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École : Pour une orientation qui laisse sa chance à tous

ATD Quart Monde lance une recherche à partir d’un constat : les élèves orientés vers les filières spécialisées ou du handicap sont en grande majorité des enfants en situation de pauvreté. Comment sortir de cette « fatalité » ? Dossier réalisé par Véronique Soulé

Au départ, un chiffre qui en dit long : près des trois quarts (72 ,1%) des élèves de SEGPA, ces classes de collège pour élèves en grande difficulté, sont issus de catégories sociales défavorisées. La statistique a été publiée par le ministère de l’Education nationale.

C’est une réalité : plus souvent que les autres, les enfants en situation de pauvreté sont orientés très tôt à l’école. On les retrouve sur-représentés dans les classes spéciales réservées aux élèves en grande difficulté et dans les filières du handicap. Comme si le fait d’être dans une famille en précarité les y destinait.

Pour ATD Quart Monde, cette orientation précoce, hors du cursus classique, ne peut être une fatalité. Comment sortir de cette spirale qui pèsera plus tard sur leur insertion professionnelle ? Comment privilégier une orientation choisie qui donne ses chances à tous ? C’est l’enjeu de la recherche lancée par le Mouvement avec ses partenaires.

Un groupe de travail a d’abord réalisé une trentaine d’auditions – médecins scolaires, psychologues, parents…. Elles ont débouché sur une synthèse qui sert de base de travail. La recherche est menée selon la méthode du Croisement des savoirs – des groupes de « pairs » (enseignants, parents, chercheurs… ) « croisent » leurs savoirs. La première séance a eu les 21 et 22 octobre 2017. La seconde, les 9 et 10 décembre (voir ci-contre) et la dernière est prévue les 3 et 4 février. Fin 2018, la recherche devrait se conclure avec des propositions pour une orientation réellement choisie.

3 Questions à Marie-Aleth Grard

« Il fallait travailler sur le sujet »

Auteure de l’Avis du CESE (conseil économique, social et environnemental) « Une école de la réussite pour tous », Marie-Aleth Grard, de la Délégation nationale d’ATD Quart Monde, fait partie du groupe de travail sur l’orientation.

Quand est née l’idée de cette recherche ?

C’était en 2011 quand nous avons signé, avec nos partenaires, la plate forme « Construire ensemble l’école de la réussite de tous » à la suite des ateliers que nous avions organisés à Lyon. Mais nous n’avions pas réussi à nous entendre avec eux. Nous n’étions pas prêts.

L’idée est revenue avec mon rapport au CESE en 2015. En y travaillant avec Régis Félix (membre d’ATD Quart Monde, ancien enseignant et principal de collège), dans le cadre du Croisement des savoirs, des militants vivant dans la grande pauvreté nous ont confié leurs parcours scolaires ainsi que ceux de leurs enfants. Cela nous a sauté aux yeux : ils avaient été massivement orientés vers des filières spécialisées.

Comment voyez-vous le problème ?

Les enfants orientés très tôt, souvent juste après la maternelle, sont en très grande majorité issus de milieux défavorisés. Nous n’avons rien contre ces filières. Mais encore faut-il que les personnes en aient réellement besoin.

Un autre déclic a été la note de la DEPP (la direction statistique du ministère de l’éducation nationale) sur les SEGPA, ces classes de collège pour les enfants en très grande difficulté, qui pointait le poids du milieu social. Nous nous sommes dit alors qu’il fallait vraiment travailler le sujet.

Sur le terrain, nous nous étions en outre rendus compte que c‘était désormais audible. Il y avait même une souffrance des acteurs qui n’avaient parfois pas d’autre solution que d’orienter ainsi ces enfants. Beaucoup avaient envie de parler.

Sur quoi cela va-t-il déboucher ?

Lors d’un séminaire les 6 et 7 avril 2018 – les Ateliers Grande pauvreté et Orientation scolaire – , nous mettrons sur la table ce qui a émergé du Croisement et nous entendrons des chercheurs. Les acteurs intéressés par la recherche mais qui n’ont pu participer pour diverses raisons seront également là. Nous voudrions aussi associer à notre réflexion l’Éducation nationale et que le ministère devienne partenaire.

L’objectif est de parvenir, en décembre 2018, à formuler des propositions pour essayer de changer cette orientation et faire en sorte qu’elle n’apparaisse plus comme une fatalité.

Focus sur les filières spécialisées

Certaines dépendent de l’éducation nationale, d’autres du secteur médico-social.

Les SEGPA (sections d’enseignement général et professionnel adapté) sont des classes spécialisées dans les collèges. Elles accueillent des élèves « présentant des difficultés scolaires graves et durables ».

Les ULIS (unités localisées d’inclusion scolaire) scolarisent des enfants présentant des troubles des fonctions cognitives ou mentales, du langage, moteurs, de l’audition, de la vue…Il existe des ULIS-école, qui ont succédé aux CLIS (classes pour l’inclusion scolaire), des ULIS-collège et des ULIS-lycée.

Les UPE2A (unités pédagogiques pour élèves allophones arrivants) scolarisent dans les établissements les enfants étrangers arrivant en France et ceux issus de familles de gens du voyage.

Les IME (instituts médico-éducatifs) accueillent des enfants et adolescents handicapés atteints de déficience intellectuelle.

Les ITEP (instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques) reçoivent des enfants, adolescents ou jeunes adultes qui présentent des difficultés psychologiques et des troubles du comportement.

Photo : atelier de croisement des savoirs le 9 décembre 2017 à Pierrelaye (Val-d’Oise). Photo Carmen Martos