Bibliographie
ÉVA / EXTRAIT
Description
“J’attends qu’elle m’invite à entrer”
“Certains jours, Éva me fait comprendre que ce n’est pas le moment d’aller chez elle, son visage reflète l’inquiétude, tout son corps est aux aguets. Alors, j’attends qu’elle m’invite à entrer. Précédée d’Éva, je finis par franchir la porte. Son père est là, assis, accoudé à la table, les yeux rivés sur la télévision. Il ne va pas bien. Très agité, il se lève et dans un flot de paroles me déverse sa souffrance. Souffrance d’avoir été placé tout petit, de ne pas savoir d’où il vient. Il ne veut pas sortir de chez lui :
– Je ne veux pas qu’on me juge, je ne veux pas qu’on me critique !
Je vois qu’il noie son désespoir pour oublier. Plus tard, il me dit son souci pour l’avenir d’Éva et de Karine. Je sais qu’il veut un autre avenir pour elles. Combien de fois, l’ai-je entendu dire :
– Il faut que les enfants aient davantage de bonheur, du travail, qu’ils soient heureux. Il faut qu’Éva réussisse dans la vie, qu’elle se développe davantage, elle est renfermée sur elle-même.
Éva est témoin de tout cela.
Tantôt enfant, tantôt adulte, elle reste inquiète pour ses parents, le quotidien est parfois dur à supporter. Quand la violence est passée, comme une tempête, elle laisse des traces.
Éva m’en parle alors à demi-mot. Elle a compris que je la respecte, que je respecte son père et sa mère ; son profond attachement à ses parents me touche.
Un jour, je la vois faire la vaisselle, passer le balai ; un autre jour, elle met la machine à laver en marche, pend le linge tandis que sa maman vide des volailles dans la grange. C’est sa manière à elle de soutenir les siens, de participer à la vie de sa famille. Tous ces gestes quotidiens, elle les a appris de sa maman. Ensuite, seulement, elle est disponible pour lire et là je pourrais bien rester des heures !
Quelquefois, il y a trop de tension en elle. Il lui est impossible de rester calme, les soucis l’envahissent ; elle chahute et veut tout laisser tomber. Alors nous faisons des jeux ou simplement prenons le temps de rire, de parler de tout et de rien, de l’école, des émissions de télévision, de musique… “
