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Thèse : « Dynamiques de soins autour des populations pauvres »

Article suite à la thèse de médecine de Dr Hervé Quenton au sujet des dynamique de soins des personnes en situation de précarité.

Matériel et méthode:

L’étude s’étale de Juillet 2007 à Juin 2009 et repose sur l’analyse de 230 fiches de situation. Elles relatent les problèmes rencontrés par les patients et les professionnels lors de mise en place de soins de prévention et mettent en exergue les différentes dynamiques expérimentées pour que la démarche aboutisse. Elles ont été remplies principalement par des professionnels de santé et des militants Quart-Monde (qui connaissent ou ont connu la précarité) qui font partie du réseau Wresinski santé d’ATD Quart-Monde.

Analyse de l’étude

Les disciplines concernées sont la médecine générale 23,91%, puis la médecine hospitalière 17,39%, la médecine dentaire 13,91% puis la relation à la sécurité sociale pour 12,17%. Ensuite viennent les soins de spécialité et enfin le questionnement éthique.

Le type de problème évoqué est essentiellement financier, manque de moyens, de transports et d’accès, de conditions de vie, de droits. Pour plus de 71 %, c’est bien la pauvreté qui est à l’origine des situations. Les refus de soins n’interviennent que pour 4,35% des cas et les 15% environ des autres cas sont d’ordre relationnel

Relation entre la discipline et le principal problème évoqué dans les fiches

L’obstacle financier concerne par ordre de priorité: l’accès aux médicaments, à la pharmacie, aux actes de rééducation, puis à la médecine générale et dentaire et les soins optiques, la radiologie et enfin les soins hospitaliers privés et publics. Le manque de moyens est criant lorsqu’il s’agit de soins en psychiatrie.
Les professionnels concernés par les refus de soins sont : dentiste : 43,75% ; Urgences hospitalières : 18,75% ; Radiologues et Ophtalmologistes libéraux : 12, 5% ; Gynécologue libéral et Laboratoire: 6,25%

La couverture sociale des patients concernés est pour 75% la CMUC. Les causes de refus de soins sont en secteur libéral essentiellement financières, la prise en charge étant couteuse pour le professionnel. On note aussi des cas de discrimination, lors de la prise de rendez-vous (CMUc), et aussi selon l’origine géographique (quartier défavorisé). D’autres refus sont motivés par la perte des droits suite à un retard de renouvellement de la CMUC.

A l’hôpital public la situation décrite est plus complexe car les rendez-vous sont proposés en privé et en public avec des délais différents, on note par exemple la demande d’une « Reconnaissance de dette » à signer pour avoir un scanner (ALD) dans un CHU au cas où la Sécurité sociale estimerait que c’est un indu. Des cas de discrimination à la qualité les soins mis en œuvre sont aussi décrits : soins minimums en raison du « terrain » social, réanimation mise en cause…

Le problème que rencontre le patient a des conséquences sur le déroulement de ses soins: Dans 37,83% des cas, le problème rencontré risque d’entraîner un retard dans le déroulement des soins, voire un abandon des soins. Dans 25,22% des cas, les patients ne retardent pas leurs soins malgré tout et trouvent une stratégie de contournement de l’obstacle grâce à leur entourage ou aux soignants.
Les retards sont majoritairement dans les soins demandant une hospitalisation, ainsi dans le secteur dentaire et ophtalmique. L’abandon des soins à nouveau concerne majoritairement le secteur hospitalier et la médecine générale. Le retard des soins à l’hôpital s’explique souvent par la peur : les personnes n’y vont qu’au dernier moment. Les délais des consultations, en secteur public et les honoraires élevés du secteur privé sont des obstacles. On notera un cas transmis sur la difficulté d’obtenir un traducteur rapidement.

En ce qui concerne les soins dentaires c’est dans les difficultés à avancer les frais et remboursements, qui expliquent les retards de soins. Pour l’ophtalmologie ou l’optique les délais d’attente sont très longs à l’hôpital si on n’a pas les moyens d’aller en secteur 2 et le prix des lunettes est jugé trop élevé.

10% des situations concernent la sécurité sociale notamment les conditions d’attribution de la CMU, l’accès à des mutuelles permettant la réalisation du tiers-payant, les difficultés pour l’obtention de l’AME, les conditions d’accueil par le personnel qui peut conditionner pour certains l’ouverture des droits ou le renoncement aux soins.

