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SUD OUEST – Adieu Jean-Luc !

Samedi 3 septembre, coup de fil d’une militante, Rosette, pour m’annoncer la mort de Jean-Luc, militant albigeois du Comité ATD Quart-Monde de Toulouse. Cette nouvelle me bouleverse…et pourtant ne me surprend pas : voilà des mois que nous essayons de joindre Jean-Luc par téléphone, que nous lui faisons parvenir des petits mots sans réaction de sa part…
Des membres du Comité ATD Quart-Monde de Toulouse ont souhaité se souvenir de Jean-Luc…
« Jean-Luc a été un militant attachant et inoubliable. » Sylvie
« Lors des rencontres du dimanche, Jean-Luc ne disait rien et il fallait  le questionner spécifiquement pour qu’il parle. Il avait été plus loquace lors de la préparation de l’Université Populaire Quart-Monde sur la culture en présence de  son ami Brice. Il avait expliqué qu’ils se retrouvaient chez Jean-Luc  (je crois) pour écouter de la musique (notamment du jazz). L’évocation de ces moments heureux avait fait rire les deux amis. Cette complicité m’avait beaucoup touché.» Yves
« Jean-Luc, notre groupe ATD de Toulouse a refait connaissance avec toi fin 2013. Il y a fort longtemps tu avais été en relation avec ATD Toulouse. Un jour, Jacques, mon mari et secrétaire bénévole m’informe qu’un monsieur (« Il a une voix bizarre », me dit-il) veut me rendre des livres qu’il a emprunté à notre groupe. Après plusieurs essais infructueux, je t’ai, Jean-Luc, au téléphone. Tu me dis que tu as des livres à rendre à ATD Toulouse et que tu veux en acheter d’autres que tu souhaites garder. J’apprends que tu habites Albi et que tu vas prendre le train pour nous rendre ces livres. Nous fixons un rendez-vous à la gare Matabiau. Je t’ai tout de suite reconnu au milieu des quelques personnes qui débarquaient du train, car tu incarnais ceux que Joseph Wrésinski appelait son peuple. Comme nous avions peu de temps avant que tu ne reprennes un train pour rentrer à Albi, je t’ai invité à consommer un chocolat chaud et j’ai commencé à faire ta connaissance. Tu m’as exprimé ton attachement à ATD Quart-Monde, tu m’as alors dit que tu avais fais un testament pour que tous tes biens reviennent au Mouvement. Vraisemblablement, tes biens devaient être fort modestes. Cette parole m’a profondément touchée. Tu m’as rendu les livres pour lesquels tu avais fait le déplacement. Bien des personnes ne se seraient guère préoccupées de restituer ces « biens » prêtés ! J’étais fort perplexe de te dire combien tu nous devais pour les deux livres que tu souhaitais garder, mais je voulais respecter ton désir « d’acheter ces deux livres ».
J’ai été heureuse que tu acceptes ma proposition de participer à une université populaire quart-monde. Ainsi as-tu préparé celle de juin 2014 sur les discriminations.
Puis, pendant un an, nous ne t’avons pas revu. Après cette longue absence tu m’as dit que tu avais eu « une leucémie » qui t’avait beaucoup fatigué.
Pour te joindre, je t’écrivais des petits mots auxquels tu répondais toujours brièvement d’une écriture éclatée à l’image de ce qu’avait été ta vie: des dizaines d’années dans la rue, puis compagnon d’Emmaüs jusqu’au jour où tu avais rencontré ta compagne qui était morte, quelques années avant notre rencontre. Tu m’avais exprimé combien cette disparition avait été dure pour toi : « j’ai fait une dépression ». Ces confidences avaient beaucoup de prix surtout venant de toi qui étais un taiseux, mais quand tu prenais la parole chacun de tes mots sonnait juste.
Je t’ai hébergé plusieurs fois à la maison pour t’épargner la fatigue d’un retour tardif après une réunion : tu venais sans le moindre bagage, tu étais toujours réveillé quand mon mari et moi nous nous levions et tu nous attendais sur le canapé de notre séjour… nous prenions alors ensemble le petit déjeuner. Je crois que tu étais heureux de partager ce moment avec nous.
La dernière fois que tu es venu à la maison, tu étais avec Brice, un camarade que tu avais invité d’abord au 17 octobre 2015 puis à l’université populaire sur la culture qui se déroulait à Toulouse, en décembre 2015. Brice était tout aussi marqué que toi par une existence difficile (quand je vous transportais, à l’arrêt, ma voiture tremblait au rythme de la maladie de parkinson qui vous fragilisait). Ce soir là, nous accueillions également Elise, la petite fille d’amis. Je n’avais pas imaginé combien la jeunesse et la gaité d’Elise te faisaient du bien : tu es resté longtemps planté au milieu de ma cuisine à boire les propos d’Elise qui était ravie d’avoir un auditeur si attentif !
Au cours de cette université populaire sur la culture, tu as accepté de dire à tous un poème de ta composition.
Ton souvenir nous aidera à être davantage attentifs à la voix des plus pauvres. »
Marie-Claire