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Entrer en dialogue avec la société

Du 5 au 7 juillet 2019, ATD Quart Monde Grand Lyon a participé une nouvelle fois aux Dialogues en humanité à Lyon.

Aux pieds des arbres centenaires du Parc de la Tête d’Or, haut lieu de promenade lyonnaise, se sont réunies pendant trois jours des personnalités connues et moins connues. Parmi elles, les membres d’ATD Quart Monde Grand Lyon ont été nombreux à participer aux ateliers et aux débats. Ils ont apporté une parole nouvelle parmi le public humaniste des Dialogues, mais relativement privilégié.

L’enjeu de ces Dialogues en humanité est de permettre à chacun de sortir de son entre-soi, comme le rappelle bien Geneviève Ancel, organisatrice des Dialogues  :  « Il n’y a pas de transformation sociale sans transformation personnelle. Pour cela, il faut un dialogue entre tous les univers, toutes les convictions et toutes les générations. » Il s’agit d’entrer dans une « inter-action » bénéfique à tous.

Un atelier sur le droit à l’emploi

Plusieurs groupes d’ATD Quart Monde ont préparé des saynètes sur le droit à l’emploi, engageant le public à réagir. Un débat s’est installé autour du mot « Sincérité » dans le monde du travail. Une participante a dit  :  «  Moi, je pense que, lorsque l’on rentre dans une entreprise, il faut rester sincère pour être bien avec soi-même, parce que sinon, vous allez tomber malade.  » Un militant Quart Monde a parlé de son expérience  :  «  Si tu dis la vérité à ton employeur, du jour au lendemain tu es viré. Aujourd’hui tu peux travailler et demain, c’est non.  »

Des salariées d’Emerjean, l’Entreprise à But d’Emploi du quartier Saint Jean de Villeurbanne, ont expliqué comment cela se passe dans leur entreprise  :

«  À Emerjean, au départ il n’y avait pas d’activité, mais de l’emploi. Ce sont les salariés qui ont réfléchi à ce qu’ils pouvaient faire. Il y avait des rencontres chaque lundi pour réfléchir à cela. On fait dans la polyvalence  : de la médiation à l’entrée de l’école, de l’accompagnement des seniors, des services aux entreprises du quartier, du soutien scolaire, on travaille aussi avec les bailleurs et les associations. Il y a un principe de non-concurrence. On doit chercher des activités qui n’existent pas.  »

«  À Emerjean, on donne sa chance à tout le monde. L’embauche n’est pas basée sur le diplôme ou sur l’âge. On tient compte plutôt de ce que l’on sait faire, de nos compétences. On peut choisir son temps de travail. Et comme tu travailles dans ton quartier, tu peux déposer les enfants à l’école avant de venir. A Emerjean, il y a des personnes qui n’avaient pas travaillé depuis un an, 2 ans, 6 ans, 10 ans. II y a aussi des personnes qui n’ont jamais travaillé dans leur vie.  »

Des agoras sur l’effectivité des droits universels et la justice climatique et l’équité sociale

Pendant ces temps d’agora, les militants Quart Monde ont rappelé que l’effectivité du droit au logement passe par l’application de la Loi DALO (Droit Au Logement Opposable). Ils ont aussi parlé de l’importance de rendre effectif le droit à la culture, un droit indissociable des autres. Ils ont parlé notamment de l’association «  Culture pour tous  » qui permet l’accès à la culture, «  celle qui fait vibrer nos cœurs  ».

Le groupe jeune a proposé une restitution de l’Université Populaire Quart Monde Jeunes sur le thème « Construisons la société idéale. » « Notre société idéale est un monde où il n’y a pas de pollution, pas de missile nucléaire, pas de cloisonnement, où les démarches administratives sont simplifiées, où la nourriture est mieux répartie, où l’on peut donner du sens à ce que l’on fait et où on peut participer aux prises de décisions, où l’on prend en compte les personnes en situation de handicap, où l’on facilite l’autonomie tout au long de la vie…  »

