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« Après, je n’étais plus seule » (éditorial du journal Feuille de route, mai 2016)

Mars 2016. Dix ans sont passés. J’ai la chance de revenir au Sénégal. J’y revois quelques personnes connues. Certaines ont la vie difficile. Mame Diarra est de celles-là. A l’époque, nous l’avions rencontrée, restée seule avec ses 3 enfants, lors de la destruction du bidonville où elle vivait. Une Bibliothèque de rue était née peu à peu.

Dix ans après, nous nous retrouvons avec joie. Lors de notre rencontre, elle reste souvent silencieuse, les yeux dans le vague. Elle m’explique : « Je repense à tout ce que nous avons fait ensemble. Tu m’as trouvée à une période où j’ étais dans un grand désespoir. Même si j’étais avec mes enfants dans la baraque, c’est comme si j’étais seule. Tu as commencé à me relier à mes enfants, et après à ma communauté. Je n’étais plus seule. »

Pourtant, qu’avons-nous fait ? Tout simplement venir patiemment chaque semaine avec des livres, s’intéresser à ses enfants, à elle, à sa vie, l’inviter sans relâche à rejoindre les rencontres du Mouvement le 17 de chaque mois, à participer à la réflexion sur la campagne d’enregistrement à la naissance du gouvernement. Pas de grand moyens, mais une présence, une attention.

Alors que je repense à cette rencontre, cela me renvoie à nos actions en France : nos Bibliothèques de rue, nos rencontres familiales, nos Universités Populaires Quart Monde, nos rencontres culturelles… Autant d’actions dans la durée qui favorisent la rencontre, développent les liens, ouvrent les horizons.

A tous ceux qui doutent de l’utilité de ces actions culturelles ou d’une présence dans un quartier, Mame Diarra répond : dix ans après, elle nous dit combien cela a changé sa vie et celle de sa famille même si elle reste difficile. Elle s’engage là où elle est pour qu’une bibliothèque de rue continue.

En ce moment, les uns et les autres commencent à penser à ce qu’ils vont faire cet été ou pour le 17 octobre en marche vers notre campagne 2017, soixantième anniversaire du Mouvement. Des Festivals du Savoir, des séjours de vacances familiales, des partages culturels… Rejoignons ces projets, sûrs qu’ils changent la vie des familles en écho aux paroles de Mame Diarra : « On vit dans la dignité. L’être humain ne doit pas mépriser l’être humain. Il faut garder l’espoir qu’avant de mourir il y ait des choses qui changent. »

Pascal Lallement, membre de la délégation nationale d’ATD Quart Monde