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Des jeunes délégués rencontrent le Premier ministre François Fillon

20 mai 2011

Voici le texte de certaines de leurs interventions

 

 

Monsieur le premier ministre,

Je suis Céline , je viens de Lyon.

J’ai du mal à trouver un boulot ou une formation parce que je n’ai pas de diplôme.

On m’a obligée à arrêter le collège en 4è alors que le professeur principal voulait que je continue en 3è d’insertion professionnelle. Peut être qu’il n’a pas assez insisté.

C’est le foyer qui a pris la décision à ma place et à la place de mes parents.

Après, je suis allée à la Mission locale, j’ai fait des formations, des remises à niveau, des stages qui n’ont mené à rien. Cela fait 3 ans que j’y vais.

Dernièrement, on m’a proposé une formation où je n’ai pas été prise. Suite à ce refus, quand je suis retournée à la mission locale, ils m’ont dit « vous savez pourquoi nous n’avez pas été prise ? »  J’ai dit « Je pense que c’est parce qu’il y en avait d’autres avant moi qui n’avaient pas fait de formation et donc que c’est eux les prioritaires ».  Ils m’ont dit : « non, ce n’est pas pour ça, c’est parce que vous être physiquement et mentalement renfermée sur vous-même. Et que vous n’êtes pas motivée ».

Et du coup, ils m’ont proposé d’aller voir un psychologue. Ca ne va pas me donner de boulot.

Je suis sortie  j’étais déprimée.

Je suis allée chez la psychologue, mais c’est toujours la même chose, il faut raconter toute son histoire. Ça déprime encore plus. J’y suis allée une ou deux fois.  Ils disent que je ne suis pas motivée mais quand on m’a demandé ce que je voulais faire et que j’ai dit que je voulais travailler avec les enfants, on m’a répondu « tu ne pourras jamais »

Aujourd’hui, j’aimerai trouver une formation qui me corresponde vraiment. J’aurais besoin de soutien, que l’on ne me décourage pas.

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Je m’appelle Nouna , j’ai 19ans, je suis étudiante en école d’ingénieur. Je fais partie du groupe jeune d’ATD Quart Monde de Nancy depuis un peu moins de deux ans. Mais je connais ATD Quart Monde depuis presque toujours car, petite, je participais à des bibliothèques de rue animés dans mon quartier.

Si j’ai commencé à m’engager au sein du groupe jeune, c’était tout d’abord par curiosité. C’est les jeunes du groupe qui habitent dans mon quartier qui sont venus me chercher. Ils me faisaient confiance car je connaissais leur quartier et que je n’avais pas de regard négatif sur eux. Ce qui m’a tout de suite plu, c’était la diversité des milieux dont sont issus les jeunes du groupe : certains viennent de familles qui ont vécu dans l’exclusion sociale à cause de la pauvreté et d’autres, au contraire, sont de familles vraiment aisées.

En m’engageant à ATD Quart Monde, j’ai vraiment pris conscience de la pauvreté et l’exclusion. Même si je suis fille d’immigrés j’ai pris conscience que par rapport aux autres jeunes de mon quartier, je suis issue d’un milieu favorisé. Notamment parce que mes parents parlent et écrivent très bien le français, parce que je pratiquais des activités comme la danse classique qui m’ont permis d’avoir des amis de tous les milieux. Mais surtout parce que mes frères et sœurs et moi avons eu la chance d’avoir reçu une éducation et des conditions de vie qui nous ont permis de poursuivre des études supérieures.

Parfois, quand je croise des amis d’enfance et qu’ils me disent qu’ils ne trouvent pas de travail ou qu’ils sont en échec scolaire, je suis gêné. Je n’ose pas leur dire que je suis en école d’ingénieur. Je me sens gênée, gênée d’avoir eu de la chance, mais surtout gêné de ne pas pouvoir les aider ! Et c’est dans ces moments là que je ressens les injustices. Par exemple Jessy et moi avons grandi dans le même quartier, avons fréquenté la même école, les mêmes centre de loisirs et pourtant on n’a pas eu la même chance.

Et c’est pour combattre ces injustices que nous nous retrouvons à ATD Quart Monde. Car même si on est tous différents, on travaille sur ce qui nous unit. On défend la place des jeunes dans la société, on s’engage ensemble contre la misère et nous refusons toute forme de discrimination.

Aujourd’hui, j’ai vraiment envie d’avancer avec les jeunes, d’essayer de faire changer les choses et d’agir sur l’opinion. Pour cela on va à la rencontre des personnes. Comme l’année dernière où on a animé un théâtre-forum à Science-Po Paris sur le thème de la discrimination dans l’accès au logement. J’ai été agréablement surprise car les étudiants ont très bien réagi, ils ont vraiment joué le jeu. Pourtant, on sait que la plupart ont des parents riches, et même parfois très riches.

