
À voir et à lire en novembre 2017
A voir
La chronique de Bella Lehmann-Berdugo
Prendre le large. Gaël Morel. France. 2017. Fiction. 1H43.
Edith, 45 ans, est ouvrière dans une usine textile délocalisée au Maroc. Plutôt que le chômage, elle choisit le reclassement là-bas contre l’avis des syndicalistes, de la DRH et de son fils avec qui les liens se sont défaits. Elle se confronte à une autre culture (port du voile, condition féminine…) et à des conditions de travail différentes (vétusté des matériels, bas salaires…). D’abord vue comme « l’étrangère », elle finit par trouver sa place. Mais elle sera victime des injustices et absurdités du système local.
Le réalisme des scènes, l’interprétation sensible et juste des personnages, nous plongent dans un monde bien loin de la fiction. L’auteur, issu du milieu ouvrier, s’est inspiré de faits réels, a tourné dans des lieux familiers. Il a voulu rendre hommage au courage de « vraies » personnes, travailleurs/ses en Europe.
Les grands esprits. Olivier Ayache-Vidal. France. 2017. Fiction. 1H46.
François Foucault, professeur de littérature dans un prestigieux lycée parisien et bardé de convictions, est parachuté au collège Barbara de Stains (Seine-Saint-Denis). Encouragé par certains enseignants désabusés, il tente de « mâter » ses élèves indociles. Petit à petit, son esprit curieux va rencontrer celui des jeunes. Le professeur finit par croire en leurs capacités. La complicité avec Seydou donne lieu à de jolies scènes, notamment lorsque l’adolescent choisit de réintégrer l’école. Une incitation à rester optimiste.
Sans adieu. Christophe Agou. France. 2017. Documentaire.1H39.
L’auteur, originaire du Forez, donne la parole à des paysans qu’il connaît. Ils survivent au quotidien avec dignité dans une société qui les oublie. Leurs batailles semblent perdues d’avance car elles restent individuelles.
Le maître est l’enfant. Documentaire. Alexandre Mourot. France. 2017. 1H40.
Dans la plus ancienne école Montessori de France, le réalisateur s’est fondu dans la vie de la classe, qu’il décrit comme un laboratoire où vingt-huit enfants de trois à six ans partent à la conquête de leur autonomie. Dans » la maison des enfants » l’action et les objets sont primordiaux, la façon de faire et de refaire à l’infini. Les petits vaquent aux occupations qu’ils ont eux-mêmes choisies. Le spectateur est invité à les observer, dans la lenteur et la précision, avec la même curiosité insatiable que celle du petit enfant affamé de comprendre. En voix off, Maria Montessori nous parle d’une société pacifique fondée sur l’écoute et l’entraide et de sa méthode qui consiste à surfer sur les périodes « sensibles » du développement de l’enfant, ce que fait l’instituteur très attentif à chaque cas individuel. Un petit bémol, cette classe semble idéale, étrangement calme et ordonnée ; on n’y voit jamais aucun problème (sauf quelques pleurs de petits nouveaux). Un film pour tous ceux qui s’intéressent à l’éducation sans violence.
Pour connaître les salles ou organiser une projection-débat : www.montessori-lefilm.org
La mélodie. Fiction. Rachid Hami. France. 2017. 1H 42
Simon est un violoniste désabusé, sa carrière patine. Le voilà dans un collège parisien vétuste d’un quartier populaire pour enseigner le violon à des élèves de 6ème. Ils font partie d’un programme d’éducation musicale développé par la Philarmonie de Paris et doivent donner un concert en fin d’année. Bien que volontaires pour ce projet, les jeunes très turbulents rendent les débuts difficiles. L’arrivée d’Arnold, timide et moqué des autres mais fasciné par l’instrument donne une nouvelle dynamique. Farid, professeur principal, chargé de la discipline se révèle un personnage clé : il se fait l’avocat des jeunes quand Simon voudrait renoncer ou éliminer les plus rebelles : « on en lâche aucun ! ». La rencontre de Simon avec des parents (d’abord incrédules puis motivés), personnages secondaires mais également déterminants : ils deviennent le chaînon vers la réussite du projet. Malgré un rythme un peu laborieux, un jeu parfois maladroit de la part de non professionnels, l’intérêt du film réside dans des scènes clés avec des adultes qui veulent se battre aux côtés d’enfants « à qui on n’a jamais fait aucun compliment » , vite catalogués irrécupérables. En changeant de regard et de méthode (« Jouez la note en pensant à la tempête, au vent, au bateau qui craque»), Simon renoue avec sa propre joie et l’énergie vitale des adolescents, capables de révéler le meilleur en eux. Et ça fait du bien.
Le Brio. Fiction. Yvan Attal. France. 2017. 1H35 Notre coup de cœur !
Neïla, originaire de Créteil rêve de devenir avocate. A l’Université d’Assas elle se confronte dès le début aux provocations de son professeur de droit Pierre Mazard, connu pour ses « dérapages ». Pour se racheter, il accepte de préparer la jeune fille à un prestigieux concours d’éloquence. Petit à petit l’un et l’autre apprennent à dépasser leurs préjugés. Le film excelle par ses dialogues brillants autant entre le duo Camelia Jordana- Daniel Auteuil que dans les scènes avec les amis de Neïla, rôles secondaires très percutants. Une belle énergie positive à goûter sans modération.
A lire
ATD Quart Monde. Unis contre la misère. 60 ans de combat en photos
Erik Orsenna, 2017, Éd. de la Martinière, 192 p., 20 €
Dès la création d’ATD Quart Monde, son fondateur Joseph Wresinski invite les volontaires à écrire sur la vie des familles du camp de Noisy-le-Grand. Plus tard, aux Francs-Moisins, à La Campa, à Créteil, à Stains, il insiste pour que les difficultés et les espoirs soient notés, captés, enregistrés.
En 1968, le père Joseph demande de « prendre régulièrement des photos d’enfants et d’adultes ». Il sollicite aussi des professionnels – dont Mira Marik, Luc Prisset et Jacques-Henri Lartigue – pour réaliser des reportages sur des lieux de pauvreté.
En 1981, il souligne « l’importance de décoder les photos que le Mouvement, à grand-peine et parfois à grand frais, essaie d’accumuler pour bâtir son histoire photographique. » La photothèque d’ATD Quart Monde compte quatre millions de clichés.
François Phliponeau, volontaire photographe à ATD Quart Monde
Revue Quart Monde n°243
Les mots
Éd. Quart Monde
Porter l’étiquette « pauvre », « délinquant », « cas soc’ », vous marque à vie. Le vocable « familles Quart Monde » est souvent utilisé dans un sens très péjoratif. Pourtant, dans une conversation en vérité, les mots échangés peuvent conduire à un retournement des regards, à une libération mutuelle. « Pour s’en sortir, il faut déjà pouvoir sortir les mots… » Un dossier éloquent.