Entrez votre recherche ci-dessous :

A Mauléon, Territoires zéro chômeur de longue durée fait renaître l’espoir

L’expérimentation devrait bientôt se mettre en place si le Grand Mauléon figure bien, comme prévu,  parmi les 10 premiers territoires retenus. Les futurs salariés, eux, sont fin prêts.

Philippe Gabot et Sébastien Riodel ont hâte. Hâte de signer leur CDI dans l’entreprise qui va être créée dans le cadre du projet Territoires zéro chômeur de longue durée. Ils font partie de la cinquantaine de chômeurs du Grand Mauléon (Deux-Sèvres) – la ville et six communes voisines, 8 600 habitants au total – investis dans le projet.

« Après toutes ces missions d’intérim, la sécurité de l’emploi, ça fera du bien », dit Philippe, 57 ans. Maçon à l’origine, il a été débroussailleur, peintre, employé des abattoirs, « toujours en remplacement, jamais pour une embauche ».

Capture du 2016-05-29 17:43:09« Pouvoir retravailler après six ans, c’est retrouver sa dignité, explique Sébastien, 38 ans, c’est aussi revivre alors que là, je survis. » Agent hospitalier, il s’est abîmé le dos en travaillant de nuit dans un centre hébergeant des personnes handicapées. Opéré, depuis il boîte et n’a plus retrouvé de travail. Avec le RSA, il a du mal l’hiver quand il faut payer le chauffage.

Balade

Le projet se met en place à partir de l’automne dans les premiers territoires retenus. Partant du principe que l’emploi est un droit, il propose des CDI, payés au SMIC, à des chômeurs volontaires, à partir de leurs compétences et en fonction des besoins locaux. L’idée étant que de nombreux emplois utiles ne sont pas créés car non solvables.

Pour démarrer, le dispositif est financé par l’Etat. Puis il se financera grâce au transfert des dépenses sociales liées au chômage et aux revenus des futures « entreprises à but d’emploi ».

Avec 6,7% de chômage, le Grand Mauléon est en deçà de la moyenne nationale. Mais les chômeurs de longue durée y souffrent comme ailleurs: précarité économique, perte de confiance, marginalisation sociale… « Les gens croient qu’on se balade toute la journée, une partie de ma famille m’a même tourné le dos », souligne Sébastien.

Atouts

« Franchement au début je me suis dit : mais qu’est-ce que c’est ?, se souvient Philippe, dans les entretiens qu’on a eus, on nous demandait ce qu’on voulait faire ! Le contraire de Pôle emploi. »

Le maire de Mauléon, Pierre-Yves Marolleau, était aussi sceptique au départ face à ce projet atypique. « Plus les jours passent, plus j’y crois », dit-il aujourd’hui. Il estime que son territoire a des atouts : des élus unis autour du projet, des chômeurs mobilisés et un tissu de petites entreprises qui pourraient avoir des besoins ponctuels. La ville elle-même doit entretenir 12 hectares et ses 12 employés n’y suffisent pas.

Face aux attentes, sa hantise est de décevoir. Autre inquiétude :ne pas faire concurrence aux entreprises existantes. « Mais pour des élus à qui on demande de réparer des routes ou de planter des fleurs, c’est riche de toucher ainsi à l’humain », dit-il.

Utopie

Bernard Arru, fondateur des Ateliers du Bocage, entreprise d’insertion d’Emmaüs, pilote le dispositif avec un optimisme tranquille. « Les entreprises ont bien réagi, assure-t-il, et on a déjà trouvé un local, une ancienne tannerie, pour la future entreprise. »

A peine recruté, le directeur Thierry Pain s’est mis au boulot. « Je fais le tour des entreprises et vois leurs besoins, je rencontre les chômeurs, leur demande combien d’heures ils voudraient travailler, en quoi ils pourraient former les autres », explique cet ancien DRH.

Thierry Pain n’a aucune inquiétude sur les activités que pourra proposer son entreprise polyvalente : « dans la transition écologique, on pourra s’occuper des déchets biodégradables non recyclés. Il y a aussi les espaces verts, les chemins de randonnée à entretenir. Dans les transports, des personnes âgées ont besoin de se déplacer. Dans les services à la personne, c’est infini. »

Philippe sait tout faire dans les espaces verts. Sébastien se voit animateur dans une maison de retraite. Ou guide touristique. Lui qui écrit des romans, il a la passion de l’histoire. « Et dire que j’ai cru que tout ça était utopique », confie-t-il.

Capture du 2016-05-29 17:45:44

Véronique Soulé

Photo : Bernard Arru, Philippe Gabot et Sébastien Riodel le 25 avril 2016 (VS).