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De pierre en pierre / COMMENTAIRE
Description
Témoignage d’une “venue au monde”
« Je vivais dans l’exclusion et un jour j’ai compris que la haine me détruisait. Je me suis pardonné de ma misère, j’en témoigne dans mon livre pour que nous vivions dans une société sans frontières. »
Dans son livre ” De pierre en pierre “, Gérard Lecointe raconte au quotidien la misère qu’il a vécue. Le lire est une véritable expérience de la vie et de la pensée.
Gérard Lecointe est un homme paisible. Ou plutôt apaisé. Étonnant, non pour ce tout juste soixantenaire dont la vie est loin d’avoir été un « long fleuve tranquille » comme en témoigne le livre qu’il vient d’écrire et dont il n’est pas peu fier. Cette écriture a été une thérapie : « En 2004, 2005 j’ai été sérieusement malade et j’ai eu envie d’écrire pour me libérer. » Avec l’aide de Claire il a accumulé les souvenirs puis s’est senti des ailes pour y arriver seul, d’autant qu’il a pu se procurer un ordinateur, pour 30 euros. Tapoter sur le clavier, ça lui plaît.
Gérard est plutôt du genre costaud, carré d’épaules, petit bedon sous le T-shirt malgré une santé fragile qui le contraint à être sous oxygène la nuit. Il semble d’une solidité acquise avec moult difficultés.
Ses piliers pour se tenir debout et regarder son interlocuteur droit dans les yeux sont Atd Quart monde où il a acquis des outils « pour se respecter lui-même et se convaincre qu’il est un mec bien », et sa spiritualité. Pas un matin sans qu’il remercie Dieu. Pas un soir sans « que je me pardonne de ma journée, sans que j’en fasse le bilan pour savoir si j’aurais pu faire plus d’efforts. »
Chaque matin il sort « Le matin ça va toujours mieux que l’après-midi ». Il a son endroit préféré au centre de Saint-Ouen l’Aumône, « près des boutiques ». Il s’assied sur un banc et entame la conversation avec ceux qui viennent le rejoindre. Car Gérard est très connu dans ce quartier : « Un quartier cosmopolite avec beaucoup de misères. » Son objectif, surtout vis-à-vis des jeunes, leur faire connaître leurs droits. Il n’aime pas « faire la charité. Bien sûr, quand j’ai assez de sous je leur paie un café, quelquefois un sandwich. Il m’est même arrivé d’amener des gens chez moi pour qu’ils prennent une douche. Mais ce que je veux surtout leur dire , c’est t’es un mec bien et tu ne le sais pas ». Il essaie de procurer à l’un une carte orange, à un autre des bons de repas auprès des organisations caritatives que ce soit le Secours populaire ou le Secours catholique.
C’est avec les “Universités” d’Atd qu’il a compris l’importance de connaître ses droits et surtout de se respecter soi-même : « Si on se respecte soi-même on respecte aussi les autres. »
Gérard fait sa popotte tous les jours. Il aime « les bonnes choses » même s’il ne consomme ni vin ni autre sorte d’alcool. À midi il s’était fait des pâtes au gruyère et une tranche de jambon. Ce soir ce sera une soupe et un yaourt. Sa préférence va au poisson « mais c’est cher et on ne peut pas en manger souvent ». C’est une aide-ménagère qui lui fait ses courses et met de l’ordre dans son petit appartement au 9ème étage. Il a eu bien du mal à l’accepter cette personne.Se faire servir ce n’est pas dans ses habitudes. Il a fallu toute la diplomatie d’une amie proche pour qu’il s’y résigne. C’est lui qui a tendu la perche pour en parler : cette amie, c’est la personne qu’il aime, ça se voit tout de suite dans ses yeux et il en parle d’une voix qui se fait soudain pleine de tendresse. Un séducteur, Gérard ? Eh oui. Il ne manque pas de dire qu’il « aime parler aux jolies femmes ». Comprenne qui voudra. Toujours est-il qu’il est ravi de montrer un appartement bien rangé , mis à part son « petit bordel, sur sa table, comme tout le monde ».
Autre mot qui fait réagir Gérard c’est « solitude ». On pourrait croire qu’elle lui fait peur. Certes , non : « Ca fait du bien, la solitude. Ça me met en valeur. Je ne vois plus les méchancetés autour de moi. Ça m’enrichit. C’est une bénédiction. »
C’est dans ces moments qu’il repense à sa visite au Louvre avec Atd Quart Monde, il y a deux ans. Ses compagnons ont eu du mal à l’arracher à la contemplation de « La Joconde » et « de toutes les autres peintures, j’en aurais bien emporté une ou deux. »
C’est aussi quand il sera seul après la parution de son livre, en avril qu’il pourra refaire un bilan et constater que « ma vie a un sens ».
Gérard, bien dans sa peau, est un homme paisible. Apaisé.
Jacqueline Beaulieu