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Ecoutons les pauvres !

Tribune publiée dans le magazine L’Express (5 au 11 février 2009)

LA CRISE ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE ACTUELLE, dont les très pauvres du monde entier vont être les plus grandes victimes, montre combien la focalisation obsessionnelle sur le court terme peut être désastreuse. Car c’est bien la recherche des profits immédiats qui a poussé à la spéculation et provoqué la ruine de pans entiers de notre économie, comme elle avait déjà mis à mal l’équilibre écologique de notre monde. Heureusement, beaucoup, aujourd’hui, tirent les leçons de cette crise et cherchent à remettre les décisions économiques et politiques en cohérence avec une visée à moyen terme et une ambition inscrite dans la durée. Or, curieusement, cela ne vaut pas pour les très pauvres. Comme s’ils ne pouvaient s’inscrire dans un projet de société à moyen ou long terme, valable pour l’ensemble des citoyens, et qu’il faille les cantonner aux réponses d’urgence !

Dès lors, c’est la fuite en avant au gré des réponses parcellaires, que notre société aveugle ne cesse d’apporter depuis de longues années. Distributions alimentaires, épiceries sociales, centres d’hébergement… Ce qui devrait n’exister qu’« en cas d’urgence » ne cesse de s’installer et devient, de fait, une série de substituts au droit commun pour un grand nombre de personnes. Celles-ci se trouvent alors isolées des autres citoyens et enfermées dans un « statut de pauvres » que, pourtant, elles refusent. Quand donc comprendrons-nous que l’institution de telles réponses est le signe d’une société qui ne veut pas se remettre en question et redéfinir un projet qui fasse droit à tout citoyen ?

C’est d’une vision d’avenir – le vivre-ensemble – et donc de politiques à long terme dont nous avons besoin, en France et partout dans le monde. Pour les penser et les mettre en œuvre, nous ne pouvons nous priver de l’expérience et de la réflexion des plus défavorisés. Eux savent que les réponses d’urgence ne permettent pas d’aller au-delà de la survie quotidienne, qui déshumanise. Eux peuvent nous apprendre ce qu’il est essentiel de bâtir sur le long terme pour être capables de vivre ensemble et pour réduire massivement les distributions et autres réponses d’urgence. Prendre en compte leur point de vue serait une chance non seulement pour eux, mais pour nous tous.

Pierre Saglio, président d’Atd Quart Monde France.