En Médecine générale les cas évoqués sont des patients n’ayant pas de droits. En Psychiatrie et dan les autres spécialités c’est le manque de personnels et le manque de professionnels,

Abandon de soins :

C’est là aussi à l’hôpital (27,65%) qu’on note le plus d’abandon de soins, les causes sont les coûts de transport, les dépassements d’honoraires et les délais d’attente, l’absence de mutuelle des patients et le coût du forfait hospitalier,
Pour 21,28% c’est dans le cadre de soins en médecine générale ,les médicaments non remboursés (CMUC et ALD) ne sont pas pris, lorsqu’il n’y a plus de droits, pas de mutuelle, une relation soignant soigné détériorée et des préjugés du soignant vis-à-vis d’une population qu’il ne connait pas bien.
Dans 12,77% des cas en soins dentaires ce sont les coûts (pas de mutuelle ou CMU) qui sont dissuasifs que ce soit lors de l’avance de soins conservateurs ou de la proposition prothétique
Pour 6,28% lors des démarches avec la Sécu un abandon est évoqué, un sans domicile fixe SDF qui ne peut recevoir les courriers et qui se retrouve sans droit, les personnes découragées après des démarches auprès de la sécu, les difficultés pour les accompagnants dans l’obtention de recours, le manque d’information pour le renouvellement à temps de sa CMUc

Les situations qui ne présentent pas de retard dans la prise en charge grâce aux soignants et à l’entourage des soignés

On note que dans 65,22% ces cas sont décelés dans le cadre de la prise en charge par le médecin généraliste : un tiers payant (qui se transforme souvent en dette) de la part complémentaire à la charge des patients qui ne remboursent que rarement, un tiers payant sans dette pour le soignant, une « illégalité » réalisée par le soignant : règlement de la consultation sur la carte vitale d’un autre assuré, et des soins qui sont réalisés gratuitement. Dans 17,39% ce sont des soins dentaires qui sont avancés par le soignant (pas de mutuelle qui autorise le tiers payant). Les patients sont remboursés par la mutuelle et sont censés régler le dentiste mais dans certains cas l’avance de frais se transforme en dette le compte de l’assuré étant en débit, le règlement des soins sert à combler les impayés (prélèvement d’autorité des créanciers).

La situation particulière des personnes en affection de longue durée
Lorsqu’on analyse ces données à la lumière de la prise en charge des maladies chroniques et des problèmes rencontrés par les patients en ALD , 67% des fiches évoquent un problème qui a un rapport direct ou indirect avec la couverture complémentaire des patients ce qui est inquiétant car ces patients pensent que par leur prise en charge à « 100% » ils sont couverts et ce n’est pas le cas, on est en présence d’un manque d’information des patients et de leurs accompagnants. Un travail est nécessaire pour mieux informer ce type de patientèle.

Les autres problèmes évoqués

De nombreuses fiches évoquent la perversité des effets de seuil et l’insécurité que cela engendre.

Les dynamiques relevées de la part du patient

Un grand travail est fait en interne dans les réseaux des personnes défavorisées sur l’accès à l’information, « faire plus clair », mais individuellement les dynamiques concernent plutôt les moyens de trouver le courage de refuser un soin pour ne pas s’endetter, d’étaler les dépenses : « je ne vais pas chez le médecin après le 6 du mois sinon je suis dans les dettes, j’ai plus assez pour avancer 23 euros et laisser un euro de ma poche » ; « je ne vais pas chez le docteur en ce moment j’ai pas assez, la visite, les médicaments et s’il me fait la prise de sang, ce qu’on me retient dans le remboursement c’est mon pain de la semaine ».

Les dynamiques relevées de la part des professionnels ou des accompagnants

Elles concernent des actes posés pour avancer les soins, la recherche de moyens pour favoriser le tiers-payant, la recherche et la nécessaire attention du praticien à l’adéquation entre les soins qu’il peut proposer, et ce que peut payer le patient. De nombreux cas font état de recherches et de tentatives pour améliorer la couverture mutuelle complémentaire des personnes handicapées. C’est dans l’accès aux lieux de soins et dans le transport des malades que l’injustice est particulièrement criante, les professionnels et les accompagnants font parfois office de chauffeurs.

Téléchargez ici:  Dynamique_de_soins_des_personnes_en_situation_de_precarite-