
Du théâtre chez l’habitant ou l’art à la maison
A Nogent-le-Rotrou, des liens se nouent entre artistes et habitants grâce au projet App’art.
Le ciel se couvre sur le quartier des Gauchetières à Nogent-le-Rotrou (Eure-et-Loir), les barres d’immeubles austères impressionnent. Au premier coup d’œil, on ne soupçonne pas les lieux de spectacle qui se cachent derrière les murs. Et pourtant… Ces espaces de culture ne sont rien d’autre que les logements des habitants.
Depuis 2010, ATD Quart Monde et l’association Passages mènent un projet de spectacles en appartement, App’art. Les objectifs sont multiples : rendre l’art accessible à tous, établir des relations entre les gens du quartier et les artistes, valoriser les lieux de vie des habitants, se rencontrer et s’exprimer autour de l’art.
Le 12 juillet dernier, ils sont venus nombreux au local d’ATD Quart Monde dans un bâtiment des Gauchetières pour parler de ce projet qui leur tient tant à cœur.
Tout a commencé sur une idée de Sabine Rosnay, poète et animatrice d’ateliers d’expression, engagée avec le Mouvement. Elle connaissait des projets similaires dans d’autres villes et réfléchissait à la façon d’y mettre plus de lien social. Proposer l’idée au groupe d’ATD Quart Monde de Nogent-le-Rotrou est venu naturellement puisqu’elle savait que l’association accompagnait des familles depuis longtemps.
La première fois que Sabine a lancé l’idée, certains, comme Pascale, ont tout de suite adhéré quand d’autres ont été plus critiques. Les appréhensions étaient nombreuses. Il y avait la peur de faire rentrer des gens chez soi, d’être jugé sur son intérieur.
Après coup, une des accueillantes a déclaré : « on s’imaginait pas qu’on pouvait recevoir ». Andrée, qui a abrité la deuxième représentation, explique que ce qui lui a fait le plus plaisir, « c’est d’entendre la sonnette » et qu’on ait envie de venir chez elle.
Pour chaque représentation, la même méthode. On pose la question en réunion : qui en a envie ? Ou on suggère quelqu’un. La personne accueillante trouvée, Sabine discute avec elle pour savoir quel type de spectacle elle aimerait voir. Elle trouve les artistes. S’ensuivent des repérages dans l’appartement.
La veille de la représentation, l’artiste vient rencontrer les personnes qui accueillent. C’est un point essentiel pour construire un lien entre les habitants et les artistes. Cela permet de se découvrir et de se mettre en confiance.
Le jour J, une petite équipe installe les décors. Peu avant 16 heures, les premiers invités arrivent. Les accueillants font la première partie du spectacle. Qu’il s’agisse d’un texte ou d’une chanson, tous se sont pliés à l’exercice et en gardent un souvenir empreint d’émotion.
Le dernier spectacle, qui avait pour thème le Japon, s’est déroulé chez Nicole. Elle avait appris quelques mots en japonais afin de souhaiter la bienvenue à ses invités dans une tenue traditionnelle.
Les artistes sont payés car « c’est important de les faire vivre de leur travail », insiste l’assistance. Les spectacles sont gratuits afin de ne laisser personne de côté. Ils sont financés grâce au soutien de l’État et de la Fondation Banque Populaire.
« Une heure trente, ça passe vite », confie Claudine. Le plaisir d’être ensemble se prolonge avec un goûter partagé. Pour Marie-Anne, le spectacle en appartement « donne la chance à chacun d’avoir accès à la culture ». Franck, son père, souligne que ce n’est pas facile d’aller au théâtre, que cela coûte souvent cher : « mais l’envie, elle est toujours là ». « Le spectacle en appartement, c’est un dimanche pas comme les autres », conclut Dominique.
Geoffrey Renimel
Photo : une représentation sur le thème du Japon, le 21 mai 2014 © ATD QM