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[Coronavirus] Confinement et précarité : garder les liens #3

Le jardin partagé du Courtil de Piperia(1) ne connaît plus la même affluence qu’au moment de son lancement lors de la grève du chômage de 2015. Cependant, pour le petit groupe de jardiniers qui le fréquente régulièrement, cette pratique est essentielle. Ce qui pousse chacun à venir jouer de la bêche ou de la grelinette(2) se rejoint souvent. La réflexion et le travail collectifs, la beauté du lieu en été, les rires et la gourmandise sont des motivations fortes. De plus, certains aspirent à autre chose que s’approvisionner chez la grande distribution et d’autres n’y ont que très peu accès. Inutile de préciser que les circuits locaux relèvent de la science-fiction pour les porte-monnaies de ces derniers.

Ainsi, le mardi 16 mars 2020, nous sommes quatre à nous réunir avant les douze coups de midi. Le confinement approche à grands pas, mais la volonté de tous est de continuer, car si nous ne semons rien au printemps, nous avons conscience qu’il n’y aura pas grand-chose à récolter cet été et cet automne. Informés des gestes barrières à respecter, nous décidons de maintenir les deux matinées par semaine en observant les distances de sécurité préconisées.

Quelques jours après arrivent les conditions d’autorisation de sortie. En discutant au jardin ou par téléphone, nous réfléchissons aux manières de maintenir la dynamique. Finalement, faire du potager, ça peut rentrer dans plein de ces fameuses cases à cocher. C’est un peu comme aller travailler, faire ses courses voire pratiquer une activité physique. Bien sûr, chacun doit se sentir libre et suffisamment à l’aise pour éventuellement devoir faire valoir ces considérations en cas de contrôle de la gendarmerie.

Peu après, le spectre des amendes se fait de plus en plus pesant tant dans les médias que dans l’esprit de chacun. Cela met fin à nos temps de présence collective au jardin. Les semis effectués et hébergés chez les uns et les autres, nous imaginons un nouveau fonctionnement. Nous décidons de nous en tenir désormais au strict minimum. La tonte passe ainsi à la trappe et ce n’est pas sans soulager quelques uns. Un planning est alors proposé en chaque début de semaine par mail ou par téléphone.

L’idée est qu’une tâche unique soit assumée sur la semaine par tous les jardiniers invités à venir sur des temps individuels et courts. Un schéma à jour est transmis à chacun pour une meilleure compréhension de ce qui est fait et reste à faire. Nous tenons ainsi depuis un mois et, bien que nous ne soyons pas ensemble physiquement, nous sentons que nous restons liés.

 

 

Bruno, pour l’ensemble des jardiniers du Courtil de Piperia

Notes

(1) : Ce jardin partagé est situé dans le village de Pipriac, en Ile-et-Vilaine. La « grève du chômage » d’octobre 2015 a été un des temps forts de mobilisation publique, à Pipriac et sur d’autres Territoires zéro chômeur de longue durée, qui ont permis d’obtenir en février 2016 la loi d’expérimentation zéro chômeur de longue durée.
(2) : Outil utilisé en agriculture biologique qui fait à la fois fourche et bêche et permet de travailler la terre sans la retourner, préservant ainsi l’écosystème du sol.