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Exemple d’une mobilisation réussie pour empêcher l’expulsion d’une personne sans papier

Lorsque la mobilisation citoyenne empêche l’expulsion d’une personne sans papier. Récit d’une expérience vécue par un comité « Solidaires pour les droits » en 2012.

Arrivé en France en 2002, Nabil avait déposé une demande d’obtention d’un titre de séjour, mais en attendant que celle-ci soit traitée, il recevait chaque trimestre un récépissé qui ne lui accordait aucun droit (impossibilité de travailler, aucun droit social, etc.), si ce n’est celui de pouvoir rester en France. Ce n’est qu’en septembre 2010 que sa démarche a été rejetée. Dans l’attente d’une décision de la Cour d’appel, il se trouvait en situation irrégulière depuis quelques mois, sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF).

Lors d’un contrôle d’identité au sortir d’une gare, Nabil est emmené dans un commissariat pour une audition, puis placé le lendemain dans un centre de rétention administrative (CRA) francilien, en attente de passer devant le juge des libertés et de la détention (JLD), car ses papiers sont périmés. Il peut être « éloigné » de France à tout moment, ce qu’il ne souhaite pas.

La procédure administrative et juridique se déroule très rapidement, cependant Nabil – très impliqué dans la vie locale de la ville de B. – n’est pas isolé. Il compte de nombreux amis et, ceux-ci, créent spontanément un comité « Solidaires pour les droits », qui regroupera jusqu’à 100 personnes (présence lors des trois audiences, visites au CRA, courriers au Préfet, etc.). Les démarches juridiques, entamées avec son consentement, permettront de le faire sortir du centre en moins d’une semaine. Cela n’était pas acquis d’avance. Sans recul, dans l’action, quelques erreurs commises auraient pu lui être préjudiciables.

Au sein du comité constitué, pratiquement personne n’a d’expérience en matière de droits des étrangers, cependant la vigueur de la mobilisation et les contacts de chacun ont permis de trouver conseil auprès d’associations-ressources compétentes (GISTI, CIMADE et RESF) et de trouver un avocat engagé, membre de l’association des Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE), pratiquant des honoraires « militants », payés par une caisse de solidarité créée pour l’occasion.

Malgré la tension et le stress palpable au sein du comité, le soutien moral à Nabil n’a pas failli et lui a été d’un certain réconfort. De nombreux étrangers « retenus » n’ont pas la possibilité d’être entouré ainsi. L’action citoyenne et solidaire peut permettre de déverrouiller des situations dont l’issue semble inéluctable. Aujourd’hui Nabil est libre, toujours sans-papiers, en attente de relancer une nouvelle demande de régularisation, lorsqu’il aura vécu 10 années complètes sur le territoire français.

Quelques précisions juridiques…

Le cadre législatif du droit des étrangers évolue très rapidement. Les informations deviennent rapidement obsolètes. Il est indispensable de mener une veille régulière. Le juge des libertés et de la détention (JLD) statue sur la forme de l’arrestation : légalement, un étranger en situation irrégulière ne peut être interpellé, puis placé en CRA que dans les conditions prévues par la loi – celles-ci sont nombreuses. En revanche, il existe des situations dans lesquelles les conditions ne sont pas remplies ou dans lesquelles la procédure prévue n’est pas respectée, le rôle du JLD est donc primordial pour vérifier la conformité de ces arrestations à la loi et à la loi procédurale (cf. l’article L551-1 du CESEDA – Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile). Le tribunal administratif traite du fond, par exemple des demandes de régularisation. Dans le cas de Nabil, le tribunal administratif ne pouvait pas être saisi puisqu’il était déjà sous le coup d’une OQTF. Un appel suite à un premier rejet d’une demande de régularisation ne suspend pas une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Une personne arrêtée, déjà sous le coup d’une OQTF, peut être « éloignée » sans passer devant le JLD si son passeport est valable. Ce n’était pas le cas de Nabil, ses papiers étaient périmés, la police aux frontières devait obtenir un laisser-passer du consulat pour procéder à «l’éloignement». En première instance et en appel, les JLD ont considéré que l’arrestation et la mise en détention n’étaient pas justifiées et que Nabil n’avait pas été informé de tous ses droits : après l’audition, il avait le droit de quitter le commissariat, on ne le lui a pas signifié, et il y est resté…