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Dans la mer il y a des crocodiles

Dans la mer il y a des crocodiles

Un témoignage incroyable qui se lit d'une traite et qui nous fait comprendre le caractère exceptionnel de ces migrants qui parviennent jusqu'à nous.

L’histoire vraie d’Enaiatollah Akbari

Enaiat, dix ans, est né en Afghanistan, dans une communauté hazara persécutée par les Pachtounes et les talibans. Pour le sauver, sa mère passe la frontière avec lui et l’abandonne au Pakistan, armé de trois recommandations : « trois choses que tu ne dois jamais faire dans la vie. […] La première, c’est prendre de la drogue.[…] La deuxième, c’est utiliser des armes.[…] La troisième, c’est voler. »

Enaiat reste plus d’un an à Quetta vivant de petits boulots et couchant dans la rue, mais il est régulièrement maltraité par les fondamentalistes et par les policiers. Par l’intermédiaire d’un trafiquant d’hommes, il passe en Iran.

Il mettra cinq ans à rejoindre l’Italie, franchissant à pied des sommets enneigés pour rejoindre la Turquie, traversant la mer sur un canot pneumatique pour arriver en Grèce, passant trois jours enfermé dans un cargo pour atteindre Venise. Partout dans son périple il rencontre la violence policière, partout il retrouve un groupe d’enfants, migrants comme lui, avec lesquels il franchit l’étape suivante.

Son chemin croise aussi des êtres humains solidaires qui le remettent d’aplomb pour poursuivre la route, comme cette grand-mère grecque qui lui offre douche, nourriture, vêtements neufs et même le billet pour la suite du voyage.

Parfois le récit est coupé par des questions de Fabio, l’éducateur qu’il a rencontré en Italie :
« Parle-moi un peu de cette dame. Décris-moi sa maison.
– Pourquoi ?
– Comment ça, pourquoi ? Ça m’intéresse. Peut-être que ça intéresse aussi les autres ?
– Oui, mais je te l’ai dit : ce qui m’intéresse moi, c’est ce qui se passe. La dame est importante pour ce qu’elle a fait. Peu importe son nom. Peu importe comment était sa maison. Elle est n’importe qui.
– Dans quel sens n’importe qui ?
– N’importe qui qui se comporte comme ça. »

Finalement, il reste en Italie. « J’ai pensé à ces deux personnes, le garçon de Venise et la dame dans le train pour Turin, qui m’avaient tellement plu que j’avais envie d’habiter dans le même pays qu’eux. Si tous les Italiens sont comme ça, ai-je pensé, je pourrais bien m’arrêter aussi. A vrai dire j’étais fatigué. »

Annick Mellerio

Éditions Liana Levi – 2011 – 176 p.

Compte rendu publié dans la Revue Quart Monde n° 226 : Identités, appartenances et vivre ensemble

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Revue Quart Monde n° 212 : Migrations : un monde qui bouge