce qui donne naissance aujourd’hui à une dizaine de «fiches innovation» rédigées par l’équipe des salariés, avec l’aide de Bénédicte De Muylder et Yves Petit, d’ATD Quart Monde, et du conseil d’administration. Les experts de l’entreprise et de l’emploi ne sont pas que dans les ministères et les cabinets de conseil.
JC Sarrot
«Ces fiches innovation(1) résument de façon concrète les inventions au sein de TAE. Elles constituent une boîte à outils pour aider des entreprises à faire face de façon innovante à certaines problématiques. Il ne s’agit pas de leur donner des conseils, mais de se questionner ensemble.»
Guillaume de Marcillac, président de TAE
Les chiffres de TAE
– une vingtaine de salariés en CDI ou promesse de CDI
– un budget annuel de 600 000 euros, dont 10 à 20 % apporté par des mécènes, comme la Fondation de France et Gide Pro Bono, pour financer le pôle Innovation
– 2000 ordinateurs reconditionnés chaque année
– 30 à 40 chantiers de bâtiment à l’année
– 1500 m² entretenus chaque semaine par l’équipe ménage-entretien
Allez voir
Le site www.ecosolidaire.org, pour découvrir les entreprises TAE de Noisy-le-Grand, de Madagascar et du Guatemala. Ne ratez pas la vidéo sur http://bit.ly/1T5DAJl
Contact
TAE, 202 avenue Cossonneau, 93160 Noisy-le-Grand, 0149321596, tae@ecosolidaire.org
La mixité sociale au cœur de l’entreprise
À TAE, la mixité sociale est présente dans chaque équipe de production. Les salariés ayant connu la grande précarité apportent leurs compétences et leur savoir de vie, clef de compréhension pour décoder les situations d’exclusion. Les autres apportent leurs expériences professionnelles et leur connaissance du monde de l’entreprise.