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Discrimination pour cause de précarité : ils/elles témoignent

« Il ne s’adressait jamais à moi »
« Ma vie a toujours été marquée par des étiquettes, explique Doris Mary, militante à Lyon. Petite, j’étais une enfant placée. Adulte, je suis devenue une malade psy. Des exemples de discriminations, je peux vous en donner.
Un jour, je suis allée voir un médiateur pour des questions de téléphonie. Je lui ai expliqué ma situation. Tout le temps de l’entretien, il s’adressait uniquement à la personne de la maison relais qui m’accompagnait, jamais à moi. J’en ai ressenti de la frustration et même de la colère. Et le peu de confiance que j’avais en moi a volé en éclats.
Un autre exemple : une rencontre que j’ai eue avec un député-maire. Je lui posais des questions. Lui aussi m’ignorait. Il ne parlait qu’à la personne d’ATD Quart Monde à mes côtés. La seule question qu’il m’a posée, c’est : « Etes-vous rom ? » Il faut que les élus changent aussi.
Ces discriminations, on ne peut plus les supporter. Au nom du respect de l’égale dignité. »

« Je ne reçois pas de courrier »
Capture du 2016-07-06 19:24:41« Je suis une personne au RSA, explique Tony Jacques, de Reims, ce qui veut dire que je n’ai pas de logement. Mon domicile est un CHRS (centre d’hébergement et de réinsertion sociale).
Cela me pose problème pour avoir des réponses à des offres d’emploi. Je ne reçois pas les courriers pour les déclarations semestrielles, pas non plus les offres de Pôle emploi, et même pas toujours les lettres d’ATD Quart Monde. J’ai fait une formation sur tous les métiers de la restauration rapide. J’attendais une réponse, j’ai rien reçu.
C’est une discrimination de ne pas avoir de logement à moi et de ne pas avoir d’adresse. »

« Le dentiste ne veut plus soigner mon fils »
« Une mère raconte que son fils de 12 ans était suivi par un orthodontiste de Reims, explique Colette Théron, lisant un témoignage. Au début, la famille avait une mutuelle. Le dentiste a proposé de poser un appareil de qualité.
Puis la situation de la famille a changé et elle s’est retrouvée à la CMU-C. En arrivant au rendez-vous, la mère a prévenu la secrétaire. Le dentiste est ensuite venu la voir dans la salle d’attente. Et devant les autres patients, il a expliqué qu’il ne pouvait poursuivre le traitement et il les a envoyés à l’hôpital.
La mère et le fils avaient honte. Ils se sont sentis humiliés en public. La mère en colère a décidé de ne pas se laisser faire et elle a dit ce qu’elle pensait.
Le soir, son fils est allé dans sa chambre et a arraché son appareil. Il n’a plus jamais porté d’appareil. »

« Rajouter une difficulté aux chômeurs »
Lorsqu’il a reçu le nouveau règlement de la cantine scolaire, Yohann Charlionet, père d’élèves à Crécy-en-Ponthieu (Somme), n’a pas hésité. Le vice-président de la communauté de communes annonçait qu’à partir de la rentrée, faute de places, seuls les enfants dont les deux parents travaillent seraient inscrits en priorité.
Le 22 juin 2015, Yohann Charlionet lui a répondu par courrier : « Je m’oppose à ce choix de faire supporter les carences des décideurs aux parents sans emploi. Comment rechercher activement un emploi si on est contraint par une routine d’horaire ? L’école de la République doit permettre à chaque élève de manger à sa faim et de manière équilibrée, au moins une fois par jour. Le faible coût de cette restauration ne doit-il pas permettre l’accès aux plus démunis ? Des solutions existent (…). Dans votre système, on rajoute une difficulté à des familles qui en ont sans doute déjà beaucoup. »
Yohann Charlionet n’a pas reçu de réponse. La FCPE, première fédération de parents d’élèves, a relayé son combat. Elle vient de lancer une pétition appelant les députés à voter une loi sur l’accès de la cantine à tous les enfants – voir sur www.fcpe.asso.fr.

« Entre rejet et bonne surprise »
Eric Pliez est responsable de l’association Aurore chargée de gérer le futur centre d’hébergement d’urgence du 16ème arrondissement de Paris contesté par les habitants (lire « Le rejet de l’autre exprimé publiquement »). Il assure que la situation s’apaise, que des riverains se montrent compréhensifs et que le centre devrait ouvrir le 15 septembre.
« Nous sommes dans une drôle de période, entre rejet et bonne surprise, explique-t-il. Récemment nous avons ouvert d’urgence une structure pour accueillir une centaine de migrants érythréens et soudanais à Suresnes. La mairie nous a très bien accueillis. Cela s’est fait très vite, les migrants se sont installés dans un immeuble vide, ils sont peu visibles. Lorsque les gens sont installés dignement, qu’on explique le projet, que les élus locaux le soutiennent, il n’y a pas de difficultés. »
Eric Pliez reconnaît toutefois que « dès qu’il se passe quelque chose, des nuisances sonores par exemple, on dit que ce sont des gens de chez nous ». Mais pour lui, l’enjeu est ailleurs : que les personnes accueillies dans ces structures provisoires « sortent avec des solutions ».

Capture du 2016-07-06 19:31:26

Photo : les membres d’ATD Quart Monde après le vote à l’Assemblée Nationale de la loi sur la discrimination pour précarité, le 14 juin 2016 (ph. Carmen Martos)