
Elodie et Yves Petit, accorder sa vie avec ses valeurs
C’est l’histoire d’un couple qui veut mettre en harmonie sa vie et ses convictions. Tous deux volontaires permanents d’ATD Quart Monde, ils viennent de s’installer à Lyon dans le cadre du projet Présence par l’habitat.
Londres, 2005. Dans la capitale mondiale de la finance, Elodie et Yves Petit se posent des questions sur le sens de leur vie. Les deux jeunes expatriés, l’un issu d’une école d’ingénieurs et l’autre d’une école de commerce, étaient partis poursuivre leur carrière dans les assurances : elle les commercialise quand lui analyse et évalue les risques. « On voulait une certaine sécurité, que nous apportait notre boulot », se souvient Yves, 40 ans. « Mais on avait toujours voulu être acteurs de la société », complète Elodie, 43 ans.
Les abeilles vertes
Le couple crée alors en France GreenBees (les abeilles vertes), une association qui cherche à promouvoir le dialogue entre les cultures. Très vite, les contacts noués à travers elle les emmèneront bien loin du monde des assurances et de la City. Appelés par des pédagogues péruviens engagés dans un projet éducatif en zone rurale, ils font leurs bagages et en 2008, partent s’installer en Amérique du Sud. Trois ans à vivre au Pérou, dans des communautés isolées de l’Altiplano, pour former des maîtres et adapter des outils pédagogiques de la mouvance Freinet.
« On avait envie de vivre complètement autour des valeurs qu’on prônait dans l’association », se souvient Elodie. « C’était important pour nous de vivre au milieu de la population, de s’imprégner de la culture », ajoute Yves.
Même si tous deux connaissaient ATD Quart Monde avant de partir, c’est au Pérou que se sont noués les premiers vrais contacts. D’abord avec la délégation de Lima, lorsque les vacances scolaires leur laissaient un peu de répit. Mais aussi en échangeant avec le Forum du refus de la Misère (1) pour partager leurs expériences de terrain.
« Agir dans notre propre société »
De retour en France, l’expérience péruvienne a changé leur manière de vivre. « On a voulu mener une vie davantage basée sur les relations humaines », se souvient Elodie qui change de métier et travaille à mi-temps dans une maison de retraite comme animatrice culturelle. Yves, lui, veut se « conforter dans l’idée que j’étais libre, et que je pouvais me réintroduire dans la société ». Il trouve un travail dans une entreprise informatique.
Mais ils ont aussi la volonté de se rapprocher du milieu associatif. Très naturellement, ils deviennent alliés d’ATD Quart Monde à Montpellier, en participant à tous les grands événements : festival des savoirs, journée familiale ou 17 octobre… « Après avoir découvert beaucoup de choses belles et riches au Pérou, on voulait être actifs en France, agir dans notre propre société », dit Elodie.
Nouveau départ
Mais au bout de deux ans, « on a trouvé ça un peu frustrant de n’être qu’à 50% dans le monde associatif », poursuit-elle. « On a décidé de s’engager à 100% enchaîne Yves, on a choisi de le faire avec ATD Quart Monde parce que c’est un mouvement qui permet à chacun de garder une grande liberté, et qu’il essaye toujours d’établir des relations horizontales et dignes. Je ne connais pas d’autres associations qui se préoccupent aussi fondamentalement de la dignité des personnes ».
Il leur a fallu un an pour préparer ce nouveau départ, quitter leurs emplois et expliquer leur engagement à leurs familles et à leurs proches. Suit une année de « découverte du volontariat » au cours de laquelle ils explorent les différentes facettes du Mouvement. Et enfin la première mission en décembre dernier dans le cadre du projet « présence par l’habitat » : aller s’installer à Lyon, au cœur du quartier Langlet-Santy, qui concentre de nombreux indices de pauvreté et où ATD Quart Monde n’est pas présent.
« Aller vers les gens »
À quelques jours du départ, Elodie et Yves y ont trouvé un logement, Mais quand on leur demande comment va se dérouler leur mission, un long silence suit. « On ne sait pas. On ne peut pas anticiper ce qui va se passer. Le point de départ , c’est de créer des liens, de rejoindre les gens dans leur combat », finit par lâcher Yves. « On y est déjà allés. On s’est installés dehors pour lire. Il s’est passé des choses. Il faudra faire ça : aller vers les gens et les rejoindre dans ce qu’ils vivent », complète Elodie.
Fiers qu’ATD Quart Monde leur confie cette responsabilité, confiants dans leur capacité à créer du lien grâce à leur expérience au Pérou, Elodie et Yves sont partis pour rester entre trois et cinq ans. Elodie estime qu’il faudra attendre au moins un an avant de faire un premier bilan : « On se retournera et on verra si on a réussi à créer de la confiance dans nos relations avec les gens du quartier. Ca sera important de trouver des marques de confiance réciproque ».
Une confiance qui est aussi le moteur de leur démarche personnelle. « Je ne l’aurais pas fait tout seul, la présence d’Elodie est fondamentale », confie Yves. « Jamais je n’aurais pris un engagement aussi radical sans lui », conclut Elodie en écho.
Olivier Chartier
(1) http://refuserlamisere.org
Photo : Le couple le 29 novembre 2015 à Noisy-le-Grand (ph. François Phliponeau)