
Franck Lecomte : Ce que m’apporte le réseau école du Mouvement ATD Quart-Monde
Bien qu’actuellement enseignant de sciences physiques au collège, c’est en tant que parent que j’ai rejoint le réseau école. En effet, j’avais mis ma vie professionnelle entre parenthèses afin de me consacrer à mes propres enfants, mais également parce qu’il me semblait avoir atteint un seuil, professionnellement parlant, que je n’arrivais pas à franchir. La manière dont se déroulaient mes cours ne me donnait pas satisfaction ; quelque chose devait changer sinon cela signifiait que j’étais au terme de ma vie de d’enseignant.
Les rencontres du réseau école, par leur ouverture à tous : parents, professionnels, acteurs de quartier et autres, sont très riches, elles permettent des échanges profonds, elles ouvrent des perspectives parfois inattendues et sont un lieu de ressourcement. Sans rentrer dans le détail, ces rencontres sont basées sur l’échange, la compréhension profonde de la pensée de chacun dans le but d’améliorer les relations entre les différents acteurs, au sens large, de l’école et d’oeuvrer à la réussite de tous les élèves.
Elles m’ont permis de percevoir l’importance des relations école-famille dans la réussite des enfants à l’école, et aussi tout le travail qui nous attend. Beaucoup aimeraient des changements dans l’école, de la part de l’école, mais il est souvent difficile de trouver ce qu’il faudrait changer. Chacun a sa propre manière de voir, d’appréhender les difficultés. En dialoguant, en échangeant, nous arrivons au sein du Réseau École à établir des ponts, des points d’ancrage qui nous rassemblent et nous lient. Nous recherchons le consensus fort, pas la base minimale, car nous gardons à l’esprit des objectifs ambitieux. Par exemple, l’idée que « travailler à la réussite des enfants les plus exclus permet aux autres de réussir également » est devenu pour moi le principe primordial qui sous-tend mon travail. Je ne prétends pas y arriver, j’en suis au contraire loin. Mais j’essaie de l’avoir en tête en
permanence.
Ma position initiale de parent dans le réseau école m’a conduit à toucher du doigt les difficultés inhérentes au dialogue avec les professionnels. J’étais parent délégué dans l’école de mes enfants et, bien que du même milieu professionnel, j’éprouvais des difficultés à échanger avec les professeurs sur ce que j’apprenais au sein du Réseau.
Ma vision de la place des parents dans l’école, du rôle premier qu’ils ont à jouer dans la réussite de leur enfant a été fortement bousculée. Auparavant, entre autres choses, j’avais conscience que des parents avaient des relations difficiles avec l’école pour diverses raisons, mais j’ignorais, ou plutôt, ne m’apparaissaient pas clairement les effets induits de ces difficultés sur la scolarité des enfants. Par là, la présence de parents militants lors de rencontres du Réseau École joue un rôle important car elle provoque souvent des remises en question de mes propres perceptions, elle me remettent les idées en place en quelque sorte. Dans ce même temps, j’ai pu remettre en cause mes pratiques professionnelles lorsque j’exerçais. Voir que d’autres arrivaient là où j’avais échoué, par des pratiques dont j’avais l’intuition mais sans en avoir la connaissance profonde, m’a redonné confiance et l’envie de reprendre cette vie professionnelle un temps arrêtée. Les différentes notions abordées, telles que la relation avec les parents, le rôle des acteurs de quartier, la coopération, la bienveillance… sont autant de pistes de réflexion lui, il me semble, forment un tout. Quelque soit l’angle d’attaque choisi, on s’aperçoit rapidement que cela nous entraîne vers les autres pistes. Cela peut sembler décourageant au vu de l’ampleur des domaines d’action. J’essaie, pour ma part de les aborder petit à petit. On parle souvent d’enfant-chercheur. Il me plaît de penser être un professeur-chercheur. Cependant la tâche est rude. Mettre en oeuvre de nouvelles pratiques, des pédagogies différentes, se remettre en cause, créer des liens avec les parents, travailler en équipe, tout cela demande beaucoup de temps et ne peut être assumé que par un engagement militant. Cela est stimulant même si je me laisse parfois gagner par le doute car les effets ne se voient sûrement qu’à très long terme. Dans tous les cas, les rencontres du Réseau École offrent ces espaces écessaires à la reconstruction de l’engagement qui peut s’épuiser au contact du quotidien.