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Alain Souchard : contribuer à l’histoire du Quart Monde

Alain Souchard, volontaire permanent à ATD Quart Monde, a senti  » l’urgence d’écrire  » dans ses missions.

«  Lorsque je suis arrivé en mars 1993 sur le campement des familles yénishes de Geispolsheim, dans le Bas-Rhin, cette terre de la boue du malheur, je savais fiévreusement que je ne pourrais garder en moi, sous silence, ni les larmes des parents, ni les cris de joie des enfants. Il ne s’est pas passé une semaine sans que je sente l’urgence vitale d’écrire, de déposer sur le papier ces moments de bibliothèque des champs avec les enfants ou ceux de vie partagée avec ces familles.

Parfois, mon écriture en devenait frénétique tant j’avais à noircir les pages de ce gros cahier aux petits carreaux bleu turquoise. L’urgence d’écrire était trop forte, j’en avais les larmes aux yeux. Je me disais : si tu n’écris pas, qui pourra en témoigner ? Si tu n’écris pas, personne ne te croira, si tu n’écris pas, personne ne croira ces familles qui souffrent sans fin du mépris, de l’exclusion et des humiliations. J’étais convaincu que si je ne déposais pas par l’écriture cette connaissance des familles, je ne pourrais pas durer dans mon engagement avec elles.

Mes incompréhensions maladroites des débuts laissaient place au fur et à mesure à plus de précision. Aux mots s’ajoutaient les images et les dessins. Dans mon équipe, je me sentais en confiance. Avec les Universités populaires Quart Monde, les réunions connaissance en équipe ou lors d’interventions avec les familles aux tribunaux, je n’étais plus cantonné à cette connaissance par communion de mes écrits quotidiens.

Dans ma mission de présence auprès des personnes à la rue sur Paris de 1997 à 2001, l’écriture était au centre. J’ai beaucoup écrit sur leur vie et sur leur mort. J’ai essayé de décoder leurs gestes, leurs mots, toutes leurs expressions. Je me devais d’être présent à leur brouillard, à leur chute, au vide qui se faisait autour d’eux..

Je savais mes écrits quotidiens lus. Les retours et les échanges permirent de démontrer que nombreuses sont les personnes à la rue et des membres de leur famille vivant et souffrant encore de la distorsion du temps et de la toujours vive rupture du lien familial. Leur chemin de libération passait par la sente étroite et fragile de la réconciliation du lien familial.

Mon long séjour en Thaïlande de 2001 à 2012 – j’étais dans l’animation des bibliothèque de rue, l’accès aux droits fondamentaux et le soutien aux projets des familles vivant dans le slum (bidonville) ou à la rue, puis en milieu rural – m’offrit l’opportunité d’approfondir et de redonner toute sa valeur au rapport d’activités.

L’écriture d’articles pour la Revue Quart Monde et pour le blog « Pour un monde riche de tout son monde » me permit de partager cette connaissance. Je crois qu’une de mes plus grandes joies fut l’écriture du mini livre Tapori  » Fon  » avec l’enfant elle-même.

Humblement, dans ma nouvelle mission au « Pôle dialogue action connaissance », je souhaite soutenir les travaux d’écriture et de connaissance des membres du Mouvement en France. Dans ce combat contre l’extrême pauvreté, chacun doit trouver son chemin vers l’écriture, dans cette contribution unique à l’écriture de l’histoire du peuple du Quart Monde. »