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Décrypter les images sur la pauvreté

Le prix du film ATD Quart Monde a été décerné à  » Libre  » sur le combat pour un  accueil digne des migrants. L’occasion de décrypter les représentations de la pauvreté à l’écran.

Le prix du film « La misère sans clichés  » a été décerné le 17 novembre dernier au documentaire  » Libre  » qui retrace le combat de Cédric Herrou et d’autres habitants de la Vallée de la Roya, près de la frontière italienne, en faveur d’un accueil digne des migrants. Pour les jurés d’ATD Quart Monde chargés de départager les trois films en lice, ce prix a été l’occasion de réfléchir et d’échanger sur les représentations de la pauvreté et de l’exclusion au cinéma.

Michel Toesca, le réalisateur de  » Libre « , avait fait le déplacement pour recevoir la récompense, symbolisée par une sculpture de l’artiste montreuillois Bernard Cholet, au cinéma  » Méliés  » de Montreuil (Seine-Saint-Denis). Auparavant, il avait pris le temps de rencontrer des jurés d’ATD Quart Monde, dont des militants qui ont connu ou connaissent la pauvreté, dans les locaux du mouvement.

Michel Toesca reçoit le prix en présence des jurés.

Pour cette troisième édition du prix du film, quatre jurys, d’une dizaine de personnes chacun, ont été constitués à travers la France à partir des groupes locaux d’ATD Quart Monde : en Bretagne, avec des personnes de Rennes et de Brest, en Lorraine, autour de l’équipe de Nancy, en Alsace, autour de celle de Colmar, et en Ile-de- France, à Montreuil.

Les jurés du festival en pleine réflexion.

Les groupes ont regardé trois films : outre  » Libre « , le documentaire  » Belinda « , sur une jeune fille de la communauté yéniche d’Alsace, et une fiction,  » En guerre « , la lutte du personnel d’une entreprise et d’un syndicaliste irréductible, joué par Vincent Lindon, pour sauver les emplois.

Les jurys ont souvent débuté par une séance de photolangage autour de ce que signifie la dignité. Puis ils ont défini une méthode de travail. Le jury alsacien a par exemple retenu cinq critères, chacun noté sur 5, pour juger les films :  » le sujet présente bien les difficultés des personnes en précarité « ,  » les personnages sont filmés avec respect « ,  » les décors sont bien choisis « ,  » la musique renforce la compréhension  » et  » je recommande le film à un ami « .

Les échanges qui ont suivi les visionnages ont été riches. Dans le groupe de Rennes et Brest, le film  » En guerre  » a été très commenté et apprécié :  » Laurent (le syndicaliste) ne laisse pas passer une humiliation sans réagir. Ça, c’est très fort, c’est la dignité « ,  » ce film, c’est la course à l’argent, aux dividendes, qui écrabouille les gens, qui est sans limite « ,  » La dignité c’est malgré ce que l’on vit, ce que l’on est, pouvoir se faire entendre un minimum « … Les jurés ont toutefois regretté la fin tragique du film.

A Nancy, le film  » Libre  » a fait remonter les souvenirs d’un membre du jury, arrivé en France à six ans :  » il y avait un passeur, on n’avait pas de papiers, j’étais en chaussettes, on est passé par la montagne… » Certains se sont inquiétés de l’afflux des migrants, de la présence de terroristes parmi eux. Mais les notions de solidarité et de combat commun l’ont emporté sur les peurs :  » La solidarité, c’est quand les premiers migrants tirent ceux qui arrivent pour les aider : tout le monde aide tout le monde « .

Véronique Soulé

Photos @Carmen Martos, ATDQM