Un dialogue pas toujours simple…

Si la parole a été respectée, il a cependant été difficile d’entrer dans un dialogue avec les «  sachants  ». Les experts ont du mal à sortir des discours qu’ils déroulent pendant leurs conférences. Certains militants Quart Monde ont eu l’impression de ne pas être écoutés. Ils ont trouvé qu’il était compliqué de comprendre ce qui se disait  : «  Les personnes viennent pour entendre les experts et les personnes connues, mais pas les militants d’ATD Quart Monde.  »

Ce dialogue avec la société reste un véritable défi où chacun doit faire un pas vers l’autre, et se décentrer de ses propres convictions. Lors de notre temps d’évaluation, nous disions  : «  L’agora devrait être l’égalité de la légitimité de la parole, mais ce n’est pas forcément ce que nous avons vécu.  » Un militant Quart Monde reprenait  : «  S’il n’y a pas de l’égalité, il y a l’exclusion.  »

Travailler ensemble pour définir ce qu’est la pauvreté

Des co-chercheurs ayant participé à la recherche participative internationale sur les dimensions de la pauvreté sont venus présenter leur travail. Ils ont surtout été questionnés sur la manière dont ils avaient travaillé ensemble.

Elena, co-chercheuse, universitaire : « Cela ne suffit pas de dire que l’on met les pauvres autour de la table et de les faire participer. Il faut créer les conditions pour que cette participation soit effective et efficace. On allait faire un travail que nous, les chercheurs, on a l’habitude de faire, mais qui allait être nouveau pour les personnes en situation de grande pauvreté. Pour cela, il y a eu un cadre bien spécifique pour permettre à chaque groupe de travailler à égalité : les chercheurs d’un côté, les praticiens d’un autre côté et les personnes ayant l’expérience de la grande pauvreté. »

Bafodé, co-chercheur, praticien : « En arrivant dans cette recherche, j’étais animateur dans une maison de quartier, avec un cadre bien défini pour faire des animations. Pendant la recherche, j’ai appris comment approcher et travailler avec les personnes qui n’ont pas la même expérience que moi. J’ai appris à ne pas rêver à la place de l’autre. C’est dans le dialogue que l’on arrive à construire ensemble des choses. »

Abdel, co-chercheur, militant Quart Monde : « La question de l’égalité, nous, le groupe des militants Quart Monde, on ne se l’est jamais posée. Notre appréhension au départ, c’était surtout de savoir comment on allait dialoguer pour se comprendre. Nous, on se faisait une idée assez particulière des chercheurs. On se disait qu’ils allaient nous balancer des mots, des machins scientifiques qu’on ne comprendrait pas. Et cela n’a pas été le cas. »

Chantal, co-chercheuse, volontaire permanente : « Moi qui était dans l’animation du groupe des militants Quart Monde, je voyais que c’était très fragile. Dans l’équipe, il y avait des personnes qui entendent dire d’eux, depuis l’école, qu’ils sont nuls, qu’ils ne pensent pas bien, que ce qu’ils disent n’a pas d’importance. Ils l’ont tellement intégré à l’intérieur d’eux-même qu’il faut toujours revenir là-dessus et disant : « Vas-y exprime toi, ose ! » « Non, ce n’est pas nul ce que tu dis ! » Et il ne suffit pas juste de se le dire, il faut aussi se le prouver en permanence. »

L’art et la culture, une émotion qui parle de notre humanité commune

L’enjeu de ces Dialogues en humanité est l’ouverture et la rencontre. Le dimanche soir, la Chorale d’ATD Quart Monde s’est unie au groupe vocal les Chant’Sans Pap’Yé, né de RESF (Réseau Éducation Sans Frontière) Rhône.

« Cela a été un beau moment et une belle rencontre, dans un bel endroit. »

Des membres d’ATD Quart Monde ont également échangé avec des habitants de Vaulx-en Velin et de Villeurbanne qui ont chanté l’opéra « Didon et Enée » de Henry Purcell. Ils étaient accompagnés par Malika Bellaribi Le Moal, celle que l’on nomme « La diva des quartiers. » « L’art permet une rencontre que les mots ne permettent pas forcément. C’est peut-être la piste à privilégier. »

L’équipe engagée dans les Dialogues en humanité 2019.

Photos : ATD Quart Monde