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Vers la sobriété heureuse

Vers la sobriété heureuse

Une critique radicale de la modernité et de son avatar, la consommation, de la course à la croissance et de la financiarisation à outrance ! Que peut alors la sobriété pour inverser cette fuite en avant ?

De son enfance dans le sud algérien où la découverte de gisements de houille conduit les habitants à accepter un travail de mineurs, abandonnant leurs activités séculaires, à l’engrenage de la consommation des années d’après guerre, à la désillusion de l’ouvrier spécialisé dans une entreprise parisienne – « nous en bavons mais c’est pour que nos enfants aient une vie meilleure »-, à la déconvenue d’un premier retour à la terre constatant que le monde rural était déjà aliéné par l’obsession productiviste… Voilà, selon l’auteur, la trame de ce qui a constitué les « semences d’une rébellion » qui l’ont conduit à lutter depuis plus de 55 ans contre la modernité, contre la fascination du mythe du progrès, contre la financiarisation de toutes activités.

Pierre Rabhi n’y va pas par quatre chemin pour affirmer que la recherche de la productivité et la logique du profit sont « en train d’affamer les paysans en attendant de les éliminer de la surface de la terre » ; de fait, ce jugement trouve à présent sa confirmation non seulement dans certains pays pauvres du Tiers Monde, mais aussi au vu des grandes difficultés économiques où se trouve une partie du monde paysan aujourd’hui !

L’auteur s’en prend également aux technologies nouvelles dont l’influence est telle qu’elles façonnent le comportement des nouvelles générations : « l’écrit, l’un des moyens séculaires de communication, cède la place à l’écran !», et les abusent en leur faisant « croire que l’accès, partout et à tout moment, à toute information est gage de liberté ! ». Mais la charge la plus élaborée est celle de la modernité dominée par « l’esprit du lucre » : celle-ci « a subordonné le destin collectif, la beauté et la noblesse de la planète Terre dans sa globalité à la vulgarité de la finance ». Ce qu’on appelle l’Économie, celle relative à la production et à la consommation, « consiste en un système qui par son caractère destructeur est précisément la négation de l’économie », celle associée à une gestion raisonnée des dépenses et des besoins.

« La sobriété, une sagesse ancestrale » est le thème du chapitre central de cet essai, où l’auteur explique ce qu’il entend par sobriété. Celle-ci peut contribuer à développer l’équité, alors que surabondance et misère cohabitent. Elle impose « un art de vivre fondé sur l’auto-limitation individuelle et collective » résistant aux mécanismes qui incitent à consommer toujours plus et qui entraînent des populations précédemment pauvres vers la misère ; il devient en effet nécessaire de restaurer « la pauvreté en tant que valeur de bien être », en référence au livre de Rajid Rahnema Quand la misère chasse la pauvreté. P. Rabhi affirme même qu’elle « relève résolument du domaine mystique et spirituel » qui par le dépouillement qu’il induit « devient un espace de liberté », un choix conscient et raisonnable.

Jean-Pierre Touchard

Actes Sud – Babel Essai – 2013 – 170 p.

Cet essai est complété en annexes par le texte de la « Charte internationale pour la terre et l’humanisme » et par une présentation de divers mouvements ou associations proches ou émanant de Pierre Rahbi, tel que « Colibris : une plateforme de rencontre et d’échange ».