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#GrandDébat: A Caen, ATD Quart Monde débat de la justice fiscale

Dans le cadre du Grand débat national, l’Université populaire Quart Monde de Reims a réfléchi et fait des propositions sur un sujet au cœur de la crise des « gilets jaunes ».

Il est 19 heures 30. Dans la salle au rez-de-chaussée, sur les petites tables rondes de l’accueil de jour mis à disposition par le Secours catholique, des gâteaux, une quiche, des jus de fruit… Avant chaque Université populaire Quart Monde, les participants partagent un repas. L’occasion d’échanger, de se donner des nouvelles.

Ce 29 janvier 2019, l’UP est particulière. Le sujet, la justice fiscale, est au coeur de la crise des « gilets jaunes ». Choisi avant le lancement du Grand débat national, il figure parmi les thèmes retenus dans la consultation qui s’achève le 15 mars. A ce titre, exceptionnellement, l’UP est ouverte au public : dix places sont proposées sur le site du Grand débat.

Le témoin est Louis Blanc-Patin, un élève de l’ENA en stage à ATD Quart Monde. Il vient éclairer des points techniques, la fiscalité étant un sujet ardu. Parmi les invités, on compte Nadia Bellaoui, secrétaire générale de la Ligue de l’enseignement, l’une des cinq personnes garantes officielles du bon déroulement du grand débat.

Ronds-points

C’est le groupe de la Verrerie, un quartier de Reims, qui a proposé le sujet et préparé la séance. Composé de militants Quart Monde, des personnes ayant l’expérience de la pauvreté, il se montre très imaginatif.

Pour ouvrir l’UP à 20 heures, il propose une scénette. Chacune – elles sont cinq femmes – enfile un gilet jaune. Jacqueline saisit un téléphone imaginaire et la conversation s’engage, comme sur un rond-point. Le sentiment d’injustice explose face à des « privilégiés ». « Même au RSA (revenu de solidarité active), on paie des taxes pour tout le monde », « Est-ce qu’il vont remettre l’ISF (impôt sur la fortune) ? », « D’accord pour la taxe d’habitation mais si elle sert pour mon quartier », « Les gens des ministères, on les a augmentés », « La Coupe du monde, aller dans la lune ? Mieux vaut mettre l’argent pour la santé, le logement, l’éducation »…

Florence et Thérèse, les deux animatrices, se tournent vers l’autre groupe de militants pour avoir des réactions. « J’étais au rond-point avec les gilets jaunes, explique Colette, je leur ai dit que je suis d’accord avec eux mais on parle pas de nous, ceux qui ont du mal. On va encore rester invisibles de ce côté-là ? »

Vaisselle

Sur un tableau, Florence détaille maintenant le budget de l’État. D’un côté, les grandes masses de recettes – TVA, taxes foncières et d’habitation, cotisations sociales, CSG (contribution sociale généralisée), impôt sur le revenu… En face, les dépenses – sociales, éducation, administration publique, justice, environnement, défense…

La quarantaine de participants doit plancher sur cette question : « Vous êtes nommé au gouvernement : que feriez-vous pour rendre le budget plus juste ? ». Les groupes s’éparpillent. Ils ont 20 minutes avant de rendre leur copie.

« Ça a été chaud mais on y est arrivé… »: Florence rend compte des propositions de son groupe de militants. Vous vous attendiez à une explosion des dépenses ? Mais non ! Le groupe a commencé par chercher où trouver de l’argent. Il compte sur le rétablissement de l’ISF et sur la chasse aux fraudeurs fiscaux. Les élus de la République sont aussi visés avec leurs dépenses jugées somptuaires. « On a aussi parlé de la vaisselle de l’Élysée », ajoute Florence.

Les militants dénoncent les taxes injustes comme la TVA payée par les riches comme par les pauvres. Ils proposent de la diminuer : « On augmente alors le pouvoir d’achat. Et grosso modo à l’arrivée, c’est la même chose qui rentre dans le budget de l’État ». Quant à la taxe carbone, suspendue par le président en pleine crise des « gilets jaunes », les militants se sont comptés autour de la table : seuls deux ont une voiture. Pourquoi paieraient-ils alors qu’ils polluent moins que les autres et n’arrivent déjà pas à boucler les fins de mois ?

Coté dépenses, les idées fourmillent. En vrac : « Augmenter la protection sociale, des efforts du côté de la santé, un coup de pouce pour les retraites et pour les APL (aides au logement) », etc.

Robots

Dans les autres groupes, on évoque aussi le retour de l’ISF et la hausse des prestations pour les plus fragiles. Chacun s’est creusé la tête pour trouver des recettes. Le groupe des alliés a, par exemple, imaginé  » taxer les robots et les logiciels qui suppriment de l’emploi  » et les entreprises qui délocalisent.

Du côté des invités, Pauline Boyer, de l’association écologiste Alternatiba, propose d’augmenter la taxe carbone, de taxer aussi le kérosène et de compenser par une hausse du chèque énergie qui profiterait à 50% des ménages. « Tout le monde pourrait ainsi repenser sa façon de vivre. »

Plusieurs fois sollicité, Louis, le grand témoin, est écouté religieusement. Il confirme que « la TVA est un impôt injuste car tout le monde paie le même ». Il explique qu’il existe déjà un taux réduit à 5% pour les produits de première nécessité et que même si l’État le baissait, « rien ne contraint les magasins de ne pas augmenter les prix derrière ». Il précise aussi qu' »une TVA à 0% coûterait de l’argent »

Il est 22 heures passé, l’UP aurait pu durer encore. Invitée à conclure, Nadia Bellaoui est prudente : « Le gouvernement n’a pas la marge de manœuvre pour tout changer. Il prend sa part, vous la vôtre. « On a rêvé un moment de changer les choses. Il faut attendre maintenant ce que décidera le président. »

 

Reportage: Véronique Soulé. Photo : le groupe de la Verrerie qui a préparé l’Université populaire Quart Monde de Reims le 29 janvier 2019, Pascale Laurent, ATDQM.