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À Reims, un débat sur les migrants, entre peurs et solidarité

Les participants à l’Université populaire Quart Monde de Reims ont parlé sans tabou des craintes de voir oubliés les plus pauvres. Et proposé d’inviter des migrants à la prochaine réunion.

Une cinquantaine de personnes ont pris place dans la grande salle de l’école qui accueille l’Université populaire Quart Monde de Reims consacrée, ce 31 janvier, à la question des migrants. Il y a là les groupes de La Verrerie, Reims Sud et du Temps des cerises, du nom de quartiers rémois, le groupe des étudiants en travail social, celui des alliés de Reims et de Troyes, le groupe des Tisseurs de connaissances et celui des Jamais seul, du nom d’associations…

A 20 heures, Florence Lambert, qui co anime la réunion, donne le coup d’envoi. Elle présente l’invité : Yves Juigner, un conducteur de travaux à la retraite, actif au sein du Réseau éducation sans frontières (RESF) qui accompagne des familles migrantes ayant des enfants scolarisés et des mineurs arrivés seuls.

On échange d’abord des nouvelles. Danielle annonce fièrement qu’elle est grand-mère pour la huitième fois – un petit garçon. Serge remercie pour les marques d’attention reçues durant ses quatre mois d’hospitalisation :  » ça m’a bien aidé. »

Se rejoindre

« Nous allons parler d’un sujet qui n’est pas facile, commence Florence Lambert, vos préparations ont été riches, vous avez été sincères, exprimé vos peurs, votre solidarité aussi.  »

Mais, poursuit-elle, » on peut facilement tomber dans les préjugés « . Aussi cadre-t-elle bien le débat. Qui sont les migrants ?  » Ils ont fui la guerre, la pauvreté et les répressions, rappelle-t-elle en reprenant les travaux de préparation des groupes. Beaucoup ont risqué leur vie pour venir et certains ont dû payer des fortunes.  »

On passe à la question centrale.  » Nous allons chercher ensemble comment on peut se rejoindre « , résume Florence.

Les groupes défilent au tableau, face aux participants, pour exposer leur réponse. Entre les étudiants en travail social qui brandissent une feuille avec écrit dessus  » Intégration  » et le groupe de La Verrerie qui présente une feuille vierge, expliquant  » ne pas voir de combat commun avec les migrants « , toutes les opinions s’expriment : une solidarité revendiquée, une exaspération à la limite du rejet, une empathie mêlée de crainte d’être encore laissés pour compte…

Concurrence

Le sentiment d’une rivalité affleure, une mise en concurrence entre deux pauvretés, celle des migrants et celle des personnes natives qui seraient perdantes. On cite des exemples de logements ou d’emplois attribués en priorité à des migrants.

 » Ils ont peut-être pas plus de droits mais ils sont un peu plus prioritaires que nous pour le logement « , déplore Jacqueline. Puis s’exprimant au nom du groupe de La Verrerie, elle nuance :  » Bien sûr, on n’accepte pas que leurs enfants soient dans la misère. Certains migrants se battent comme nous. Pourtant on ne peut pas dire qu’on se bat ensemble, il y a toujours un hic.  »

Gaelle, de Jamais seul, lève la main :  » Dire que les migrants sont une priorité, ce n’est pas ce que je vois.  » Le groupe des alliés prend du recul.  » Le fait d’opposer tout le monde, ce sont des choix politiques « , affirme Isabelle.  » Les préjugés viennent de la méconnaissance les uns des autres », ajoute Pascale.

Combat commun

Pour éclairer le débat, Florence rappelle la loi :  » pour avoir un logement, il faut des papiers. Sinon, c’est l’hébergement, l’hôtel.  » Puis elle lance une série de questions où chacun répond oui ou non avec des papiers de couleurs :  » Les migrants ont-ils droit aux allocations familiales ?  » Les avis sont partagés…  » Non, car les enfants ne sont pas nés en France. »

Yves Juigner déplore aussi  » la mauvaise information  » :  » dans les années 60-70, on faisait venir des Algériens pour construire des logements. En fait l’immigration rapporte plus qu’elle coûte.  »

Au tour du Temps des cerises d’aller au tableau. Colette évoque  » un combat commun de refus de la misère  » :  » Il faut faire venir les migrants à ATD. Ensuite quand ils rentreront dans leur pays, ils poursuivront le combat d’ATD « . L’idée est retenue d’en inviter la prochaine fois pour mieux se connaître.

Véronique Soulé

A lire
L’ouvrage  » En finir avec les idées fausses sur les pauvres et la pauvreté  » démonte toute une série de préjugés sur les migrants et sur les étrangers.

Le saviez-vous ?
Le fondateur d’ATD Quart Monde Joseph Wresinski avait lui-même un père polonais et une mère espagnole. Il est né en 1917 à Angers dans un camp où l’on internait les personnes suspectes de proximité avec l’ennemi durant la guerre car son père avait un passeport allemand.

Le chiffre
26 351 personnes ont obtenu l’asile en France en 2016 – Syriens, Soudanais, Afghans, Irakien, Erythréens… Une hausse de 6,5% par rapport à 2015.