Entrez votre recherche ci-dessous :

ATD Quart Monde signe une convention de partenariat avec le Cnam et le CNRS

ATD Quart Monde a rendu publique le 5 novembre la signature d’un partenariat avec le Cnam (Conservatoire national des arts et métiers) et le CNRS (Centre national de la recherche scientifique) pour mettre en place un espace collaboratif permanent autour des recherches en croisement des savoirs avec des personnes en situation de pauvreté.

Comment améliorer la recherche et apporter de nouvelles connaissances sur la réalité sociale, pour mieux combattre la pauvreté et l’exclusion ? Face à cette question, ATD Quart Monde a développé un partenariat avec le Cnam et le CNRS pour créer un espace collaboratif autour des recherches en croisement des savoirs avec des personnes en situation de pauvreté. Ce partenariat fait suite au séminaire épistémologique de 2015, dont est issu l’ « Appel au développement de recherches participatives en croisement des savoirs » lancé en juin 2016, et au colloque « Croiser les savoirs avec tou·te·s » au CNRS le 1er mars 2017.

Cet espace collaboratif a notamment pour but de contribuer à la prise en compte des savoirs des personnes en situation de pauvreté. « C’est tout un lien à réinventer, à créer, sur lequel nous pouvons progresser collectivement. C’est un vrai enjeu de recherche », a affirmé Olivier Faron, administrateur général du Cnam. « Nous avons la possibilité d’explorer de nouvelles méthodologies, avec cette volonté d’intégrer dans la recherche les questions posées par les sujets de la recherche eux-mêmes, de co-construire la recherche avec eux. Nous espérons que ce qui va se faire va irriguer très largement la recherche. Cette convention est un tremplin pour l’avenir », a ajouté François-Joseph Ruggiu, directeur de l’Institut des sciences humaines et sociales (INSHS) du CNRS.

Approfondir les questions éthiques

Pour Marion Carrel, membre du comité de pilotage de l’espace collaboratif, maîtresse de conférences à l’Université de Lille et co-directrice du Groupement d’intérêt scientifique (Gis) « Démocratie et Participation », « c’est une aventure collective passionnante et passionnée, qui soulève des enjeux de pouvoirs, de savoirs qui sont peu souvent débattus et qui sont parfois compliqués. L’ambition est de creuser les sillons d’une épistémologie post-pauvreté ». L’espace collaboratif a en effet vocation à approfondir les questions épistémologiques, éthiques et méthodologiques soulevées par les recherches en croisement des savoirs avec des personnes en situation de pauvreté. « La place de chacun est à trouver.  Qui est à l’initiative de la recherche ? Qui l’écrit ? Comment les savoirs des personnes en situation de précarité sont-ils valorisés ? Qu’apporte de plus la recherche en croisement des savoirs par rapport à l’ethnographie ? », telles sont en effet quelques-unes des questions qui se posent.

Il s’agit également de soutenir la production et la diffusion de recherches en croisement des savoirs, car « la science est plus complète quand elle prend en compte les savoirs des personnes en situation de pauvreté », a indiqué Marion Carrel. « C’est grâce à vous, chercheurs, qu’on peut faire comprendre aux politiques et au grand public ce que peuvent apporter les personnes les plus pauvres dans la société, leur intelligence et leur montrer qu’on ne peut pas construire une démocratie si on oublie un certain nombre de personnes. Vous pouvez nous aider à faire passer ce message, à faire comprendre ce qu’est réellement la participation », a souligné la présidente d’ATD Quart Monde, Claire Hédon, qui a notamment rappelé son inquiétude face à la disparition annoncée de l’ONPES (Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale).

Reconnaissance du savoir

La présentation du partenariat a été suivie d’une table-ronde où s’est posée notamment la question de la reconnaissance du savoir des personnes en situation de pauvreté. « C’est bien de mettre les pauvres en situation de citoyenneté cognitive, mais c’est encore mieux de leur donner des professions. Il y a une lutte sociale à mener pour faire reconnaître ce savoir d’expertise dans des professions, pour bousculer le travail social », a ainsi précisé Patrick Bruneteaux, chercheur en sociologie politique au CNRS. Pour Paul Maréchal, délégué national d’ATD Quart Monde, « c’est un vrai défi de passer d’un savoir acquis notamment par le Croisement des savoirs et des pratiques à une formation reconnue par un diplôme et un métier. »Bruno Tardieu, directeur du centre de mémoire et de recherche Joseph Wresinski, a par ailleurs rappelé qu’ATD Quart Monde a mené au cours des années plusieurs projets vers des formations qualifiantes et un nouveau projet est en gestation : OSEE (Osons les Savoirs d’Expérience de l’Exclusion) en partenariat avec les CEMÉA (Centres d’Entraînement aux Méthodes d’Éducation Active) Île-de-France et le Collège Coopératif en Bretagne de l’Université Rennes 2.

« Le croisement des savoirs demande de s’exposer », a ajouté Claude Ferrand, l’un des initiateurs de la démarche à ATD Quart Monde, « chacun apporte son savoir aux autres. D’autres savoirs doivent aussi venir aux personnes en situation de pauvreté. C’est la question de la réciprocité. »

L’espace collaboratif, lieu de rassemblement, d’échange et de recherches, devrait permettre à l’avenir de faire avancer ces questions. Constitué d’un groupe permanent d’une trentaine de personnes, chercheurs, praticiens et personnes en situation de pauvreté, se réunissant deux ou trois fois par an, il doit permettre à l’ensemble des acteurs de partager et faire questionner leurs initiatives et leurs résultats pour faire avancer collectivement l’épistémologie post-pauvreté et donc la lutte contre la pauvreté.

Photo : Signature du partenariat entre ATD Quart Monde, le Cnam et le CNRS le 5 novembre au Cnam, à Paris, avec Claire Hédon, présidente d’ATD Quart Monde, Olivier Faron, administrateur général du Cnam et François-Joseph Ruggiu, directeur de l’Institut des sciences humaines et sociales (INSHS) du CNRS. © Marcel Jaeger