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Les visages d’ATD Quart Monde – Fatiha Ziane : « J’ai toujours donné, mes filles aussi »

Fatiha Ziane est la responsable du groupe d’ATD Quart Monde de Dunkerque. Itinéraire.

Le week-end, comme ses enfants sont grands maintenant et qu’ils ont souvent leurs occupations, Fatiha Ziane quitte la maison. Elle prend le bus jusqu’à Grande Synthe, commune qui jouxte Dunkerque. Elle descend au grand centre commercial, le terminus. Puis elle longe la route à pied jusqu’au camp de réfugiés.

Là, elle passe la journée. Et elle ne chôme pas. Le camp, géré par l’association Utopia56, où loin des « jungles » insalubres, les réfugiés sont hébergés dans des cabanes en bois, manque de bras. « On nettoie, on distribue des vêtements, on informe les réfugiés… Ce qui me manque, c’est une langue étrangère comme l’anglais, j’aimerais parler plus avec eux », dit-elle.

Fatiha Ziane, 55 ans, responsable du groupe de Dunkerque d’ATD Quart Monde, est ainsi : hyperactive, généreuse, conviviale et curieuse, de nouveaux savoirs et de belles rencontres.

 

Comptes

Capture du 2016-05-29 18:00:30Son premier contact avec le Mouvement remonte aux années 80. « J’avais une fuite d’eau chez moi, raconte-t-elle, je suis tombée sur ATD Quart Monde, j’ai surtout trouvé de l’écoute. J’ai participé à des activités. Puis j’ai tout arrêté: j’avais déjà mon aînée Ingrid, je devais travailler. »

Suivent trois autres enfants : Flavie, 22 ans, Hilary, 20 ans, et Yonnis, 16 ans, le « petit » dernier qui dépasse le mètre quatre-vingt. Fatiha les élève seule. Sans diplôme, elle a abandonné, enceinte, en CAP. Elle travaille comme secrétaire.

En 2009, à la suite de problèmes de santé, elle doit s’arrêter. « Je voulais reprendre mais le médecin m’a déclarée inapte », regrette-t-elle. Aujourd’hui elle vit avec le RSA (revenu de solidarité active) avec ses trois derniers. Dans leur maison HLM à deux niveaux qui longe la voie ferrée, chacun a sa chambre. Fatiha arrive tout juste à joindre les deux bouts : « à la fin du mois, il me reste 150 euros. J’ai montré mes comptes aux enfants pour qu’ils comprennent. »

Classeurs

Dans les années 2000, elle renoue avec ATD Quart Monde. Très vite, elle est appréciée. On lui propose de devenir responsable du groupe dunkerquois : « J’ai réfléchi, à cause de ma famille. Mais j’aurais refusé, le groupe risquait de disparaître. Je me suis lancée. Et quand je m’engage, c’est à fond. »

Son énergie, son ouverture aux autres, font des merveilles. Lors du week-end de découverte du Mouvement en avril dernier, elle est venue à Méry (Val-d’Oise) avec une douzaine de militants locaux. Flavie et Hilary étaient aussi du voyage. « Petites, elles étaient dans le Mouvement de jeunesse d’ATD Quart Monde « Tapori », elles ont la nostalgie », explique leur mère.

A peine les plats du couscous desservis, Fatiha étale sur la table les classeurs où elle range soigneusement les papiers d’ATD Quart Monde – le planning des repas partagés, des sorties familiales, des Universités Populaires Quart Monde… Dans un autre classeur, elle a rassemblé les documents liés à ses autres activités – elle est dans un groupe de parole d’un centre social, visite des personnes âgées, est le relai pour le quartier d’un bailleur social…

Universités

« J’ai appris à mieux comprendre les choses de la vie, à ne pas être toujours dans le négatif, à chercher le pourquoi »: pour Fatiha, les Universités populaires Quart Monde ont été un véritable creuset.»  «  A ATD Quart Monde on réfléchit, se félicite-t-elle, pourtant je suis une personne simple, je ne connais pas tous les termes. » Timide au départ, elle ajoute avoir appris à s’exprimer en public.

Aujourd’hui , c’est elle qui prépare son groupe aux Universités populaires qui se déroulent à Lille. « On se réunit et on travaille, raconte-t-elle, chacun a droit à la parole et dit ce qu’il pense du thème – on a eu l’Europe, l’argent, les migrants… Certains sujets sont « chauds », comme récemment les Roms. Je note tout et j’envoie le compte-rendu à Lille. »

Elle espère que ses filles vont bientôt y participer. Elles constituent un groupe jeunes qui devrait préparer la prochaine Université populaire.

Pendant notre rencontre, Fatiha reçoit un coup de fil : une famille vivant dans un appartement insalubre, avec une personne malade, et qui n’a toujours aucune réponse du bailleur. Elle promet de le relancer. « Sinon, on fera venir le Comité Hygiène pour faire un constat », promet-elle avant de raccrocher.

« Dans ma famille, on a toujours donné. Ma mère déjà, qui élevait seule 5 enfants car mon père est mort jeune, en aidait d’autres, et mes enfants suivent. Donner comme ça, sans rien demander, c’est que du bonheur ! »

Véronique Soulé

Photo :  Fatiha Ziane et ses filles Flavie et Hilary, le 21 avril 2016 à Dunkerque (F. Phliponeau)