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[Dossier] RSA : le gouvernement ne sait pas « ce que cela signifie de vivre dans la précarité »

Pour les militants Quart Monde du groupe local de Dunkerque, les contraintes pesant sur les allocataires du RSA montrent « le mépris envers les gens, que l’on va encore plus fragiliser ».

Cet article fait partie du dossier RSA : les allocataires sous pression.

À Dunkerque, la proposition du gouvernement de conditionner le versement du RSA à des heures d’activités fait débat parmi les militants Quart Monde. Tous font remarquer qu’ils n’ont « pas attendu M. Macron pour faire du bénévolat, ni pour traverser la rue et chercher du boulot », alors qu’ils étaient allocataires du RSA. Pour « rester actifs et se sentir utiles », certains se sont fortement engagés à Grande-Synthe, auprès des personnes migrantes, au comité des usagers du Centre communal d’action social (CCAS) de Dunkerque, ou encore avec les personnes âgées « pour combattre l’isolement des aînés ». « Nous avons des choses à donner et à apprendre, même si ce n’est pas dans le cadre d’un travail. Mais quand tu n’as pas de diplôme, il n’y a pas de boulot, on n’y peut rien », expliquent-ils. Tous s’accordent pour dire que le bénévolat doit rester un choix et ne peut pas être une obligation.

Ils rappellent en outre que le versement du RSA est déjà soumis à la signature d’un contrat d’engagement réciproque (CER), qui suppose notamment pour l’allocataire d’actualiser sa situation tous les trois mois et d’être accompagné par Pôle Emploi et les CCAS. « Ils n’ont jamais vraiment fait attention à cet accompagnement. Nous devons tout le temps aller frapper aux portes, réexpliquer notre situation dans chaque service. Ils font plus ou moins le point sur ta situation, remplissent le contrat d’engagement, mais ils n’ont rien à te proposer », regrettent-ils.

Interrogations et angoisses

Les 15 à 20 heures d’activités avancées par le gouvernement contre le versement du RSA les laissent sceptiques. « Tout d’un coup, ils vont trouver des activités aux gens, alors qu’il n’y a pas plus de travail qu’avant ? Si c’est du travail, pourquoi ils ne signent pas des contrats de travail, avec un vrai salaire ? À ce moment-là, il faut d’abord augmenter le RSA et en faire un salaire alors. Sinon, 598 euros par mois pour faire 20 h d’activités obligatoires par semaine, ce n’est pas tenable. Et s’il s’agit de formations ou de remises à niveau, est-ce qu’on a vraiment besoin de 15-20 heures par semaine ? Est-ce qu’elles seront vraiment adaptées aux capacités des personnes ?Ils ne le font pas aujourd’hui, alors qu’ils devraient. Et là, ils vont claquer des doigts pour mettre cela en place dès janvier ? », s’interrogent-ils.

Le groupe pointe également les difficultés que cette mesure peut engendrer pour les allocataires du RSA. « Ils ne savent pas ce que cela signifie de vivre dans la précarité. Imaginez une maman avec deux enfants, est-ce qu’elle va devoir payer une nourrice et l’essence pour aller faire du bénévolat, pour gagner en retour des soucis d’argent, des soucis familiaux… ? Comment seront prises en compte les situations des personnes avec des problèmes de santé, les personnes sans domicile… ? ». La mesure suscite beaucoup de questions et d’angoisse.

Le ministre du Travail, Olivier Dussopt, a précisé à plusieurs reprises qu’il n’avait « jamais été question ni de travail gratuit, ni de bénévolat obligatoire. Il s’agit de formation, d’accompagnement, de remobilisation collective et individuelle ». Pour les militants Quart Monde du groupe de Dunkerque, cela montre plutôt « le mépris envers les gens, que l’on va encore plus fragiliser et mettre en difficulté ». Ils constatent en outre que l’engagement associatif de certains allocataires du RSA est aujourd’hui régulièrement critiqué par les services sociaux, qui estiment que cela prend trop de temps. « Alors, qui définit en quoi consiste la ‘remobilisation collective’ ? C’est flou », constatent-ils.

Pour ces militants Quart Monde, le RSA est « une béquille, mais cela n’aide pas du tout à trouver du travail ». Ils estiment donc que « c’est tout le système qu’il faudrait revoir ».