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Dans le camp de Grande-Synthe, les réfugiés sont traités dignement

Fatiha Ziane, responsable du groupe d’ATD Quart Monde de Dunkerque, se rend régulièrement dans le camp de Grande-Synthe comme bénévole. Nous l’avons visité avec elle : loin de la « jungle » boueuse de Calais, le maire de la ville Damien Carême a voulu ici un accueil digne.

Le camp, situé dans la banlieue de Dunkerque, s’est ouvert le 7 mars dernier. Construit par Médecins sans frontières (MSF), il accueille entre 1 300 et 1 500 personnes. Les migrants sont en grande majorité des Kurdes d’Irak et de Syrie, mais aussi des Iraniens, des Afghans…, qui attendent de pouvoir passer en Angleterre. Ils sont logés dans des cabanons  en bois – les « shelters » au nombre de 384 -, répartis sur 5 hectares.

Il s’agit du premier campement humanitaire construit par une ONG en France. Il respecte les normes internationales d’accueil des réfugiés, à la différence des « jungles » de la région comme celle de Norrent-Fontes.

En attendant des cuisines collectives

Les réfugiés dans le camp de Grande Synthe le 21 avril 2016 (VS)
Les réfugiés dans le camp de Grande Synthe le 21 avril 2016 (VS)

« C’est l’un des regrets des réfugiés: ne pas pouvoir faire la cuisine eux-mêmes chez eux« , nous explique Ivan, jeune bénévole de l’association Utopia 56 qui nous guide dans le camp. « Il est prévu de construire des cuisines collectives afin de le leur permettre« , ajoute-t-il.

Créée à Lorient en janvier 2016 pour venir en aide aux migrants de Calais, Utopia 56 a été chargé par la Mairie de Grande-Synthe de coordonner les activités du camp. A sa tête, Yann Manzi, régisseur dans de grands festivals bretons, s’appuie sur son expérience d’organisateur.

En attendant, les réfugiés reçoivent des repas tout préparés. Il existe aussi un « free shop » – magasin gratuit – auxquels ils ont accès avec des tickets qui leur sont distribués. Ils peuvent aussi se rendre au centre  commercial non loin, où trône Auchan. Des bénévoles les accompagnent car il faut longer une dangereuse 4 voies menant à l’autoroute.

Un atelier de réparation de vélos

L'atelier de réparations de vélos du camp (FP)
L’atelier de réparations de vélos du camp (FP)

En arrivant, les migrants reçoivent par ailleurs draps et sacs de couchage ainsi que des kits d’hygiène. En plus des abris en dur, c’est une grande différence avec les « jungles » nauséabondes : ici on a installé des douches et des wc et ils sont entretenus chaque jour.

Il y a aussi une « laundry », avec de grosses machines à laver séchant le linge fournies par MSF. Les migrants peuvent y apporter leur linge une fois par semaine.

On a également aménagé un atelier réparation de vélos pour petits et grands.

Un chauffe-eau d’avant-guerre

Bénévoles allemands dans le camp de Grande Synthe, 21 avril 2016 (VS)
Bénévoles allemands dans le camp de Grande Synthe, 21 avril 2016 (VS)

Parmi les bénévoles, des habitants de la région comme Fatiha qui reconnaît toutefois que « beaucoup de ses voisins ne comprennent pas ce qu’elle va faire dans le camp » et même le condamnent.  D’autres bénévoles arrivent de toute l’Europe et même au delà. Le jour où nous l’avons visité, on nous a mentionné un japonais. Certains apportent du matériel – sur cette photo,  des allemands venus de Munich avec un chauffe-eau militaire de la dernière guerre.

Plusieurs associations interviennent dans le camp. Ce jour-là, des bénévoles-charpentiers découpaient des plaques de bois fournies par Emmaüs afin d’agrandir les cabanes. Il faut dire que prévues pour 4 personnes, elles en accueillent souvent plus.

On peut aussi citer l’Auberge des migrants, la principale association dans le camp de Calais qui fédère de nombreux collectifs et initiatives.

On manque de bras

Fatiha Ziane, d'ATD Quart Monde, bénévole le week-end sur le camp (ATDQM)
Fatiha Ziane, d’ATD Quart Monde, bénévole le week-end (ATDQM)

En quittant à pied le camp, Fatiha salue deux bénévoles de l’association Salam. Elles viennent distribuer des vêtements. Fatiha les connaît car elle a été chargée de trier les vêtements dans le container où les réfugiés viennent se fournir. Elle a aussi participé au nettoyage du camp (sur la photo).

Malheureusement, Fatiha ne parle pas de langue étrangère. Et les réfugiés, lorsqu’ils en connaissent une, parlent l’anglais. « Je regrette de ne pas pouvoir échanger plus avec eux quand on va les voir dans les cabanes pour demander ce dont ils ont besoin ou pour les informer de quelque chose« , regrette-t-elle.

Ce jour-là, 37 bénévoles se trouvent dans le camp. Trop peu pour assurer tout ce qu’il y a à faire: distribuer les repas, les vêtements, faire l’accueil, aider à la cuisine, réguler l’accès aux douches, construire les cuisines collectives, etc.

« Nous manquons de bras, le camp fonctionne 7 jours sur 7, 365 jours de l’année, explique Yann Manzi, c’est notre premier besoin: des bénévoles. Il suffit de s’inscrire sur notre site. On vient quand on peut, même pour un jour ou deux, il y a toujours des tâches à faire. »

 Bientôt une école et un centre juridique

Activité découpage pour des enfants réfugiés de Grande Synthe (FP)
Activité découpage pour des enfants réfugiés de Grande Synthe (FP)

Non seulement il faut faire tourner le camp mais il faut mener à bien les projets en cours. Parmi ceux-ci, une école. Si les hommes seuls sont très majoritaires, il y a aussi des familles avec enfants.

Pour l’instant, sous une grande tente blanche, des bénévoles les accueillent pour des activité lecture et autres. « On appelle cela plutôt un centre familial« , explique notre guide, « il y a aussi de l’alphabétisation pour enfants et adultes. »

Autre projet, un centre juridique pour informer les migrants sur leurs droits, sur les démarches… Un dispositif est en train de se monter autour de la Cimade.

Utopia 56 veut aussi encourager les activités culturelles. Un Nouvel An  kurde a par exemple été fêté dans le camp, avec un orchestre. Des associations proposent des ateliers théâtre, marionnettes… L’autre jour, une centaine de migrants ont assisté à un spectacle de clowns à l’invitation de la Mairie.

Et l’avenir ?

Yann Manzi (centre) d'Utopia 56 recevant ATD Quart Monde dans le camp (FP)
Yann Manzi (centre) d’Utopia 56 recevant ATD Quart Monde dans le camp (FP)

Lorsque nous avons visité le camp, l’équipe d’Utopia 56 s’inquiétait pour l’avenir. La municipalité de Grande-Synthe avait averti qu’elle ne pouvait continuer à assumer financièrement le fonctionnement du camp – environ 4 millions d’euros par an. Un tiers des habitants de la commune vivent en dessous du seuil de pauvreté.

Mais l’Etat tardait à s’engager, réticent à pérenniser ainsi un camp et donc une situation qu’il voudrait au contraire voir disparaître. Finalement, le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve devait venir le 30 mai et s’engager officiellement à ce que l’Etat prenne désormais en charge le camp de Grande-Synthe.

V.S.