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Des films et une expo à voir en avril 2017

A VOIX HAUTE, LA FORCE DE LA PAROLE. Stéphane de Freitas. France. Documentaire. 2017. 1H50. Version longue (une version courte est passée sur FR2 en Nov 2016) Coup de cœur.

L’aventure de 30 étudiants de l’Université de Saint-Denis se préparant au concours d’éloquence se déroule sous nos yeux. Depuis 2013, Eloquencia élit le/a meilleur /e orateur/trice du 93. Chacun a un objectif : acquérir de la confiance en soi pour parler en public, défendre haut et fort des convictions, briser la barrière sociale par la maîtrise de la communication verbale : « Je ne veux pas attendre éternellement qu’on veuille bien me donner la parole ». Ils ont six semaines pour se préparer, pour se découvrir eux-mêmes aussi.

D’emblée leur professeur principal avocat les met à l’aise : » J’étais un champion hors pair en timidité, vous avez toutes vos chances ! » Un slameur, un spécialiste de la respiration, une metteuse en scène se révèlent des professeurs extraordinaires, dont nous aurions tous rêvé. A travers des jeux de rôles, et des débats passionnants, non dénués d’humour parfois ou tirés de l’actualité brûlante, les jeunes apprivoisent les mots, traversent les étapes de la joute oratoire, argumentent sur des thèmes variés comme : » Pour ou contre la Saint- Valentin ? » » Peut-on rire de tout ? » : » L’erreur est-elle un droit ? », « La réalité vaut-elle mieux que le rêve ? ». Ils travaillent autant le fond que la forme.

Le film nous transporte dans une allégresse communicative, avec le suspens du compte à rebours jusqu’à la finale. Une interrogation demeure : qu’en est-il des étudiants qui n’ont pas été sélectionnés parmi ces trente-là ? Existe-t-il des cours de parole publique en dehors de ce concours ?

Par leurs rêves, leurs espoirs, ces jeunes nous invitent à une écoute plus bienveillante et à un regard plus subtil sur les banlieues soi-disant violentes, sur les personnes issues de l’immigration ou de la précarité, sur les universités supposées « de seconde zone ». Et surtout ils nous donnent une pêche d’enfer.

L’AUTRE CÔTE DE L’ESPOIR. Aki Kaurismäki. Fiction. Finlande. 2017. 1H35.VOSTF.

Khaled, un jeune Syrien, débarque d’un cargo en Finlande «  parce qu’ici il n’y a pas la guerre ». Sa demande d’asile ne lui sera pas accordée. Nous voyons des employés administratifs qui gèrent la crise humanitaire de façon bureaucratique. Ayant trouvé refuge dans le local à poubelles d’un restaurant, il tombe sur Wikström. Cet ancien représentant de commerce, reconverti en patron de restaurant, veut d’abord le chasser puis il l’embauche dans son établissement. Khaled, seul au monde, attend des nouvelles de sa sœur réfugiée dans un autre pays. Des personnages hauts en couleurs défilent : serveurs du restaurant, vieux rockers, employés administratifs bureaucratiques, loubards xénophobes, touristes japonais, femmes de tête ou à la dérive. Les décors, costumes, accessoires sortis des années 50 donnent un petit côté théâtral, universel aussi, souvent empreint d’humour. L’actualité qui surgit est d’autant plus criante (images télévisées d’Alep) et le récit des errances de Khaled à un autre réfugié au centre d’hébergement d’Helsinki. Le réalisateur » avoue volontiers tenter de briser le point de vue européen sur les réfugiés qui avec insolence veulent prendre notre travail, nos logements » en « manipulant » le spectateur par l’humour ou le réalisme. Pour que survive la solidarité.
MÔMES ET CIE. Exposition Cinémathèque. Paris. Bercy. D’ Avril au 31 Juillet 2017. (tel : 01 71 19 33 33 ou www.cinematheque.fr)

L’exposition- idéale en famille- propose un double voyage : à travers les émotions des personnages d’enfants montrés au cinéma et dans celles des spectateurs, grands et petits. D’une salle à l’autre, les sons, les couleurs, la musique, les textures, les ambiances lumineuses illustrent la joie et la colère, le rire et la tristesse, la peur et le courage. Nombreux extraits de films, des affiches, des croquis ou gravures préparatoires, des objets emblématiques de films. A voir : des lettres et dessins d’enfants aux réalisateurs. Inscriptions possibles à des ateliers ou rencontres. Le cinéma, encore et toujours, pour vivre des enchantements mais aussi apprendre à connaître d’autres vies que les nôtres.
ENTRE LES FRONTIERES. Avi Mograbi. Documentaire. Israël.1H24. VOST. (contact : www.meteore-films.fr ou DVD prochainement)

Avi Mograbi, documentariste et Chen Alon metteur en scène de théâtre, rencontrent des demandeurs d’asile Africains (originaires d’Erythrée, du Soudan, d’Ouganda, de Jordanie, d’Egypte) que l’État d’Israël retient dans le camp de Holot, dans le désert du Néguev( au sud du pays). Cette « prison ouverte », est un lieu où les détenus sont « libres » de circuler mais doivent répondre 3 fois par jour à l’appel.

Par le biais d’un atelier inspiré du « Théâtre de l’opprimé » (1), ils vont animer un atelier théâtre régulier avec les réfugiés Ils parlent hébreu parce qu’ils ont été obligés de l’apprendre durant les 6 ou 7 ans où ils ont vécu illégalement en Israël. Ça leur permet de communiquer apparemment assez facilement à l’intérieur du groupe. De jeunes Israéliens de la société civile (hommes et femmes) rejoignent l’atelier. Ils inversent les rôles : les Israéliens endossent la situation des migrants et ces derniers jouent le rôle de soldats israéliens qui les arrêtent par exemple, ou parlementent vivement avec eux. Il s’en suit des très belles scènes (improvisées bien sûr) de connexion entre eux, avec des sourires et on sent une complicité qui se tisse au fil des jours. Leurs visages s’éclairent. De manière inattendue, ils confient que parfois ici ils se sentent protégés et infiniment vivants.

Loin de toute réaction de pitié ou de charité, le théâtre créé ici une situation de travail en commun. Il n’est pas question d’aider ces migrants, mais de faire quelque chose avec eux, et cela transforme toute la manière dont on les regarde .Le propos du film est bien celui-ci : le théâtre peut-il créer un pont entre les Hommes pour qu’ils échangent et se comprennent ? A Holot, il semble que oui, avec des moments magiques.
Bella Lehmann-Berdugo

(1)Dans les années 1970 le brésilien Augusto Boal crée la méthode du Théâtre de l’opprimé, pour rendre visibles des conflits sociaux et politiques en soutenant la prise de parole de groupes marginalisés, opprimés par les pouvoirs totalitaires. Elle est aujourd’hui répandue dans le monde entier.