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Dimensions de la pauvreté en France : remise du rapport de recherche au gouvernement

ATD Quart Monde, le Secours Catholique – Caritas France, l’Association des centres socio-culturels des 3 cités, à Poitiers, et une enseignante-chercheuse de l’Institut Catholique de Paris ont remis, le 17 octobre, à la ministre de la Transition écologique et solidaire un rapport sur les dimensions de la pauvreté en France. Objectif : défendre la création de nouveaux indicateurs de pauvreté et contribuer à l’élaboration de meilleures politiques de lutte contre la pauvreté.

« Beaucoup de rapports ont été faits sur la pauvreté, mais c’est la première fois que les premiers concernés participent à une recherche scientifique comme chercheurs à égalité. La participation n’est pas magique, il faut du temps, de la confiance et une méthode solide. Nous avons réussi parce que chacun de nous a reconnu le savoir de l’autre », ont affirmé les membres de l’équipe de recherche en présentant leur rapport à la ministre de la Transition écologique et solidaire, Élisabeth Borne, à la secrétaire d’État  auprès de la ministre des Solidarités et de la Santé, Christelle Dubos et au Délégué interministériel à la prévention et à la lutte contre la pauvreté, Olivier Noblecourt, jeudi 17 octobre 2019.

Ce rapport, intitulé « Comprendre les dimensions de la pauvreté en croisant les savoirs ‘Tout est lié, rien n’est figé' », est le résultat d’une recherche menée pendant trois ans, en croisant le savoir du vécu de personnes ayant l’expérience de la pauvreté, le savoir d’action de professionnels praticiens et le savoir académique de chercheurs universitaires. L’équipe était composée de douze membres, quatre personnes pour chaque source de savoirs. Ainsi, comme dans la recherche internationale présentée à l’OCDE le 10 mai dernier, « la parole des personnes qui ont l’expérience de la pauvreté n’a pas été considérée comme une ressource, une donnée, mais elle a été sollicitée en tant que source de savoirs ».

Deux expériences et huit dimensions

Leur recherche a identifié deux expériences transversales qui caractérisent la pauvreté : la dépendance et le combat. « La dépendance, c’est de ne pas pouvoir faire seul ce qu’on aurait envie de faire ou besoin de faire soi-même. On n’est pas libre, on n’est pas autonome, on est bloqué. » « On se bat pour les droits, pour que les droits soient respectés. On se bat pour trouver où dormir le soir quand on est dans la rue. On se bat pour les enfants, pour qu’ils vivent comme tous les enfants, pour qu’ils aient ce qu’il faut. On se bat contre les souffrances et les peurs provoquées par les privations, par le regard négatif de la société, par la maltraitance des institutions », ont témoigné les membres de l’équipe de recherche.

Huit dimensions de la pauvreté ont également été dégagées, en partant de la vie des personnes qui en souffrent : « Privations matérielles et de droits », « peurs et souffrances », « dégradation de la santé physique et mentale », « maltraitance sociale », « maltraitance institutionnelle », « isolement », « contraintes de temps et d’espace » et « compétences acquises et non reconnues (issues de l’expérience de la pauvreté) ». Chaque dimension dépend des autres et, à la fois, chaque dimension a un impact sur les autres.

La recherche a ainsi montré que « le manque d’argent entraîne la maltraitance sociale et institutionnelle, car les personnes sans ressources manquent de considération, sont discriminées et pas écoutées. On leur impose un accompagnement inadéquat. Elles n’ont pas le droit à l’erreur ».

Lors de leur présentation au ministère des Solidarités et de la Santé, les membres de l’équipe de recherche ont notamment choisi de mettre l’accent sur la maltraitance institutionnelle. « À titre d’exemple, nous pouvons parler des malades en situation de pauvreté considérés comme de seconde zone. Si ce n’est pas les refus des cabinets médicaux quand on est bénéficiaire de la CMU-C, ce sont les déserts médicaux dans les zones rurales », ont-ils expliqué. Ils ont également développé les savoirs acquis par les personnes en situation de pauvreté pour « survivre et résister ». « Nous savons récupérer, recycler, faire durer la vie des objets. Nous savons cuisiner les restes, refaire du neuf dans du vieux. Nous glanons, nous récupérons les invendus dans les poubelles ou en fin de marché, rien ne se perd », ont-ils cité.

« Regard lucide sur notre société »

La ministre de la Transition écologique et solidaire, Élisabeth Borne, a tenu à saluer « le regard très lucide et l’interpellation que ce travail porte sur notre société, notre modèle de consommation ». « Il n’y a pas d’un côté la transition écologique et de l’autre la lutte contre la pauvreté », a-t-elle souligné, rappelant que « les plus pauvres sont les premières victimes du dérèglement climatique ». Pour la secrétaire d’État, Christelle Dubos, ce rapport « apporte un regard complètement neuf et différent. C’est une belle leçon ».

L’équipe de recherche souhaite désormais que les politiques publiques prennent en compte « cette approche systémique pour arriver à une éradication de la pauvreté, comme annoncé en 2018 lors du lancement du Plan de stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté et dans les Objectifs de développement durable dont la France est co-autrice ». Julie Clair-Robelet

Téléchargez le rapport « Tout est lié, rien n’est figé » , sa synthèse ainsi que les interventions des membres de l’équipe de recherche le 17 octobre.

Photo : Remise du rapport au ministère des Solidarités et de la Santé, jeudi 17 octobre 2019. © JCR, ATDQM