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Angélique Godivier, lire avec les enfants roms

Elle est bénévole à la bibliothèque de rue d’ATD Quart Monde à Marseille qui suit les Roms de squat en squat, au fil des expulsions.

Ce samedi-là, il a plu toute la journée sur Marseille. Une pluie drue qui détrempe les sols, humidifie l’atmosphère et vous donne envie de rester chez vous. Pourtant, Angélique revient rayonnante de la bibliothèque de rue qui s’est tenue dans un squat traversé de courants d’air.

 » J’ai senti une vraie osmose aujourd’hui, les enfants nous attendaient, ils sont venus tout de suite et tout s’est enchaîné très naturellement « , explique-t-elle lors du debriefing qui suit chaque bibliothèque de rue, dans le local d’ATD Quart Monde.

Natte

Angélique Godivier, 37 ans, est bénévole à la bibliothèque de rue qui suit les Roms dans leur errance à Marseille. Avec Madeleine, Hannah, Danielle, Marie-Hélène et Patricia, elles ont installé une grande natte par terre dans l’entrepôt abandonné où se sont réfugiées des familles roms. A cause de la pluie, elles se sont repliées sur un hall en ciment où sèche du linge. Puis elles ont sorti les livres qu’elles avaient apportés et ont commencé à lire avec les enfants souvent blottis contre elles ou sur les genoux.

Guillemette, Sylvie et Agnès sont, elles, allées dans le squat voisin, un ancien garage au sol jonché de clous et de bris de verre, où les conditions de  » vie  » des Roms sont encore pires que dans l’entrepôt – les murs des  » logements  » sont en carton, il faut aller chercher l’eau plus loin…

Badaboum

 » J’ai découvert les Roms lorsque je suis arrivée à Marseille fin 2009, explique Angélique, j’aime être avec ces enfants. Alors que leur vie est si dure, ils sont tout souriants, toujours contents de ce qu’on leur propose, pas blasés. Ils m’apportent plus que je leur apporte. Chaque fois, je fais un plein d’amour et d’énergie « .

Venant des Alpes de Haute Provence, Angélique est alors recrutée au Badaboum Théâtre, un théâtre pour enfants sur le Vieux port qui propose aussi des activités pédagogiques. Animatrice, elle accompagne une classe d’enfants nouvellement arrivés en France, essentiellement des Roms, de l’école Révolution qui mène un projet avec le Badaboum Théâtre. Elle prépare des spectacles avec eux, anime des ateliers..  » J’adorais ce travail « .

Mais c’est un emploi précaire. Au bout de cinq ans, Angélique doit partir. Elle a enchaîné les contrats aidés, entrecoupés de CDD, gagnant pas plus de 800 euros par mois –  » juste de quoi payer mon logement et ma nourriture « . Le Badaboum Théâtre ne peut plus la renouveler et n’a pas les moyens de l’embaucher.

Magique

Suit une période difficile de recherche d’emploi. A l’origine, Angélique est secrétaire médicale. Après sa formation, elle a un peu travaillé dans ce domaine :  » mais je m’ennuyais à mourir. Je me suis dit alors que métro-boulot-dodo, ce n’étais pas pour moi. Je suis partie faire des travaux saisonniers et me suis formée à l’animation « .

Après la parenthèse  » magique  » du Badaboum, Angélique décide de revenir au secrétariat médical, moins précaire, espère-t-elle. Mais on lui répond que son expérience est trop ancienne. Elle doit faire de l’intérim.

Il lui en faut plus pour la décourager. Dynamique, courageuse et tournée vers les autres, Angélique dit souvent :  » il faut aller de l’avant « . Elle enchaîne les petits boulots jusqu’à ce qu’elle trouve un remplacement de secrétaire dans un CMPP (centre médico psycho pédagogique).

S’ouvre une autre période heureuse.  » Déjà au niveau du recrutement, c’était différent. Tout de suite j’ai eu un super feeling. Puis j’ai découvert ce qu’était une équipe pluridisciplinaire, la psychologie, la psychanalyse … J’ai compris que j’étais faite pour le social.  »

Destin

Quelque jours avant la fin de son contrat fin mai 2017, Sylvie, une alliée d’ATD Quart Monde, arrive au CMPP avec un jeune rom qui doit être suivi. Elle parle à Angélique de la bibliothèque de rue. En juin, celle-ci a intégré l’équipe.

 » J’aime beaucoup les dames qui font la bibliothèque de rue, il y a un esprit de bienveillance, tout le monde est différent et tout le monde s’écoute « . D’habitude, Angélique avoue avoir du mal avec les collectifs :  » à cause des égos. Il y en a toujours qui parlent bien et qui prennent le dessus.  »

Angélique ne compte pas son temps pour le Mouvement. En août dernier, elle a organisé  » une kermesse  » dans un jardin public pour les enfants roms et ceux de ce quartier un peu bobo. Elle animait un atelier maquillage, une association a organisé un grand jeu en bois. Elle rêve d’organiser deux ou trois kermesses par an pour ATD Quart Monde.

Simultanément, elle cherche du travail –  » heureusement j’ai un tempérament « . Elle a postulé dans des mairies pour faire de l’animation périscolaire.  » Si je me trouve dans une impasse, peut-être que je repartirai à la campagne où la vie est moins chère  » – avant Marseille, elle a vécu près de Forcalquier.  » Et puis je crois au destin, si je ne trouve rien ici, c’est que quelque chose d’autre m’attend  » , ajoute-t-elle avec un grand sourire.

Véronique Soulé