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Voulons-nous vraiment l’égalité ?

Voulons-nous vraiment l’égalité ?

Nous sommes majoritairement conscients du problème des inégalités, qui ne font que s'accroître, sans que cela nous conduise à en modifier les causes ou réduire les effets. D'où cette étude de la démocratie telle qu'elle fonctionne aujourd'hui, puis de son histoire depuis les mises en garde de Tocqueville jusqu'aux pouvoirs récents des oligarchies financières mondiales.

« Quel sens donner au fait que nous puissions désirer, quasi unanimement, une société plus juste, moins inégalitaire, et, par ailleurs […] agir collectivement d’une manière qui, de toute évidence, contribue à maintenir, voire creuser d’importantes inégalités ? […]

J’ai voulu explorer cette tension, voir ce qu’elle disait de nous, de la nature de notre désir d’égalité, des obstacles qu’il rencontre, de la société dans laquelle nous vivons et de celle vers laquelle nous tendons. Examinant ses conséquences politiques, je me suis demandé si cette tension n’expliquait pas également ce qui apparaît de plus en plus nettement comme une sorte de démocratisation de nos tentations oligarchiques.

J’espère avoir réussi à montrer, chemin faisant, que le paradoxe qui a déclenché ce travail d’enquête se noue à un niveau qui lui échappe en partie. Il est en prise directe avec notre actuelle condition temporelle ; d’où la tentative exploratoire que j’ai proposée, et qui se définit précisément par le souci d’orienter la réflexion d’abord – en attendant les approfondissements nécessaires – vers une analyse de nos régimes de temporalisation et d’historicité. Comme d’autres secteurs de la philosophie s’en sont depuis fort longtemps avisés, la question du temps est déterminante ; ce pourquoi il faut aussi interpréter la justice sociale à partir du temps et expliquer le temps comme horizon de la question du juste.

Il nous faut comprendre ce qui se joue là, sous l’ombre portée d’une oligarchie menaçante, qui rend si difficiles pour nous la figuration d’un avenir commun, la croyance partagée en notre capacité à répondre collectivement aux attentes qui sont les nôtres. Comment nos démocraties s’arracheront-elles à cette orbite oligarchique ? Quelle part pouvons-nous prendre à cette entreprise aussi nécessaire qu’urgente ? Et que faut-il que nous fassions, concrètement, pour que cela devienne possible ? […]

Face à un système politique et social si mal orienté, changer vraiment est une évidence à laquelle il faut simplement que nous parvenions à croire ensemble. Utopie toute réaliste, on le voit, puisque l’on peut dire désormais, sans trembler, que nous avons plus à y gagner qu’à y perdre. […] »

Extraits de la conclusion de Patrick Savidan

Éditions Albin Michel – 2015 – 350 p.