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Vivants

Vivants

Un album de souvenirs, ceux d’un enfant algérien arrivé en France avec sa mère et ses frères et sœurs pour rejoindre le père venu bien plus tôt pour y travailler. Comme tant d’autres dans les années 60.

Les premiers chapitres décrivent leur  installation  à Nanterre dans une cité de transit  un peu plus confortable que celle où la famille avait été hébergée auparavant.

L’enfant décrit ce qu’il voit,  avec les yeux d’un gamin de 10 ans : les conditions de vie,  la solidarité avec les voisins, les alentours de la Cité qu’il découvre d’autant plus que sa mère fait souvent appel à lui pour faire des achats ou pour l’accompagner.

Il fait des  comparaisons avec  ce qu’il a connu avant en Algérie et note ce qui est différent : les surprises, les incompréhensions. L’auteur décrit  les adultes adaptant leur façon de vivre, prenant ou subissant  ce que la France leur « offre »tout en maintenant les traditions… ce qu’il  résume à plusieurs reprises par l’expression « choc des cultures ».

Chaque anecdote ou sujet fait l’objet d’un chapitre de quelques pages, sans titre. D’autres pages écrites  en italique font remonter des souvenirs de la prime enfance, dans le village natal en Algérie, comme un ancrage qui ne disparaîtra pas.

Au fil des chapitres, l’enfant grandit : les situations qui au début faisaient surgir en lui  un étonnement ou un amusement distancié  provoquent de plus en plus sa colère et un questionnement très mature : « Que va t-il rester d’identité à nos parents si tout ce que nous, leurs enfants,  allons vivre, ne ressemble pas à ce qu’ils ont été, à ce qu’ils sont, et n’a pas été transmis par eux ? ».

Le racisme latent, les  conditions de travail du père resté analphabète (« on m’a déshumanisé mon père »), la figure de la mère, généreuse et solide, prête à profiter des bons côtés de la situation (accès aux soins, machine à laver le linge…), celle de l’institutrice et sa conception de l’intégration toute républicaine… se dévoilent au fil des pages par petites touches. L’écriture est précise, alerte et fluide. Un glossaire permet au lecteur de traduire les mots arabes qu’il n’aurait pas déjà rencontrés.

Ce livre nous permet de comprendre ce qu’un fils de travailleur immigré a pu garder en mémoire de l’histoire vécue avec sa famille dans un pays qui n’était pas le sien et dans une période difficile, lourde de tensions sociales et politiques.

Catherine Cugnet

Editions Hors d’Atteinte – Littératures – 2020 – 230p.

Mehdi Charef est également l’auteur de Rue des Pâqueretteset et La Cité de mon père