Et si je suis devant vous aujourd’hui avec tant d’optimisme, c’est pour vous dire que nous les jeunes voulons ouvrir la barrière qui nous sépare de vous les politiques. Nous sommes prêts à continuer à travailler avec vous, pour faire progresser la démocratie et défendre les droits des plus pauvres.

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Monsieur le Premier Ministre

Je m’appelle Mélanie , j’ai 22 ans, je suis boursière et je passe actuellement mon BTS en Économie Sociale et Familiale. L’année prochaine, j’aimerais me diriger vers un DE (diplôme d’état) en ESF (Économie Sociale et Familiale).

Mon parcours difficile dans les relations avec l’école et dans la recherche du travail me permet de partager quelques questions. Par exemple par rapport à l’absentéisme scolaire, je me pose la question : est-ce que l’on prendra les moyens de comprendre vraiment les causes de ces absences ?

Je pense au manque d’attention des professeurs envers les difficultés des élèves. J’ai pu observer au cours de mes 22 ans que les professeurs ont tendance à délaisser les enfants qui comprennent le moins, et favorisent ceux qui comprennent plus. Mais il font quand même passer ceux qui ont des lacunes en classe supérieure. Les professeurs ne prennent pas assez le temps (ou ne l’ont pas, par manque de personnels AVS ou ATSEM) pour s’occuper correctement des enfants en difficultés.

J’ai pu voir aussi que certains élèves qui venaient le moins possible en collège car ils n’y arrivaient pas, une fois qu’ils étaient dirigés vers un contrat d’apprentissage ou un lycée professionnel leur correspondant, étaient plus assidus…

J’aimerais parler d’une autre jeune qui ne pouvait pas venir aujourd’hui.

Elle était en classe SEGPA : on lui a rabâché pendant tout ce temps qu’elle était nulle, parce qu’elle n’était pas en classe générale. Du coup, elle a fini par croire qu’elle l’était vraiment. Elle dit que l’école, ça l’a détruit. Il y en a qui se permettent de dire « tu ne pourras jamais », « t’es nulle », « tu n’es pas capable ». Le découragement, ça démolit.

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Monsieur le premier ministre,

Nous savons que vous avez beaucoup de travail et si vous nous recevez, c’est que vous attendez quelque chose de nous, quelque chose de lourd, de pas banal. Nous, les jeunes, nous voulons vous parler de tout le monde, pas que des jeunes.

Il y a nos familles et nos quartiers. Et puis tous les adultes. Dans nos quartiers, y a la réalité, mais il n’y a pas que ça. Y a des gens qui sont arrivés à s’en sortir. Y a aussi des gens qui aimeraient aider d’autres. Et dans le quartier, on sait aussi qu’on peut s’aider. C’est pour vous dire qu’on aime aussi nos familles et nos amis.

Dans notre ville, il y a une association, ATD Quart Monde. Au début, j’y suis pas allé, mais je suis venu après 2 ans car j’avais pas de travail, et je sais qu’on se bat pour ça. On forme un groupe avec des jeunes de nos quartiers mais aussi avec des autres jeunes, comme une de Science po. Le groupe ça sert pour lâcher le stress, y a pas d’engueulade, on s’entend bien, c’est un lien fort, c’est une famille. On ne se laisse pas tomber. Les jeunes, sinon, ils sont dehors, ils n’ont rien. Il faut des activités, des clubs, des occupations où on s’intéresse à eux, qui les intéressent, qu’ils demandent.

Monsieur le Ministre, il faut soutenir les associations qui nous aident à nous mélanger, à réfléchir ensemble, où on n’est pas critiqué et jugé.

C’est comme à l’école. On est mal jugé. On nous rabâche « toi tu n’as pas le niveau ». Pourtant l’école, c’est la deuxième chance après la famille pour apprendre à respecter, apprendre des choses et avoir un avenir. Apprendre à être citoyen. Mais c’est vrai : les étiquettes, c’est dans les deux sens, les profs aussi, on leur met des étiquettes. On devrait dire qu’il faut arrêter de se mettre des étiquettes.

J’aimais pas l’école parce qu’on m’a toujours découragé : « Tu mérites d’être renvoyé ». Ca donnait pas envie de travailler. Mais ma prof de math s’intéressait à tout le monde, et tout le monde a travaillé. Il n’y avait pas de jugement, pas de différence. On était étonné, mais tout le monde a travaillé en math. »

A l’école, Monsieur le Ministre, faut qu’on se mélange. Mais est-ce que c’est possible ?  Il faut changer l’école. C’est faisable. Mais il ne faut pas le dire qu’aux jeunes, y a aussi les adultes.

Avec notre groupe, nous avons réfléchi à ce que nous voulons vous demander encore.

Surtout, ce qui compte pour nous, « ce n’est pas d’avoir une allocation comme le RSA, c’est de trouver du travail. » Le pôle emploi et la mission locale proposent des formations, « mais nous, on veut une place pour longtemps, et un salaire correct. »

Monsieur le ministre, On veut que ça change pour de vrai… On espère que vous nous aiderez.

Jessy