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De Laval à Montpellier, des membres du Mouvement s’engagent pour les migrants

Pour eux, les migrants se retrouvent dans des situations très proches de celles des personnes en grande pauvreté. Et on ne trie pas entre les êtres humains.

Chantal, du groupe ATD Quart Monde de Pézenas (Hérault)

« Notre petit groupe local fait partie du collectif « Solidarité Migrants et Réfugiés de Pézenas ». S’ils ne sont pas toujours très pauvres, les migrants arrivent dans des situations où ils ont besoin d’aide. Et ils ont des droits à défendre. Les causes ne sont pas identiques avec la grande pauvreté mais elles s’entrecroisent. De plus, au-delà des raisons qui les ont fait fuir, on ne trie pas les êtres humains.

Voici un combat que nous avons mené avec le collectif, où je n’ai été qu’un témoin :

M. est guinéen. Arrivé à 17 ans comme mineur non accompagné, il a été pris en charge par l’ASE (Aide sociale à l’enfance) et scolarisé en lycée professionnel. Puis son âge a été mis en cause. On lui a fait passer un test osseux qui l’a déclaré majeur. Il a été condamné à 4 mois de prison (pour avoir menti sur son âge).

Nous lui avons écrit et donné un peu d’argent pour qu’il puisse  » cantiner  » en prison. Des bénévoles, en lien avec son avocat, ont réussi à obtenir les pièces nécessaires (acte de naissance…) pour l’appel fin septembre. Le verdict est tombé le 11 octobre : M. a été reconnu mineur. Et le 13 octobre, il a été libéré après avoir purgé l’intégralité de sa peine.

Mais la prison n’avait pas reçu le verdict d’acquittement. Heureusement, deux membres du collectif l’attendaient devant : elles l’ont vu en sortir, puis être aussitôt rappelé et embarqué dans une voiture de police pour être conduit au CRA (centre de rétention administrative) de Sète et expulsé. L’avocat, alerté, a transmis le jugement au CRA et M. a enfin été libéré.

Il est venu à notre Journée du refus de la misère où il a accepté de témoigner. Le 5 novembre, il a rejoint le lycée professionnel de Bédarieux dans la filière qu’il souhaitait, celle de géomètre topographe. »

Simone, militante Quart Monde à Port Brillet (Mayenne)

« Les migrants, faut pas leur offrir la misère. Ils partent d’un pays de misère pour rester dans la misère. J’ai connu la misère noire et je ne peux pas voir qu’on donne la misère, qu’on les laisse dans la misère. Il faut que l’accueil soit pensé, leur donner la possibilité d’une vie décente mais pas faire à leur place.

Il faut les accueillir dans de bonnes conditions mais on s’y prend un peu mal. Il faut éviter d’en faire des assistés, trouver des solutions pour qu’ils s’insèrent. Si on leur donne des logements insalubres, ils ne vont pas trouver du travail, s’ils n’ont pas de travail, pas de logement correct… On les pousse encore plus dans la misère.

Dans notre pays, on peut s’organiser pour les accueillir correctement. Il y a de la place pour tout le monde, pour les personnes pauvres comme pour les immigrés. À Laval, il peut y avoir jusqu’à 60 personnes dans la rue. Si on donne un logement aux émigrés et qu’on n’a pas de solutions pour ces 60 personnes, on court le risque de les dresser les uns contre les autres.

Ceux qui sont à la rue et ceux qui arrivent, tout le monde a droit à un certain accueil. Peut-être que c’est un peu utopique. Mais c’est ce que je pense. »

Monique, du groupe de Saint-Étienne (Loire)

 » Tout est parti du collectif constitué avec d’autres associations pour le 17 octobre 2017. Nous préparions un spectacle pour la soirée. Nous avons formé un petit groupe de parole avec des familles d’ATD Quart Monde, des personnes amenées par le Secours populaire dont un monsieur tchétchène, une jeune femme albanaise, etc. Nous nous retrouvions régulièrement avec une comédienne. Le sujet du 17 octobre était la culture, nous l’avons traité aussi au sens des origines. Nous disions tous d’où nous étions.

