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Échos de l’Université populaire Quart Monde à Lille sur le thème de la tolérance

Le 18 novembre 2017, c’est la maison de la mode, à Lille, qui a accueilli l’université populaire Quart Monde Nord-Pas-de-Calais. Celle-ci a eu lieu après l’inauguration de l’esplanade Wresinski, une fierté pour l’association. Le sujet du jour : la tolérance, ou comment s’enrichir de nos différences.

Le principe même des universités populaires, c’est réfléchir ensemble. Imaginez une rencontre avec deux alliés ATD (Isabelle Doresse et Pascal Percq) qui jouent le rôle d’animateurs, et en face d’eux, un public désireux d’apprendre, de comprendre, de témoigner, d’échanger.

Les membres des différentes villes ont tous travaillé par groupe sur le sujet et ont préparé leurs interventions. Ce sont donc des moments qui sont anticipés, réfléchis, avec un objectif : celui de révéler que sur des sujets parfois difficiles, les personnes pauvres – rarement sollicitées- ont elles aussi un avis, une pensée et que cela peut être utile pour tous.

Dans la salle, tout le monde est invité à prendre la parole, mais certains hésitent encore à s’exprimer. Timides, prendre le micro est encore une épreuve pour eux. D’autres sont bien plus à l’aise. Catherine est une habituée, quand elle prend la parole, elle va au milieu de la scène, parle d’une voix assurée et n’hésite pas à dire ce qu’elle pense.

Ce samedi, Raghnia Chabane était l’invitée. Conseillère déléguée en charge de la politique de la ville, de la sécurité et de la citoyenneté à Mons en Baroeul, elle est aussi présidente de l’association intercommunale de santé, de santé mentale et de citoyenneté. Elle explique que le but de cette association est « de lutter contre les discriminations et stigmatisations que vivent les personnes souffrant de troubles psychiques ». Une invitée de choix pour parler du thème de l’Université populaire : la tolérance.

Aux universités populaires, la bonne ambiance règne, tout le monde plaisante, beaucoup se connaissent déjà, sont habitués, c’est comme une grande famille. Mais il y a aussi des novices, certains pour qui c’est la première université populaire ou du moins à Lille. Ceux-ci se présentent au début, juste après l’annonce des prochains événements et des nouvelles des membres (la naissance d’un petit-fils, le rétablissement d’un malade…). Ce samedi, on accueille donc Laëtitia et sa fille Marina, Rémi, Sylvain, ainsi que des membres de la famille de Joseph Wresinski : Richard, Berthile, Jocelyne, Chantal, Marie-Christine…

Pour Rémi, 21 ans, fils de Isabelle Doresse, c’est la première fois qu’il assiste à une université populaire. Il admire le fait que ce soit ouvert à tout le monde, que chacun puisse donner son avis.

Après avoir présenté tout le monde et avant d’entrer dans le vif du sujet, la charte de l’université populaire Quart Monde est affichée et lue à voix haute par Isabelle. Celle-ci commence par une citation de Joseph Wresinski : « Nous avons l’obligation de faire de nos réunions une véritable université, où nous allons jusqu’au bout des choses et où nous nous efforçons de les expliquer, afin que tout le monde comprenne bien ce que nous avons de fort à communiquer ». Cette phrase résume parfaitement l’esprit de ces universités populaires Quart Monde.

Après cette présentation assez ritualisée, il est temps d’aborder le thème du jour : la tolérance. Pour commencer, les membres ont cherché quelles différences pouvaient déboucher sur de l’intolérance. Catherine et Merrouch, de Roubaix, en ont fait une liste : religion, richesse, couleur de cheveux, orientation sexuelle, maladie, handicap. Les mains se lèvent pour réagir, pour raconter une anecdote, un moment où l’on a fait preuve d’intolérance. Paul se souvient du jour où en arrivant dans un nouveau quartier, il a refermé la porte à quelqu’un mal habillé, qu’il a trouvé peu présentable. Il a compris plus tard, grâce à ATD Quart Monde, qu’il n’aurait pas dû s’arrêter à cela. Marilyn explique à son tour qu’elle a été intolérante pour une histoire de famille mais qu’avec le temps, elle a réussi à être tolérante en écoutant ses proches, en discutant avec eux. Michel révèle une expérience où il a affronté l’intolérance. C’était quand il avait 18 ans, il s’occupait d’une personne handicapée. Alors qu’ils étaient partis voir un match de foot à Nantes, il a dû faire face à des personnes qui ont jugé la personne qu’il accompagnait. « Je n’ai pas accepté du tout qu’on fasse une analyse rapide » dit-il. Frédéric, en colère, souhaite protester contre le manque d’accessibilité pour les handicapés dans les transports en commun. Il raconte comment, presque tous les dimanches, le chauffeur de bus passe devant lui sans s’arrêter.

