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Appel du collectif « Fraternité Migrants » à Angres (62)

Nous, bénévoles du collectif « Fraternité Migrants »,  vous devons quelques explications à propos du camp d’infortune qui s’est installé du mardi soir au jeudi midi sur la Place de la mairie d’Angres.

Depuis 2 ou 3 ans, des vietnamiens sans-papiers, la plupart très jeunes, étaient venus faire une halte sur un terrain en friche à proximité de l’autoroute afin de passer au plus vite en Angleterre. Au plus fort de l’hiver, ces jeunes vivaient donc dehors, à même le sol, certains sans manteau ni couverture.

Nous, citoyens de votre commune et de quelques communes environnantes, avons alors commencé à nous organiser pour porter secours à ces exilés en détresse, bravant la loi qui nous l’interdit. A tour de rôle, nous y allions en apportant de la nourriture, de l’eau, et autres produits de première nécessité. Notre geste solidaire et fraternel a toujours été rendu au centuple par des sourires, des serrements de mains, et autres marques d’amitié. Notre langage commun était celui du cœur et de la fraternité.

Dans la nuit du 3 au 4 septembre, nos amis ont été attaqués par des individus cagoulés et armés, qui exigeaient de l’argent. Sept de nos amis, frappés avec des marteaux et autres outils contondants, ont dû recevoir des points de suture à la tête, un autre a eu une fracture ouverte de la jambe. Ne parlons pas des contusions en tout genre ni du traumatisme psychologique !
Un malheur n’arrive jamais seul dit-on. C’est ainsi qu’au petit matin du 8 septembre, 82 policiers sont arrivés avec leur fourgonnettes pour embarquer tout le monde, et faire détruire le camp. Tout cela en catimini, sans avoir averti Madame le Maire d’Angres, ni la Police locale, encore moins les bénévoles pourtant connus, qui avaient signalé l’agression.

Les « Forces de l’Ordre » ont essayé de nous faire croire qu’elles intervenaient à cause d’une plainte déposée par le propriétaire de ce terrain. Pourtant, il y a des mois nous avions pris contact avec lui. Il nous avait affirmé qu’il n’avait pas besoin de cette friche inconstructible, et que ses enfants ne s’y intéressaient pas. Ils nous a donc autorisés à continuer à l’occuper, si bien même que nous envisagions de le lui acheter pour le franc symbolique ! Comment expliquer dès lors qu’il ait porté plainte ? Quelles pressions a t-on exercé sur lui pour qu’il change si radicalement en si peu de temps ? Pourquoi n’est-il pas venu nous en parler ? Les occupants de ce terrain n’auraient –ils pas dû être avertis qu’une plainte avait été déposé et qu’ils devaient partir sous peu ? Quant il y a des plaignants, ne doit-il pas y avoir une défense et une présomption d’innocence ? Est-ce que tous les dépôts de plainte sont traités ainsi avec un tel déploiement de policiers (82 !) et un tel gaspillage de nos impôts ?

Que deviendra ce terrain ? Il doit pleurer d’avoir été témoin d’une telle inhumanité ? Va-t-il continuer à être fertile ou sera-t-il maudit à jamais ?

La Police de l’Air et des Frontières n’avait pas assez de Fourgons pour amener tout le monde directement au Centre de Rétention à Coquelles. Qu’à cela ne tienne ! on réquisitionne en dernière minute les commissariats locaux. Ceux-ci appellent les bénévoles 8 heures plus tard pour nous dire de venir récupérer les migrants ! A nous de nous en occuper, de les faire soigner… Avec quel budget d’Etat ? On a même poussé la plaisanterie jusqu’à nous demander ce que nous allions en faire ? quel était notre plan B ? Nous voilà investis d’une mission officielle après avoir été tenus à l’écart des informations, des négociations, et en étant considérés comme délinquants du seul fait de porter assistance à des personnes en situation très précaire. Nouvelle provocation ?
Quoi qu’il en soit nous continuons notre action bénévole et humaniste.
En attendant mieux, et pour nous donner le temps de la réflexion, nous plantons nos tentes sur la Place de la Mairie d’Angres. Premier « Camp Besson ».

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8 septembre 2009 : les migrants installés sur la place d’Angres, après la destruction de leur camp par les forces de l’ordre.

 

Un grand merci à vous les Habitants et passants qui êtes venus vous renseigner et témoigner que les migrants étaient polis, aimables, propres et en aucun cas cause de trouble. Merci de leur avoir apporté à boire, à manger, à se couvrir et de l’argent pour acheter de la nourriture.

Merci aux Communes voisines qui ont contribué à ce que l’insupportable le devienne un peu moins. Avec force applaudissements les Migrants ont dit à Madame le Maire leur reconnaissance pour son aide et la vôtre. Cela compense un peu pour la brutalité des jours précédents.

Quelle leçon de courage et de fraternité ils nous donnent ! Devinant qu’ils devaient partir, (malgré toutes les irrégularités des procédures ! et la manière dont eux-mêmes et les bénévoles ont été tenus à l’écart des informations les concernant) ils ont préparé et servi un dernier repas de riz à partager avec toutes les personnes présentes. Puis avec l’énergie du désespoir et une immense tristesse, ils ont plié, rangé, nettoyé les lieux avant de s’éloigner vers l’inconnu, avec leurs maigres baluchons et leurs blessures, sous l’œil bienveillant de FR3. Souvenez-vous des heures tristes et sombres de notre Histoire ! On s’y serait cru revenu !

Nous sommes heureux que la presse écrite, parlée et télévisée se soit intéressée à cette réalité. Nous croyons que l’histoire n’est pas terminée. Nous restons en alerte s’ils croisent à nouveau notre chemin, ou que ce soit. L’été se termine, les nuits rafraîchissent, ils auront besoin de vêtements chauds et de couvertures. Si vous voulez apporter votre petite part, n’hésitez pas à nous contacter à :
fraternite.migrants@bassinminier62.org

Par ailleurs nous vous invitons à nous rejoindre au Cercle de Silence qui se tiendra le vendredi 25 septembre de 18H à 19H devant la gare SNCF de Lens pour témoigner de notre solidarité fraternelle avec les Migrants sans papiers au Centre de Rétention de Coquelles, de Lesquin et d’ailleurs en France. Nous réclamons par notre démarche silencieuse et non-violente que nous voulons une politique de l’immigration plus humaine. Nous voulons que la France redevienne le Pays des Droits de l’Homme.

En guise de remerciement à toutes celles et tous ceux qui ont déjà et vont à l’avenir venir en aide tant soit peu aux Migrants sans papiers, de passage près de chez nous, voici quelques extraits d’un poème de Jacky Questel.

Il faut de la force pour affirmer son opinion ;
Il faut du courage pour l’assumer jusqu’au bout.

Il faut de la force pour prendre une décision ;
Il faut parfois du courage pour en assumer les conséquences.

Il faut de la force pour avancer ;
Il faut du courage pour accepter de s’être trompé.

Il faut de la force pour dénoncer ;
Il faut du courage pour se taire.

Il faut de la force pour gagner sa vie ;
Il faut du courage pour affronter la misère.

Il faut de la force pour dire non ;
Il faut du courage pour être capable d’affirmer son opinion sans violence.

Il faut de la force pour endurer l’injustice ;
Il faut du courage pour l’arrêter.

Il faut de la force pour vivre ;
Il faut du courage pour survivre.