Avec une autre alliée, nous avons ainsi créé des liens très forts avec la famille albanaise (les parents et les deux enfants). Parfois, la dame venait avec des yeux remplis de terreur. Ils étaient logés dans un appartement par le CADA (centre d’accueil de demandeurs d’asile), ils allaient être expulsés. Or la famille est en danger dans son pays.

Nous sommes un groupe  » très riche « , avec une grande solidarité. Avec le Secours populaire, nous avons alors créé l’association  » Jamais sans toit  » pour leur logement. Nous avons une cinquantaine de donateurs. Un peu avant Noël, la famille a dû quitter son logement. Très vite, aidé par l’association « Un toit un droit », nous leur avons trouvé un logement.

Aujourd’hui, les deux enfants vont à l’école. Ils ont bénéficié d’un élan de solidarité de l’établissement pour leur payer la cantine. Avec le Secours populaire, nous avons organisé récemment un repas en commun, un vrai moment d’amitié. »

Gérard, du groupe de Laval (Mayenne)

« C’est parti d’un constat : l’hébergement d’urgence – le 115 – était saturé dès le matin. Une douzaine d’associations, dont ATD, réunies dans le « collectif d’entraide et d’innovation sociale » ont demandé une halte de nuit. Il a fallu insister. On a obtenu un lieu assez précaire où des bénévoles créent de la convivialité.

Mais dans la journée, des personnes avec de graves problèmes de santé, des femmes enceintes, se retrouvaient dehors. Avec le collectif, on a obtenu l’ouverture d’une halte de repos. A suivi l’idée d’une halte de jour. Là encore, il a fallu se battre. Les locaux sont ouverts toute la journée de façon inconditionnelle – on insiste dessus, on ne veut pas entrer dans le débat Français-non Français. Il y a une bagagerie, des ateliers de français, des ateliers cuisine avec la Maison de quartier…

Dans le discours officiel, la halte est « embolisée » par des demandeurs d’asile, des déboutés qui n’ont rien à y faire. Derrière, on cache le fait que des personnes n’ont pas accès à un logement et se retrouvent obligées de recourir à l’hébergement temporaire.

Fin septembre,l’association « Citoyens du monde » a organisé un déjeuner convivial de 300 personnes qui a déplu à la préfecture. Pour elle, si les gens sont trop bien accueillis, dans des conditions dignes, cela provoque « un appel d’air ». En juin, on a fait une chaîne humaine sur le thème « Nous sommes tous des citoyens sur cette terre ». Il y avait bien 200 personnes. »

FOCUS SUR

Alpha Oumar, demandeur d’asile à Montpellier (Hérault)

« J’ai découvert ATD Quart Monde au forum des associations. J’ai quitté la Guinée car j’étais contre l’excision, je ne voulais pas que ma fille la subisse, ça a tourné mal avec mes parents, mon entourage. Je me bats pour la dignité de la femme. Ça rejoint le combat pour la dignité d’ATD.

Le 17 octobre 2018, pour la Journée du refus de la misère, j’étais place du Plan Cabanes. Ça m’a marqué que chacun puisse s’exprimer. Ça m’a donné le courage de prendre le micro et de parler. J’ai aussi compris que la pauvreté n’est pas seulement en Afrique mais ici aussi.

Avec ATD, on pourrait faire un projet pour aider les jeunes migrants. Ils ne sont pas préparés au calvaire des démarches administratives. Je suis sur la même longueur d’ondes qu’ATD : il faut aider les gens pour qu’ils se débrouillent eux-mêmes.

Les demandeurs d’asile ne peuvent pas travailler, pas se former. Ils sont abandonnés à eux-mêmes. Cela peut donner de la violence. Les migrants, c’est ni tout noir ni tout rose. ATD aide les gens à se tenir droit, on pourrait le faire aussi pour eux. Intellectuels ou ouvriers au départ, les migrants se retrouvent dans la même situation que les pauvres. »