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Écologie et grande pauvreté : comment passer du geste individuel au mouvement social ?

La troisième table ronde, organisée le 25 septembre dans le cadre de la Journée mondiale du refus de la misère, portait sur la justice sociale et environnementale. Les intervenants se sont ainsi interrogés sur la manière de dépasser le geste individuel pour faire de l’écologie un mouvement social qui profite à l’émancipation des personnes vivant la grande précarité.

Après s’être intéressées à la question du vieillissement et de la grande pauvreté, puis au pouvoir d’agir des jeunes, les Rencontres du refus de la misère se sont penchées sur la manière de construire une société écologique et solidaire. Mathilde Boissier, membre du département Écologie et grande pauvreté d’ATD Quart Monde, Marion Navelet, militante Quart Monde, également membre du département Écologie et grande pauvreté, Valérie Deldrève, directrice de recherche en sociologie à l’Inrae Nouvelle-Aquitaine, spécialiste des inégalités environnementales et Michel Bourgain, ancien maire de l’Ile-Saint-Denis, ont d’abord invité les spectateurs à « déconstruire les idées préconçues ».

« On fait souvent porter l’effort environnemental aux populations à plus bas revenus. Pourtant, ce ne sont pas ces populations qui polluent le plus. Même si vous mangez bio, il vous suffit de prendre l’avion et vous passez du côté de ceux qui polluent le plus », a ainsi souligné Valérie Deldrève.

« Effort supporté par les consommateurs »

Marion Navelet a  pointé la difficulté, pour les personnes en situation de pauvreté, « de s’intéresser à l’écologie : quand on est au RSA, il est un peu difficile de s’acheter une voiture électrique, on a souvent des logements qui sont des passoires énergétiques. Mais on n’a pas le choix ». Elle a notamment donné l’exemple des radiateurs « grille-pain » dans les HLM, qui entraînent des factures d’électricité importantes et une forte consommation énergétique. « Ce sont les personnes les plus pauvres qui, proportionnellement à leur budget, dépensent le plus pour l’énergie et elles payent double prix par rapport à la crise climatique. Avant de se préoccuper de la ressource, il faut d’abord permettre aux gens d’économiser cette ressource, parce qu’il y a des choix assez indépendants d’eux », a ajouté Mathilde Boissier.

Un constat partagé par Valérie Deldrève : « Tout l’effort de dépollution est supporté par les consommateurs et cela a des conséquences pour les moins aisés d’entre eux. Mais on va d’abord leur dire de moins gaspiller pour payer leurs factures. Il faut aussi déconstruire ça, parce que ça ne tient pas la route. »

La sociologue a également souhaité revenir sur l’idée selon laquelle « il est plus difficile de s’occuper de l’environnement quand on a des très bas revenus et qu’il faut d’abord s’occuper de ses besoins primaires ». Pour elle, la question est intimement liée et « si l’état de l’environnement est mauvais, on ne peut répondre à ses besoins primaires ». Elle a par ailleurs mis en avant les nombreuses formes « d’écologies populaires, de manières de faire et de bonnes pratiques » mises en œuvre par les plus pauvres, dont il faut s’inspirer.

Écologie et aménagement du territoire

Valérie Deldrève a en outre pointé la nécessité d’intégrer les questions écologiques aux politiques d’aménagement du territoire. Marion Navelet a ainsi pris pour exemple des jardins ouvriers d’Aubervilliers, en Seine-Saint-Denis. « On est en train de se battre, parce que la mairie de Paris a exigé que ces jardins soient détruits pour construire une piscine pour l’entraînement aux Jeux olympiques de 2024″, a-t-elle expliqué. « On ne peut pas dire que les populations pauvres polluent ou se nourrissent mal et en même temps enlever les jardins ouvriers qui sont vraiment des manifestations d’écologie populaire », a estimé Valérie Deldrève.

Présentant brièvement le réseau Écologie et grande pauvreté, Mathilde Boissier a souligné l’intérêt de « mettre en place des endroits pour se rencontrer, pour se rendre compte que les types de consommation peuvent être complètement différents. » Selon elle, cela permet « d’envisager quelque chose d’un peu nouveau grâce à des expériences diverses. Si on continue à réfléchir de manière individuelle, on ne va probablement pas être très créatif, on va rester avec ses propres idées ». Elle a cependant reconnu que cela n’était « pas encore évident pour l’instant ».

Retrouvez les autres Rencontres du refus de la misère et inscrivez-vous pour la table ronde du 16 octobre « Participation citoyenne et développement du pouvoir d’agir pour refuser la misère ».