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Roms à Montpellier : «Chacun a droit à une place digne dans la société»

A Montpellier, l’équipe d’ATD Quart Monde s’est trouvée en première ligne après les propos d’un chauffeur réclamant une navette spéciale pour les Roms sous prétexte qu’ils sentiraient mauvais.

«Un bus spécial pour les Roms ? Ce serait de la pure discrimination. Chacun a droit à sa place dans la société, à une place digne» : Marie-Françoise Combaz, responsable de l’équipe régionale d’ATD Quart Monde en Languedoc-Roussillon, a été l’une des toutes premières à réagir dans la presse lorsque l’affaire a éclaté à la mi-avril. Trois membres du mouvement vont régulièrement dans les camps montpelliérains faire de l’accompagnement aux familles, à la scolarisation, à l’insertion… «Qu’il y ait des difficultés, on ne peut pas le nier, poursuit-elle, mais on ferait mieux de construire pour eux des points d’eau et des sanitaires plutôt que de se focaliser sur les conséquences de ce manque d’hygiène».

L’affaire a éclaté suite aux déclarations, le 2 avril dans l’hebdo local La Gazette de Montpellier, d’un chauffeur délégué syndical FO aux Transports de l’agglomération de Montpellier (TAM). Dominique Granier explique que sur la ligne 9 qui dessert les deux camps proches du cimetière de Grammont – le Zenith 1 et le Zenith 2 -, l’odeur est «intenable». Précisant qu’il «n’a rien contre ces gens-là», il ajoute : «les Roms de la ligne 9 constituent un danger sanitaire. C’est une véritable infection». Et il demande la création «d’une navette spécialement pour eux».

Très vite, c’est le tollé. Les autres syndicats de la compagnie – la CGT majoritaire et Sud – s’insurgent. «Luttons contre la pauvreté, pas contre les pauvres», clame la CGT sur sa page Facebook. La direction des TAM assure que si le problème a bien été posé en Comité hygiène, sécurité et conditions de travail (CHSCT), il n’a jamais été question de navette spéciale. Selon FO, elle n’y serait toutefois pas étrangère. Un élu au CHCST, Djamel Boumaaz, membre Front national du Conseil municipal, enfonce le clou : il assure que la direction a bien envisagé de sous-traiter la portion de ligne passant par le quartier Grammont, voire de la fermer.
Au milieu de la confusion, un collectif (1) d’associations, dont ATD Quart Monde, a dénoncé dans un communiqué «le climat de stigmatisation et d’appel à la haine à l’égard des plus pauvres, et singulièrement de la communauté Rom». «Malgré nos demandes répétées, souligne-t-il, les pouvoirs publics ne font toujours pas le nécessaire pour garantir l’accès à l’eau, à des douches, à des sanitaires ou même au ramassage des ordures dans les bidonvilles».
Marie-Paule Cordonnier d’ATD Quart Monde confirme les conditions désastreuses des terrains qu’elle visite, et l’abandon de ces populations dans l’indifférence quasi générale : «Zenith 2, le plus grand des deux camps desservis par la ligne 9, n’a qu’un seul point d’eau pour environ 200 personnes. Comme le ramassage des ordures est très irrégulier, il est devenu un dépotoir avec des rats qui courent. Les problèmes avec les bus ne sont pas nouveaux. Tous les chauffeurs ne se comportent pas comme ça, mais régulièrement certains refusent de s’arrêter le matin lorsqu’ils ne voient que des Roms attendant pour aller en classe. Or le Conseil général leur paie les billets pour le trajet scolaire. Une fois j’ai dû intervenir lourdement : un chauffeur avait refusé de prendre l’argent d’une jeune Rom, en jean et tee-shirt, et l’avait fait descendre du bus. Des contrôleurs étaient présents et ne bougeaient pas. J’ai dû insister pour qu’on la fasse remonter».
Alors que SOS Racisme a porté plainte pour «discrimination raciale», ATD Quart Monde envisage de se tourner vers le Défenseur des droits.

Véronique Soulé

(1) ATD Quart Monde, la Cimade, Eglise protestante unie de Montpellier agglomération, Fondation Abbé Pierre, Ligue des droits de l’homme, Médecins du Monde, MRAP.