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Bruno Tardieu : recevoir la confiance et la redonner

Après huit années comme Délégué national, Bruno Tardieu passe le relais à la nouvelle équipe.

D’où vient l’énergie que vous avez déployée pendant huit ans ?
On ressent une sorte d’honneur du fait que les familles très pauvres font confiance à notre Mouvement et à sa Délégation nationale. Nous héritons de la confiance qu’elles ont accordée à Joseph Wresinski parce qu’il avait la même expérience qu’elles de la misère. Leur confiance et leur courage donnent des ailes et créent de grandes exigences. C’est aussi avec une grande confiance que je passe le relais à la nouvelle équipe.
Comment concevez-vous le rôle de la Délégation nationale ?
Le risque est de devenir des décideurs. Je pense que le rôle de la Délégation nationale est en réalité plus de convaincre et de créer des accords que de décider. Créer un pouvoir d’agir collectif demande à tout le monde de bouger. C’est passionnant du point de vue de notre démocratie et de notre avenir à tous. J’ai été très ému pendant ces huit années de voir certaines personnes arriver à penser ensemble. Bien qu’elles soient en opposition sur des questions fondamentales, elles se retrouvaient autour de la conviction qu’exclure l’autre est contre nature.
La diversité devient alors un atout…
Les membres du Mouvement sont très peu obéissants. Mais s’ils sont convaincus, ils ont une énergie considérable. Certains sont parfois très indignés par une situation et ne comprennent pas que d’autres ne s’indignent de la même façon. Il existe des conflits à ATD Quart Monde comme partout ailleurs. Chez nous, ils sont moins écrasés par une autorité, car il y a beaucoup d’horizontalité. Cela peut être une difficulté. Mais beaucoup de nos membres prennent aussi conscience que les conflits peuvent paralyser notre action et que chacun de nous doit lâcher une partie de son idéologie pour trouver une fraternité qui, disait Geneviève de Gaulle (présidente d’ATD Quart Monde en France entre 1964 et 1998), est le secret des combats. C’est aussi cela qui empêche notre mouvement de devenir justicier.
Il y a un devoir d’unité à ATD Quart Monde ?
Oui. Qui va parfois jusqu’à ne pas faire ce que chacun a envie de faire. En restant dans ce Mouvement, nous acceptons le défi d’une grande diversité politique, philosophique, religieuse, et d’essayer de ne jamais être partisan, excepté du parti des plus exclus. C’est le défi de la fraternité de croire que la misère n’est pas causée par telle ou telle catégorie sociale. À ATD Quart Monde, il y a des représentants de chaque catégorie. Nous travaillons à la critique de certaines idéologies, mais nous ne pouvons pas nous faire des ennemis durables. Nos partenaires apprécient qu’ATD Quart Monde ait un projet clair : la priorité aux plus éloignés de tout pouvoir, et rien d’autre.
JCS

Sur la photo, de gauche à droite : Bert Luyts, Bruno Tardieu, Pierre-Yves Madignier, président d’ATD Quart Monde France, lors de l’assemblée générale du 24 mai 2014 (ph. F. Phliponeau)