
Conseils citoyens : « Les associations assument un rôle clé », selon Loïc Blondiaux
Loïc Blondiaux, universitaire spécialisé sur les questions de participation(1), analyse les conditions de réussite des conseils citoyens.
Ces conseils sont-ils une chance ?
Oui. Sans être une panacée, ils constituent l’embryon de ce que pourrait être un vrai dispositif d’association, de consultation de citoyens d’origine populaire à l’élaboration de politiques qui les concernent. Je ne parle pas de co construction. Peu de contraintes pèsent sur les autres acteurs de la politique de la ville si ce n’est que ces conseils doivent être associés. Comme d’habitude, tout repose sur le bon vouloir des organisateurs de la participation.
Le destin de ces conseils dépendra beaucoup des singularités des territoires. Car pour faire participer les plus pauvres, les intermédiaires – travailleurs sociaux, associatifs – assument un rôle clé. Or il y a des territoires avec des intermédiaires en mesure de le faire, d’autres non.
Vous doutez de leur réussite ?
Ce qui m’inquiète, ce sont les structures qui seraient capables de traduire ces conseils dans la réalité, de les promouvoir. Car tout est affaire de rapport de force.
Des citoyens lancés seuls, non coordonnés et pas suffisamment politisés sont très faibles. Ils risquent de faire de la figuration. Beaucoup d’expériences montrent que la présence des habitants ne suffit pas. Il faut que cela s’accompagne d’une dynamique de politisation. Les citoyens peuvent peser dès lors qu’ils s’organisent en collectif, ou qu’ils sont adossés.
Mais ces conseils doivent devenir indépendants ?
On est face à une équation impossible, celle de la participation à la française. Les citoyens attendent toujours beaucoup de l’Etat. De son côté, l’Etat ne supporte pas l’autonomisation de la société civile. C’est vécu d’emblée comme une confrontation. L’idée de partenariat dans la durée n’est pas facilement concevable. L’Etat est toujours prêt à instrumentaliser les associations.
Les plus pauvres vont enfin être entendus ?
C’est le défi. La clé de leur participation réside dans deux facteurs. Le principal est qu’il faut des enjeux forts et des incitations fortes. Compte tenu des coûts spécifiques supérieurs, matériels et symboliques que cela représente pour eux, il faut que ça en vaille vraiment la peine. Or je ne suis pas sûr que la négociation d’un contrat de ville puisse les mobiliser, à moins qu’il s’agisse de questions fondamentales touchant à leur cadre de vie.
Je cite souvent l’une des rares grandes réussites en matière de participation des plus pauvres : le budget participatif de Porto Alegre, au Brésil. Si ça a marché c’est parce que ce qui était en jeu était le tout-à-l’égout et l’éclairage public, des installations fondamentales.
Y aurait-il une recette pour qu’ils participent ?
La deuxième clé, c’est que les gens aient confiance dans le dispositif et dans les organisateurs. Cela demande plus de temps que pour les autres catégories, des procédures de qualité, du soin. Il faut que les gens aient confiance dans le dispositif et dans les organisateurs. Des acteurs comme vous savent le faire. Mais c’est infiniment coûteux, fragile, complexe et ça peut s’effondrer très rapidement. Il suffit d’un incident dans sa vie personnelle ou dans le déroulement de la participation pour que la confiance soit perdue. Je salue l’action d’associations comme la vôtre. Vous démontrez qu’il ne faut jamais désespérer des compétences politiques, sociales des citoyens. Sinon il faudrait désespérer de la démocratie elle-même car il y aurait des gens qui ont un droit à agir, d’autres non.
Recueilli par Véronique Soulé
(1) Le nouvel esprit de la démocratie, Seuil, 2008.