
« En associant les personnes qui ne prennent pas la parole, on peut bousculer les choses »
Noëllie Greiveldinger, psychologue au Conseil départemental des Pyrénées orientales, explique comment cela a radicalement modifié sa pratique.
«J’ai participé à l’une des premières coformations, en 2006 à l’INSET (Institut national spécialisé des études territoriales) d’Angers. Il y avait des personnes venues d’horizons très divers et des militants d’ATD Quart Monde. Cela a révolutionné ma façon de voir et ma pratique.
Des mots pris comme une insulte
Je me souviens d’un moment qui m’a beaucoup marquée durant cette coformation. J’avais parlé et j’avais utilisé des mots – je ne sais plus exactement lesquels – qui avaient été très mal pris par un militant. Il les avait même ressentis comme une insulte.
Ce militant avait compris exactement le contraire de ce que je voulais dire. Or, jusqu’ici j’étais persuadée d’être parfaitement bien comprise en utilisant ces termes.
J’ai réalisé que ce n’était pas si simple. Que la plupart des gens que je rencontrais dans le cadre de mon travail ne me le disaient pas mais qu’ils ne comprenaient pas.
Chercher la solution avec les autres
Avant cette formation, quand je travaillais, j’étais persuadée que même si j’écoutais la personne en face de moi, c’était à moi de trouver la solution, moi avec mes collègues.
Je me suis rendue compte qu’en fait, la solution est à chercher avec les personnes. Cela a complètement changé ma vision des choses, ma façon de travailler.
J’ai réalisé l’importance du collectif. Cela m’a incitée à participer ensuite à des actions collectives et à des actions de concertation.
Associer ceux qui ne prennent pas la parole
Un exemple pour illustrer ce que je dis. La MDPH (Maison départementale des personnes handicapées) avait un projet qualité. L’idée était de mener une réflexion pour améliorer l’accueil.
Un groupe d’une dizaine de personnes en situation de handicap, ainsi que deux animatrices dont moi, se sont alors mis à réfléchir sur la question. Et la réflexion est allée au-delà de l’accueil.
Le groupe a fait des propositions. Et il a demandé à rencontrer le directeur – « on veut parler à la personne qui décide, sinon on va parler pour rien ».
Des comités d’usagers
Le directeur a joué le jeu. Il est venu et il s’est engagé à changer un certain nombre de choses. Depuis, il y a des comités d’usagers – une cinquantaine de personnes qui se réunissent à intervalles réguliers durant l’année.
Grâce au croisement des savoirs, on arrive à modifier nos pratiques, dans le social et pas seulement. C’est en associant les personnes les moins habituées à prendre la parole, en en allant les chercher que l’on peut bousculer les choses.»
Recueilli par Véronique Soulé
Légende photo: La charte du croisement des savoirs et des pratiques d’ATD Quart Monde à laquelle Noëllie Greiveldinger dit se référer régulièrement (DR)