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Affluence à l’Assemblée nationale pour le projet « Territoires zéro chômeur de longue durée »

Le colloque du 15 septembre 2015 sur le projet initié par ATD Quart Monde a été un succès. Preuve que l’expérimentation pour lutter contre le chômage de longue durée intéresse et suscite de nombreuses attentes.

Le but de la journée était simple : mieux faire connaître le dispositif « Territoires zéro chômeur de longue durée » qu’ATD Quart Monde voudrait mettre en place dans 5 territoires ruraux (1) mais qui reste encore mal connu.
A l’approche du vote, probablement fin novembre, de la loi permettant cette expérimentation, il s’agissait aussi d’informer et de sensibiliser des députés de tous bords pour qu’ils se prononcent en faveur du texte. Sans cette loi, l’expérimentation ne pourra pas se mettre en place sur le terrain.

Retrouvez ici les actes du colloque à l’Assemblée Nationale

Une salle comble

L’objectif a été atteint. La salle Colbert, qui peut accueillir au moins deux cents personnes, n’a pas désempli de la journée. Les personnes engagées dans le projet – demandeurs d’emploi, chefs d’entreprise, élus locaux… – étaient venues nombreuses des quatre coins de la France.
Des acteurs locaux dans le domaine de l’emploi, intéressés par le projet, avaient aussi fait le déplacement.
Une vingtaine de députés de différentes sensibilités sont également passés salle Colbert – or ce jour-là, on débattait dans l’hémicycle des bombardements aériens français sur la Syrie.
Auteur de la proposition de loi d’expérimentation, le député de Côte d’Or Laurent Grandguillaume a siégé à la tribune, au côté de Dominique Potier, élu de Meurthe-et-Moselle, chaud partisan lui aussi du dispositif.

« On a tous quelque chose à donner ! »

L’après-midi a été consacré à des témoignages issus des 5 territoires. Les demandeurs d’emploi – des jeunes trop jeunes pour être recrutés, des seniors trop vieux pour retrouver du travail, des accidentés de la vie… – ont confié tous les espoirs qu’ils mettaient dans le projet, certains avec une émotion qui a gagné la salle.
Charlotte, « presque 22 ans », cherche « du taf depuis 3 ans », son premier emploi. « J’ai fait une formation dans le cheval, explique-t-elle au micro, je sais que c’est bouché. Alors je cherche partout. Mais on demande de l’expérience et on ne me laisse pas en avoir. Pourtant, on a tous quelque chose à donner ! »

«Entre chômeurs, on se donne la main »

Pierric est demandeur d’emploi depuis plus de deux ans. Il a deux cordes à son arc : conducteur routier et magasinier cariste. « Logiquement je devrais trouver du travail, souligne-t-il, tout ce que vous avez dans votre frigo, tout a été transporté. »
Mais le 31 août 2011, Pierric a perdu sa femme dans un accident et s’est retrouvé seul avec deux petites filles. Depuis, pour lui, « la vie n’a plus le même sens ». Et comment travailler autant lorsqu’il faut s’occuper des enfants ? « Le chômage, on ne choisit pas, ça vous tombe dessus, dit-il. Ce projet, c’est vraiment une chance, des personnes s’occupent de nous et avec les autres chômeurs, on se donne la main. »

A chacun sa façon de faire

Les acteurs locaux ont rapporté leurs démarches dans le cadre du dispositif. Et l’on a vu que les territoires avaient chacun leur façon de faire, pour contacter les chômeurs et les entrepreneurs, pour identifier les emplois à créer, etc.
Sylvianne Rouffiac, directrice de la mission locale de la Bourgogne nivernaise, a évoqué l’enthousiasme avec lequel la Communauté de communes Entre Nièvres et Forêts était mobilisée pour le projet. Le petit territoire rural abrite 4 900 habitants dont 300 demandeurs d’emploi – 169 étant des chômeurs de longue durée.

« Un projet de territoire »

« Pour nous, ce n’est pas un projet pour les chômeurs mais un projet de territoire, a souligné la responsable de la mission locale. Au vue des activités que nous avons déjà repérées, il est possible que l’on se retrouvera avec plus de travail que de chômeurs.»
Un représentant de la Maison de l’emploi de la Bressuirais, sur le territoire de Grand Mauléon (les Deux-Sèvres) a détaillé les emplois qui pourraient être créés. « Dans le domaine des services à la personne, lire pour les personnes âgées, leur apprendre à se servir d’un téléphone portable et d’un ordinateur, a-t-il énuméré, il y a aussi tous les grands jardins dont plus personne ne s’occupe, les espaces verts que la commune n’arrive plus à entretenir et tout son patrimoine… »

« Ne nous laissez pas au milieu du gué »

Philippe Parmentier préside la Communauté de communes du pays de Colombey et du Sud Toulois (Meurthe-et-Moselle). Les chômeurs de longue durée ont franchi la barre des 500, alors qu’ils n’étaient encore « que » 130 en 2007.
« On est engagé fond dans le projet, mais il ne faut pas nous laisser au milieu du gué, a-t-il averti à l’adresse des députés qui vont se prononcer sur la loi d’expérimentation. Si cette loi n’est pas votée, cela créera du désespoir ! »

Du MEDEF à la CGT

Le matin avait été consacré à l’exposé du dispositif et à des questionnements. Les trois associations qui portent désormais le projet au côté d’ATD Quart Monde – Emmaüs, le Secours catholique et le Pacte civique – ont pris la parole.
Des représentants du MEDEF, de la CGT, de Pôle emploi, de la Cour des comptes ainsi que du Mouvement national des chômeurs et des précaires sont également intervenus. Un spectre très large qui montre combien le projet arrive à rassembler au-delà des clivages traditionnels.

« Partir pour les Indes et découvrir l’Amérique »

La journée s’est achevée dans un bel optimisme, même si chacun a mis en garde contre un triomphalisme prématuré.
«Je ne me souviens pas avoir entendu parler toute une journée de chômage de longue durée et en ressortir en me disant : « bon sang, on va peut-être y arriver ! », a lancé Alexandre Bonjour, le délégué général d’Emmaüs France. On a tout pour déprimer et il y a des jours comme ça, avec de nouveaux modèles qui nous inspirent. »
Le député Dominique Potier a évoqué « la fierté » qui l’avait frappé durant toute cette journée. Puis il a eu cette jolie formule pour illustrer la voie inconnue qui s’ouvre : « On embarque pour les Indes et on risque de découvrir l’Amérique.»
En conclusion, Laurent Grandguillaume, auteur du projet de loi d’expérimentation, a appelé tout le monde à revenir sur terre. Et à se mettre au boulot pour mobiliser les députés : «Allons convaincre, c’est comme cela qu’on réussira face aux nombreux conservatismes. »

Véronique Soulé

(1) les communes de Pipriac et de Saint-Ganton (Ile-et-Vilaine) ; le Grand Mauleon (les Deux-Sèvres) ; la Communauté de communes du pays de Colombey et du Sud Toulois (Meurthe-et-Moselle); la Communauté de communes Entre Nièvres et Forêts (Nièvre); la commune de Jouques (Bouches-du-Rhône)