C’est au tour de Christelle de partager son énervement contre l’intolérance face à la façon de s’habiller, « c’est ma liberté » dit-elle. Malika enchaîne sur l’injustice qu’elle a subie en recherchant un stage pour sa fille, à cause de leur couleur de peau. Elle ne comprend pas : « On est tous des frères et soeurs ». La salle applaudit.

Pascal, l’animateur, cite des extraits des préparations des groupes locaux qui lui sont parvenues. Pour certains les différences créent souvent de l’intolérance, et pourtant, elles « créent aussi de la diversité ». Il tente de définir la tolérance : « la tolérance, c’est accepter qu’on soit tous différents. »

Raghnia intervient. Selon elle, pour lutter contre l’intolérance, il faut faciliter la création de ces espaces de rencontre. C’est ce qu’elle essaye de mettre en œuvre, elle veut « travailler pour briser les murs », pour que les gens aillent au-delà des différences.

Isabelle, animatrice, enchaîne sur les conditions nécessaires pour qu’existe la tolérance.

Doit-on être tolérant avec tout le monde ? Pour Jean-Marc, qui n’est pas là mais dont Fatiha reprend les propos, il faut « être intolérant avec les idées racistes et ceux qui les véhiculent », applaudissement général. Cela dépendrait donc des situations que l’on accepte ou qu’on ne peut pas accepter. Marie-Noël ajoute : « qu’on peut être intolérant par rapport à certains comportements qui nuisent à tout le monde mais pas envers la personne qui a eu ces comportements. »

En fait, on peut tolérer quelque chose sans être d’accord avec elle. C’est ce qu’illustre la phrase qu’on attribue à tort à Voltaire « je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites mais je me battrais haut et fort pour que vous puissiez le dire. »

Mais comment réussir à être tolérant ? Comment surmonter ses préjugés ? Comment apprendre à enlever les étiquettes qu’on attribue aux autres ?

C’est grâce à ATD Quart Monde que Fatiha a réussi à devenir plus calme, elle a appris « à écouter, à comprendre le pourquoi, à moins être sur la défensive, mais sans se faire marcher sur le pieds ». Selon elle, « la tolérance ça s’apprend. En étant tolérant, on se découvre soi-même ».

Pour Raghnia, « il faut oser franchir le pas, se mettre en danger, sortir de sa zone de confort […] c’est un travail quotidien de chacun de nous ».

C’est à travers différentes actions qu’on apprend à être tolérant. Marilyn parle par exemple des « happyro » organisés à l’école de ses enfants pour que les parents se rencontrent, échangent. Il y aussi eu la fresque, que tous les membre d’ATD Quart Monde du Nord-Pas-de-Calais ont réalisée, ou encore le festival des arts et des savoirs de Fives-Lille…

Isabelle conclut : « Pour être tolérant, il faut se connaître, savoir qui on est, oser faire le pas vers l’autre, ne pas s’arrêter aux apparences, prendre du temps pour découvrir, faire des choses ensemble ».

16h30, fin de l’université populaire. La séance a duré deux heures et demi, personne n’a vu le temps passer. Raghnia, ravie d’avoir assisté à sa première université populaire dit à plusieurs reprises en ressortir grandie et enrichie et il semblerait que ça soit le sentiment de tous. On a échangé, on a appris. Ce n’est pas la première université populaire pour Claire Hédon, loin de là, mais elle aussi a apprécié.

Pour finir en beauté, les membres échangent autour de gaufres et de chocolats, la tolérance est encore au coeur des discussions, même après s’être séparé, chacun continuera à réfléchir à ce qu’ils ont entendu cette après-midi. C’est ainsi que les universités populaires portent leurs fruits depuis 1972.

Cathy LAETHEM et Léna DELSAUX

Claie Hédon, présidente du Mouvement, venue le matin pour l’inauguration de l’Esplanade J Wresinski a souhaité participer à l’UPQM du Nord (Photo Thomas Poirier).