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Droit au logement : perspective 2012

Intervention de Marie-Aleth Grard, représentante d’ATD Quart Monde, en plénière au CESE le 14 Septembre 2010 sur le rapport et l’avis de Henri Feltz et Frédéric Pascal sur l’évaluation du DALO.Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs,

Chers collègues, Chers Rapporteurs,

Tout d’abord, Messieurs les rapporteurs je tiens à vous adresser mes vifs remerciements. Remerciements, bien sûr, pour votre ténacité et pour la patience dont vous avez fait preuve pour entendre et prendre en compte nos nombreux amendements. Remerciements, surtout, pour la qualité de votre travail et pour la pertinence des propositions qui émanent de votre avis.

Je ne vais évidemment pas reprendre ici ces propositions. Je voudrais surtout appuyer fortement ce que vous répétez plusieurs fois dans votre avis : il y a une urgence absolue, quel que soit le contexte économique actuel, à mettre en œuvre, de manière effective, la loi sur le Droit au Logement Opposable. Cette loi – vous l’avez souligné – n’est pas une loi parmi tant d’autres. Elle vise à faire respecter un droit fondamental, un droit « nodal » selon Paul Bouchet qui a été à l’origine du DALO. En effet, le droit au logement se situe au cœur, au « nœud » des autres droits qui dépendent largement de lui. Sans logement, comment vivre en famille ? Comment rester en bonne santé ? Comment envisager un travail et donc des revenus ? Or, sans revenus, comment accéder à un logement ?

Cette évidence a été reconnue par les parlementaires qui ont voté le DALO à leur très grande majorité. Grâce à votre avis, Messieurs les rapporteurs, le Conseil économique, social et environnemental a l’opportunité, une fois de plus, d’éveiller les consciences, notamment au plus haut niveau de l’Etat, sur une question majeure. Gageons que grâce à cet avis, l’année 2012 ne sera pas seulement celle des rendez-vous électoraux dont on nous rabat les oreilles, mais bien celle du rendez-vous réussi, dans notre pays, pour les demandeurs prioritaires de logements.

Le DALO a d’ores et déjà permis de reloger des milliers de personnes et familles parmi les plus modestes. Mais, pour ne pas rater sa généralisation prévue en 2012, il faut accélérer le mouvement : faire en sorte que le gouvernement montre, par ses actes, que c’est là un axe majeur de sa politique, avec obligation de résultat pour l’Etat (c’est le sens du mot « opposable »), avec notamment le développement de la construction, dès maintenant, de logements sociaux PLAI et PLUS accessibles à ceux qui ont le moins de moyens. Tout cela vous le préconisez et vous faites des propositions très concrètes sur les moyens à prendre, structurels et financiers, pour réaliser ces objectifs. Comme nous le rappelait Paul Bouchet ici même, il n’est plus possible de dire à toutes ces personnes reconnues comme prioritaires : « Vous avez un papier, vous avez gagné, votre demande est considérée comme urgente, prioritaire, mais il n’y a pas de logement pour vous ! » C’est aberrant ! Comme il serait aberrant également, et c’est une de mes inquiétudes sur votre avis, que votre proposition d’augmenter les places en centres d’hébergement dispense de faire l’effort nécessaire à la construction de vrais logements.

Si, comme vous le soulignez dans votre rapport, la situation fluctue selon les départements, elle est très difficile dans les zones dites « tendues » et totalement catastrophique en Ile de France où il est répondu aux personnes très mal logées qu’il leur faut attendre 10 ans pour voir leur demande prise en compte ! Madame T., dont le cas n’est pas isolé, en est un bon exemple.  Madame T. perçoit le RSA car ses problèmes de santé l’empêchent de travailler. De 1992 à Mai 2010, elle a vécu avec ses quatre enfants dans deux chambres d’hôtels de 12m2, pour un loyer mensuel total de 2356 euros exactement. Madame T. s’acquittait de 500 euros par mois, le reste, soit 1856 euros, était payé par l’aide sociale à l’enfance. Malgré ces conditions indignes et difficiles, les deux aînés ont obtenu un BTS et travaillent maintenant. Madame T. a déposé un recours DALO en décembre 2008. Après de multiples démarches et jugements, elle a enfin obtenu un logement à Paris en mai 2010. 18 années à l’hôtel ! Je vous laisse imaginer ce que signifie habiter dans une chambre d’hôtel, sans cuisine ni de lieu à soi pour aucun membre de la famille.

Et je vous laisse le soin de compter de ce qu’a coûté à l’Etat le règlement de 18 années de loyers en hôtel. Oui, c’est aberrant et cela justifie, comme vous le préconisez, Messieurs les rapporteurs, que soient abolis le plus rapidement possible les obstacles qui empêchent l’application pleine et entière de la loi sur le Droit au logement opposable.

Le groupe des personnalités qualifiées m’ayant encouragé à le faire, je me permets ce petit supplément à cette intervention. Il est souligné dans le rapport le retard considérable pris dans les constructions de logements sociaux dans notre pays à cause des procédures et recours des voisins qui ne veulent pas de logements sociaux à côté de chez eux.

Amnesty International, le Secours Catholique et le Mouvement ATD Quart Monde invitent chaque citoyen à écrire une lettre à son maire pour lui demander de construire des logements sociaux sur sa commune.

Vous l’aurez compris, Messieurs les rapporteurs, je voterai votre avis.