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[Dossier] Logement : mobiliser plusieurs acteurs contre les punaises de lit

Confrontés au problème des punaises de lit dans leurs appartements, les habitants d’un quartier de Lyon se sont mobilisés afin de mener un combat collectif pour améliorer leurs conditions de logement.

Volontaire permanente d’ATD Quart Monde à Lyon, Gaëlle Delorme fait partie des cinq millions de Français ayant dû faire face, au cours des cinq dernières années, à l’infestation de son logement par des punaises de lit. Elle s’est pourtant sentie très seule au début. « Il y a un sentiment de honte, on se demande ce que vont penser les voisins si on leur en parle. On croit que les punaises s’installent quand l’appartement est sale, ce qui n’est pas vrai », explique-t-elle. Elle choisit finalement d’évoquer le sujet autour d’elle et se rend compte, peu à peu, que le nombre d’habitants touchés par ce fléau est phénoménal dans son quartier de Langlet-Santy. Mais le sujet est encore tabou.

Un sujet qui pourrit la vie des gens

Gaëlle Delorme découvre alors l’impact énorme de ce problème sur la vie des personnes en situation de pauvreté. « Certaines personnes ne veulent pas se signaler, car elles ont peur que ce soit un gouffre financier. D’autres refusent, car elles ont des soucis de santé, craignent que les produits chimiques présentent un risque et n’ont pas la possibilité de quitter temporairement leur logement. D’autres encore n’ont pas forcément la force de ranger toutes leurs affaires, car cela prend énormément de temps et d’énergie », décrit-elle. Des voisins ont ainsi déjà eu recours à plusieurs traitements, en vain. Ils ont jeté les jouets et les peluches des enfants, les lits, les meubles et ont dû recommencer à zéro à chaque fois.

Les conséquences psychologiques sont également très importantes. « Cela crée énormément d’isolement. Tu n’oses plus sortir de chez toi, ou aller voir de la famille ou des amis, de peur de transporter des punaises chez eux. Une voisine en a eu pendant trois ou quatre ans et cela l’a épuisée. Elle n’a pas pu aller voir son père, à l’étranger, et il est décédé. Elle s’en est beaucoup voulu. Cela peut vraiment pourrir la vie des gens. »

La volontaire permanente note chaque témoignage. Puis un groupe Whatsapp est créé par une voisine pour que les habitants échangent plus facilement entre eux. Grâce aux messages vocaux notamment, que permet cette application pour intégrer les personnes ne maîtrisant pas forcément très bien la lecture ou l’écriture, la parole se libère très rapidement. Avec d’autres voisins, Gaëlle Delorme porte ces constats auprès des bailleurs et des différentes structures de la Métropole de Lyon.

Structurer des solutions

Dans le même temps, Nicolas Thomas, alors chef de projet Territoires zéro chômeur de longue durée dans le 8e arrondissement de Lyon, rencontre des habitants et des acteurs locaux pour voir comment l’implantation d’une Entreprise à but d’emploi pourrait être utile dans le quartier. « Très rapidement, le problème des punaises de lit est remonté de la part de plusieurs acteurs, que ce soit les habitants, les bailleurs, mais aussi le conseil local de santé mental qui constatait la prévalence de la place des punaises de lit dans les occurrences de dépression », explique Nicolas Thomas, aujourd’hui directeur de l’Entreprise à but d’emploi de La Plaine Santy, SPactions. Mais le problème est complexe et tous les acteurs ne sont pas d’accord sur la manière de le traiter.

Nicolas Thomas sollicite alors le Centsept, un incubateur de projets à impact social. En partenariat avec Territoires zéro chômeur de longue durée, les bailleurs sociaux et la Métropole de Lyon, le Centsept lance un laboratoire d’innovation sociale autour de cette problématique pour structurer des solutions, faire de la sensibilisation, créer une permanence pour que les habitants obtiennent des informations fiables, des conseils, du matériel… ATD Quart Monde y est également intégré et Gaëlle Delorme porte la parole des habitants dans ce projet.

Le problème des punaises de lit est encore loin d’être réglé dans le quartier, mais ce combat a permis à de nombreuses personnes de ne plus subir ce sentiment de honte et de se sentir moins seules. Il a aussi poussé certains habitants à participer davantage aux concertations locales pour améliorer la vie dans le quartier.

Cet article est extrait du dossier du Journal d’ATD Quart Monde d’avril 2023.