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COP24 : les États ratent le coche de la justice climatique

Une journée de plus n’aura pas été suffisante pour que les États rassemblés à Katowice en Pologne pour la 24e Conférence des parties (COP24) signent un texte ambitieux.

Les enjeux de ces négociations internationales pour le climat étaient de faire un premier bilan des engagements climat des États, convenir des règles communes pour la mise en œuvre de l’Accord de Paris et relever les ambitions climatiques afin de limiter le réchauffement climatique à 2°C, voire 1,5°C d’ici la fin du siècle.

Quatre membres d’ATD Quart Monde étaient accrédités comme observateurs des négociations. Le Mouvement participe depuis trois ans au groupe de travail « Droits humains et changement climatique » qui rassemble une trentaine d’organisations de différents pays. Conscient que les changements climatiques constituent un défi majeur, le groupe plaide pour que les droits humains soient au cœur des engagements climatiques des États.

Débat sur la transition juste au Climate hub de la COP24 le 10 décembre 2018. ©Geoffrey Renimel / ATDQM

Reconnaître la vérité scientifique

La COP24 arrivait tout juste deux mois après la sortie du rapport du Groupe d’experts sur l’évolution du climat (GIEC)(1). Les scientifiques y exposent les conséquences d’un réchauffement des températures au-delà de 1,5 °C. Vagues de chaleurs, extinction d’espèces, montée des océans… Tous ces phénomènes sont amenés à s’intensifier si nous ne réduisons pas de moitié nos émissions de CO2 dans les douze ans à venir.

A la COP, les vérités scientifiques se sont heurtées à la géopolitique des États. Le texte des règles d’application de l’Accord de Paris prévoyait de « saluer le rapport », mais quatre pays (Arabie Saoudite, le Koweit, la Russie et les Etats-Unis) insistaient pour l’expression « prendre note ». Le texte final se contente de « reconnaître le rôle du GIEC à fournir des éléments scientifiques pour informer sur l’importance de renforcer la réponse globale à la menace climatique ». L’acceptation des faits scientifiques est difficile lorsqu’ils menacent les intérêts économiques de certains pays.

 

Une transition juste

Elle était dans toutes les bouches et pourtant, tout le monde n’y mettait pas le même sens. Selon la Confédération syndicale internationale, une transition juste implique la nécessité d’un dialogue social entre travailleurs, employeurs, communautés locales et gouvernements. Elle insiste également sur l’importance des emplois, des moyens d’existence et vise à ce que personne ne soit laissé pour compte dans la course pour réduire les émissions de CO2(2). Derrière ce dernier objectif, les syndicats font surtout référence aux travailleurs et travailleuses salarié-e-s. Cependant, une majeure partie des personnes en situation de grande pauvreté sont des travailleurs précaires dans le secteur informel ou sont privées d’emploi. Ainsi ATD Quart Monde plaide pour une vision plus large de la transition juste.

Cette idée était d’autant plus actuelle que la COP se déroulait à Katowice, cœur de l’industrie charbon polonaise. Dans la région, les inquiétudes sont évidemment nombreuses sur ce que la transition écologique implique pour les travailleurs et travailleuses.

Lors de cette COP24, de nombreuses conférences et événements étaient organisés sur le thème de la transition juste. La première question était souvent : une transition juste pour qui ? Émanant des syndicats, le concept a émergé des travailleurs et travailleuses avant d’être repris par d’autres acteurs, notamment les mouvements de femmes. L’occasion pour ATD Quart Monde de rappeler que la transition juste doit embarquer tout le monde, et notamment les plus pauvres.

 

Les droits humains à la trappe

Le Mouvement ATD Quart Monde s’est beaucoup battu et continue le combat pour que les droits humains soient une réalité pour toutes et tous. Nous étions donc inquiets de voir que, dans les dernières heures de la COP, les États ont choisi de ne pas ne faire explicitement référence aux droits humains dans les règles d’application adoptées à Katowice. Comment concevoir que le guide de mise en œuvre de l’Accord de Paris soit ainsi moins ambitieux que cet accord lui-même, qui a inscrit le respect des droits humains dans son préambule. C’est un signal désastreux envoyé aux citoyen-nes de tous les pays et en particulier aux plus pauvres qui sont et seront les premiers impactés par le changement climatique. S’il est urgent d’agir pour l’avenir de notre planète, il est impératif que les mesures prises ne le soient pas au détriment des plus précaires.

 

Des membres du groupe de travail « Droits humains et changement climatique » font une action de sensibilisation pour que les droits humains soient dans le manuel d’application de l’Accord de Paris. ©CIEL

 

En France, ATD Quart Monde a lancé un Réseau Wresinski « Écologie et grande pauvreté » afin de penser l’écologie à partir des plus exclus. Pour plus d’informations, vous pouvez écrire à secretariat.ecologie@atd-quartmonde.org

 

Geoffrey Renimel

 

1 https://www.ipcc.ch/sr15/
2 https://www.ituc-csi.org/just-transition-centre?lang=fr