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A Montreuil, une bibliothèque de rue au pied des tours de la cité

Voici le quatrième article de la série que nous proposons à l’approche du « Village des initiatives pour une société autrement », les 14 et 15 octobre place de la République à Paris, et de la Journée mondiale de refus de la misère le 17 octobre, qui fête ses trente ans. Reportage à Montreuil sur une action emblématique d’ATD Quart Monde : la bibliothèque de rue.

 

Il est 15 heures. Raphaël, volontaire permanent du Mouvement, Camille et Pauline, bénévoles, se tiennent devant les grilles de la Cité Jean Moulin. Ils sont déjà entourés de trois enfants. Zoulika, Hawa et Issatou guettaient leur arrivée sous le doux soleil de ce début d’automne.

Le petit groupe se dirige vers le local associatif où sont stockés les livres, rangés dans deux grandes caisses : l’une destinée aux tout-petits, l’autre aux plus grands.

Aidés par les enfants, les bénévoles chargent les caisses sur un diable et se dirigent vers la pelouse où ils étalent de grandes nattes. Ils sont rejoints par deux autres bénévoles, Claire et Françoise. Puis arrivent Fares, 3 ans, Mohammed, 8 ans, et Ramatulaï, 11 ans, qui s’installent sur la natte.

Écoute

Depuis septembre 2016, chaque mercredi de 15 heures à 17 heures, la petite équipe prend place au bas des tours de la Cité. Des ateliers d’activités manuelles sont organisés un mercredi par mois dans la maison de quartier afin de regrouper tout le monde et de créer des liens entre les enfants.

Maël, Lalia, Yacine et Yasmina viennent étoffer le groupe. Les enfants vont et viennent comme ils veulent mais ne doivent pas troubler la paix qui règne sur la natte. C’est l’une des règles de la bibliothèque de rue : respecter l’écoute de ses camarades.

Échanger

Plusieurs livres ont beaucoup de succès comme « Où est Charlie ? » qui permet de travailler sur l’observation. Fares, lui, aime particulièrement « Le Château fort », qui lui rappelle la sortie cet été au Château de Vincennes, à l’occasion du Festival des Savoirs et des Arts. Zoulika, 10 ans, lit à haute voix « Le petit prince qui ne s’aimait pas », un conte sur l’acceptation de la différence.

La bibliothèque de rue, ce n’est pas juste lire des histoires aux enfants, c’est aussi échanger. Certains enfants peuvent s’emparer d’un livre pour lire eux-mêmes des histoires aux adultes.

Plein soleil sur la bibliothèque de rue de Montreuil le 27 septembre 2017. @GD

Partenariat

Le groupe est très gai. Les enfants sont curieux et ont envie de participer. Pour beaucoup, les livres n’existent pas à la maison. Avec la bibliothèque de rue, ils sont sensibilisés à la lecture qui va les ouvrir au monde. Pour un enfant, cela peut tout changer.

Peu à peu, Raphaël, Pauline, Françoise, Claire et Camille ont construit une équipe qui s’applique à choisir des livres pour tous : des cartonnés pour les tout-petits, au mini roman pour les plus grands, sans oublier les histoires fantastiques et les contes avec des princesses et des rois.

« Nous avons engagé un partenariat avec la bibliothèque de la ville de Montreuil, raconte Claire. Elle nous prête des livres sur des thèmes que nous avons sélectionnés. Une visite avec les enfants est prévue fin octobre et sera couplée avec une exposition sur le thème de la lecture dans les cabanes. »

Lien

Il est 16 heures 10. Douze enfants sont maintenant installés sur les nattes et les animateurs ont sorti les jeux de société : Memory, Uno, jeux des 7 familles…. La maman de Yacine et Yasmine rejoint le groupe et s’installe avec eux.

Alliée du mouvement depuis 25 ans, Françoise avait déjà fait un travail de lien dans cette cité et discute avec les mamans ou les adultes qui circulent.

La bibliothèque de rue, c’est aussi rencontrer les familles démunies dans leur quotidien, écouter leur colère, leurs soucis ou leur rêve. Aussi, lorsque Pauline s’aperçoit que la petite Lalia, assise près d’elle, est brûlante de fièvre, elle n’hésite pas à l’accompagner chez elle afin de prévenir sa maman.

Claire au milieu des enfants de la bibliothèque de rue de la Cité Jean Moulin. @GD

Familles

« Il n’empêche, on voit peu les familles, regrette Claire. Pour la sortie au Château de Vincennes, nous avons sonné à tous les appartements de la Cité pour nous présenter et faire signer les autorisations des enfants intéressés. Trente enfants et seulement deux mamans nous ont accompagnés. »

« Il faut du temps pour installer une bibliothèque de rue et consolider les liens, ajoute Raphaël. C’est pourquoi nous nous engageons dans la durée et venons tous les mercredis, qu’il neige ou qu’il vente, afin d’être vus et reconnus pour pouvoir gagner la confiance. »

A 17 heures, les enfants aident les animateurs à ranger les livres dans les caisses et font le chemin inverse jusqu’au local associatif. Avec la bibliothèque de rue, il s’agit de devenir importants les uns pour les autres. Les enfants attendent l’équipe chaque semaine et l’équipe s’est elle aussi attachée aux enfants.

Géraldine Dao

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