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Affaire KÜTZNER contre ALLEMAGNE

Arrêt de la cour Européenne des Droits de l’Homme du 10 juillet 2002

La Cour rappelle que le fait qu’un enfant puisse être accueilli dans un cadre plus propice à son éducation ne saurait en soi justifier qu’on le soustraie de force aux soins de ses parents biologiques.

Faits et procédure en Allemagne

M. et Mme KÜTZNER vivent avec leurs deux filles, les parents de Monsieur et le frère de Monsieur dans une ferme. Mme KÜTZNER a travaillé dans une usine et depuis qu’elle est au chômage s’occupe de ses enfants à la maison. M. et Mme KÜTZNER ont été dans une école spécialisé pour personnes ayant des difficultés à apprendre.

Les deux filles présentent un retard dans leur développement physique et surtout intellectuel.
Sur le conseil de leur médecin, les parents demandent de l’aide : une mesure d’assistance éducative et de soutien pédagogique pour les enfants est mis en place.
Les enfants sont pris en charge à la journée dans un jardin d’enfant et une assistante sociale vient chez eux, selon l’assistante sociale dix heurespar semaine, selon les parents trois heures par semaine.
Les relations entre le couple et l’assistante sociale sont très conflictuelles ce qui d’après le couple conduit à un rapport très négatif de l’assistante sociale sur eux. Le rapport fait part des déficiences intellectuelles des parents, des rapports conflictuels au sein de la famille et de leur mépris à l’égard de l’assistante sociale.

Un premier tribunal va ordonner une expertise psychologique à la suite de laquelle il va décider du placement des deux enfants. Les deux enfants vont être orientés d’abord en foyer puis au bout de six mois dans deux familles d’accueils différentes au motif que « les parents n’ont pas les capacités intellectuelles pour élever les enfants et la sensibilité nécessaire pour répondre à leurs besoins. Que d’autre part les enfants souffrent d’un tel retard que seul un placement peut les aider, les autre mesures étant suffisantes » Ces décisions sont prises en dépit de plusieurs lettres de médecins connaissant la famille, qui se prononcent pour le retour des enfants dans leur famille.
Un deuxième tribunal va désigner un autre expert psychologique et va aussi rejeter la demande de la famille d’un retour des enfants auprès d’eux.
Un troisième et un quatrième tribunal vont faire de même en dépit d’expertises psychologiques réalisées à la demande de la famille et qui conclut à l’aptitude des parents d’élever leurs enfants.

Les parents n’ont pas vu leurs filles les six premiers mois du placement puis ont eu droit à une visite d’une heure par mois en présence des travailleurs sociaux.

Ils se sont également battus en justice pour avoir le droit de voir davantage leurs enfants. Ils ont demandé la désignation d’un autre service car ce dernier faisait obstacle aux relations avec leurs enfants. Toutes leurs demandes ont été rejetées.
Ils ont saisi la Cour Européenne des Droits de l’Homme sur le fondement de l’a. 8 de la convention européenne des droits de l’homme, le Droit au respect de la Vie Familiale.


Décision de la Cour européenne des droits de l’homme

La Cour rappelle que le fait qu’un enfant puisse être accueilli dans un cadre plus propice à son éducation ne saurait en soi justifier qu’on le soustraie de force aux soins de ses parents biologiques.

La Cour reconnaît qu’en l’espèce les autorités ont pu légitimement avoir des craintes quant aux retards de développement constatés chez les enfants mais elle estime que la mesure de placement en tant que telle et surtout l’exécution de celle ci n’ont pas été adéquates.

Les enfants ont bénéficié dès leur plus jeune âge de mesures de soutien pédagogiques.

On ne peut écarter les deux expertises préconisant le retour des enfants chez eux au motif que les auteurs se sont exprimés à titre privé.
A aucun moment, il n’a été allégué que les enfants avaient été victimes d’un manque de soins ou de mauvais traitements de la part des requérants.
Dès lors même si les mesures de soutien pédagogique prises au départ se sont révélées insuffisantes, les autorités auraient pu envisager d’autres mesures de soutien au lieu de celle la plus radicale de séparation des enfants de leurs parents.

La Cour a condamné toutes les mesures limitant les rencontres entre les parents et leurs enfants.
La Cour a conclut que si les raisons invoquées par les autorités étaient pertinentes elles n’étaient pas suffisantes pour justifier cette grave ingérence dans la vie familiale des requérants. Il y a eu violation de l’a. 8 de la Convention et l’Allemagne a été condamnée.